Citations de Anne Swärd (18)
Ne rien demander à la vie, ne suivre que son propre chemin, enivrée de son propre parfum, même s'il est éventé. Ne jamais s'arrêter, c'est le moteur... Rester en mouvement, rester éveillée.
Déménager des meubles, c'était une chose, ses racines, c'en était une autre.
L’oubli est un don du ciel.
La peur, ça s'apprend, disait ma mère, surtout si on ne l'a pas dans le sang.
Papa a peigné l'amour à rebrousse poil. Toujours. Pour le débarrasser des puces et des poux. Mais, le temps de finir, l'amour l'avait quitté.
Ses cheveux châtains devaient en tout cas être gris, à présent. Le temps passe, même quand on fait comme si de rien n'était.
Les plus forts restent, ce sont les faibles qui partent. J’ai déserté, obligée de m’en aller pour demeurer moi-même.
Parfois, on essaye de racheter ses fautes par son absence.
L’enfance n’est de toute manière pas un endroit où l’on peut retourner, simplement un laps de temps très court que nous ne pouvons jamais revivre.
Ma mère dit que la vieillesse est un état de décomposition impersonnelle, mais je ne veux rien savoir pour le moment.
Avec le temps, elle est devenue moins sensible à l’horreur mais plus à la tristesse. Il faut se mettre à l’épreuve quand on est jeune, et se protéger quand on vieillit, me dit-elle, elle qui m’avait mise en garde contre tout durant mon enfance.
Le plus dangereux, c’est de se perdre soi même… Ce qu’on perd, on peut toujours le retrouver. Mais si on se perd soi-même, qui viendra nous chercher ?
On peut facilement détruire un homme, mais s’entendre avec lui, c’est ce qu’il y a de plus difficile.
Dès que je commence à me sentir chez moi quelque part, je m’en vais. Plus on connaît les gens, ou les choses, plus ils nous deviennent étrangers… Je me sens chez moi, là où je le suis le moins.
D’un seul coup, j’ai eu l’âge de lire Bonjour tristesse, et tout ce que je trouvais au hasard de la bibliothèque de ma mère. À un certain moment de sa jeunesse, les livres avaient dû la décevoir, parce que toute son étagère datait d’une seule et même époque. […] Ces romans constituaient pour moi l’unique moyen d’avoir un aperçu de cette période de sa vie, des perspectives qu’elle avait alors. Quand je les ouvrais, je sentais le parfum des pins, des banlieues américaines et des cafés français déserts; je m’y laissais entraîner. Lukas en devenait jaloux. Les livres me rendaient inaccessible même si j’étais allongé tout près de lui dans le lit. Il me voyait partir mais sans savoir où, et encore moins pourquoi. Comment ça, des romans? Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien apporter au monde, celui où il se trouvait, où il attendait? C’était moi qu’il attendait que je le veuille ou non. Il s’allumait une nouvelle cigarette à chaque page que je tournais et soufflait la fumée dessus en me fixant du regard.
À chaque fois, les mêmes souvenirs, l’enfance. Je remonte le cours du temps, les hivers et les étés, la longueur des jupes, les coupes de cheveux, les bulles de chewing gum qui ont perdu leur goût. Inutile d’essayer de lire, je referme mon livre. Le ciel s’embrase de jaune et d’une couleur dont je ne connais pas le nom. Je quitte une solitude pour en rejoindre une autre. La solitude, il faut s’y habituer. Avec le temps, c’est elle qui demeure à nos côtés.
L’amour est une folie à deux. Elle avait lu ça quelque part, puis elle en avait fait l’expérience. Il leur avait suffi d’un brin de folie à tous les deux pour qu’ensemble ils perdent totalement la raison, c’était ça le pire. […] L’amour, ça vous tombe dessus. Comme la fièvre ou comme une faillite. Non, c’était bien la fièvre qui embrasait son corps, malgré les efforts qu’elle faisait pour le rafraîchir. L’amour n’obéit à rien, comme il lui plait il va et vient. Elle le détestait. Elle l’adorait. Elle l’aimait tellement qu’elle le haïssait. Rien que sa présence, si près. Quelquefois la nuit, elle croyait en devenir folle. Si elle ne l’était pas déjà. Elle ne savait plus.
Si la confiance n’existe pas, autant être mort. Mais une trop grande confiance met la vie en péril.