Il fit un signe et les ouvriers entreprirent d'ôter la partie supérieure de la boite. (...) Un mystérieux halo verdâtre émanait de sa peau abîmée, atténuant l'effet de décomposition global du cadavre. Son front était intact, mais le reste du visage n'était qu'un trou béant, comme si la pourriture qui grignotait ses mâchoires de son vivant avait gagné les joues jusqu'aux yeux.
Notre époque... Quelle époque ? J'ai vieilli, mais je veux être encore de mon temps ! Je ne suis pas de ces personnes âgées qui se complaisent dans l'évocation des vieux souvenirs, relisant encore et toujours les plus belles pages de leur vie jusqu'à ce qu'elles soient si bien délavées qu'ils doivent les réécrire en trempant leur plume à l'encre dorée de leur imagination. Le « c'était mieux avant » n'est pas pour moi.
L'espoir les galvanisait plus que n'importe quel remède. Agrippées solidement l'une à l'autre, elles se donnaient l'impression d'avancer au ralenti, comme au cinéma, gang de fortes têtes progressant vers la justice au son d'une musique épique. Sauf que le ralenti n'était pas un effet de style, ni leur démarche étrange la conséquence du port des armes, mais des douleurs aux jambes...
« Laura habite du côté des Olympiades, en plein quartier chinois. Je sens que je vais galérer pour me garer.
- Tiens, s'exclame Antoine, je ne connais pas du tout ce coin de Paris!
Je le préviens:
- Tu vas voir, c'est gratiné.
- Tu exagères, proteste Laura. C'est très sympa.
- À part ton voisin toxico, le papi Alzheimer qui débarque à n'importe quelle heure et la gardienne d'immeuble légèrement intrusive, c'est très sympa, en effet.
Devant l'air effaré d'Antoine, Marc remarque :
- Eh bien, mon vieux, tu vas t'amuser!
- Mais non, explique Laura, c'est vraiment dépaysant, et les gens sont très gentils.
Antoine ne semble pas franchement rassuré, pour un peu j'éclaterais de rire.
- Autant qu'il soit averti : les premières fois, ça surprend. »
Je saisis une sauterelle par une patte en masquant autant que possible mon dégoût. Je sais que c’est une simple question d’habitude, et que, dans le fond, un steak saignant est tout aussi répugnant. Mais une vie passée à écraser ou à exterminer araignées, cafards et autres insectes à coups de savate ou de bombe chimique ne me les rend pas franchement comestibles. Je fourre la bestiole dans ma bouche. Ça craque sous les dents, c’est… c’est dégueulasse ! J’essaie de bloquer tous mes capteurs sensoriels, et surtout mon imagination, pour parvenir à déglutir le truc.
Le repas est interminable, les conversations pesantes, l’humour lourd. Au bout d’une dizaine de jours, ce sont toujours les mêmes vannes, les mêmes commentaires, les mêmes idées reçues qui reviennent...
« Je ne suis pas superstitieuse, mais je suis terriblement curieuse. Je déroule le petit papier et lis : «Le plus doux bonheur est celui que l'on partage». Un peu niais, mais charmant. Je lève les yeux sur l'homme de ma vie :
- Tu as de la chance, il est parfaitement de circonstance! »
SERVEUR : Quoi, raciste !? Moi raciste ?! On n’est pas raciste en France. C’est le pays des Droits de l’Homme, mon petit bonhomme ! (Il montre son front.) Ici, il y a gravé : Liberté, Égalité, Fraternité !
Un plein article signalait que Marguerite Carlough, une ancienne ouvrière de US Radium portait plainte contre son employeur. Elle avait perdu plusieurs dents et une partie de sa mâchoire était tombée. Une photographie accompagnait l’article, montrant le visage démesurément gonflé de la jeune femme à l’agonie. Dégoûté, Fordyce referma vivement le journal et passa machinalement ses longs doigts effilés sur son crâne dégarni. Encore une de ces salopes dévorées par la syphilis qui essayaient de faire payer leur vice à leur employeur…
Je crois qu'à ce moment précis je compris réellement l'importance d'un rôle pour un comédien. Il y a des rôles qu'il sent, tellement il se sent fait pour eux et eux pour lui ; ce sont ses rôles.