Annelise Heurtier

"Je me souviens très bien de ce matin de janvier 2019. Il faisait froid et j'étais dans ma cuisine, en train de préparer du thé. À la radio, Léa Salamé a lancé l'interview de la patineuse multimédaillée Sarah Abitbol. Invitée pour la sortie de son roman autobiographique Un si long silence, elle s'est confiée sur les agressions sexuelles qu'elle aurait subies de la part de son entraîneur alors qu'elle était âgée de quinze ans. Il y a dans cette interview un je ne sais quoi qui m'a profondément touchée. Bouleversée, même. Je ne sais pas si c'est sa manière d'en parler, ou le fait que son histoire résonnait de manière très proche à mes oreilles, moi qui ai passé mon adolescence dans un gymnase. Je connais l'exigence, la souffrance et la joie, l'envie de bien faire, le besoin d'être appréciée de son entraîneur, les rapports parfois ambigus, que l'on peut nourrir avec lui, quand on a que quinze ans et qu'on est en construction. Je connais la puissance de la passion sportive, exaltante, dévorante. J'ai aimé la gymnastique. De toute mon âme. J'ai aimé ce que j'ai vécu, ce qu'elle m'a apporté et appris sur moi, les liens uniques que j'ai tissés avec mes coéquipières. Alors j'ai ressenti une colère immense contre ceux qui, comme l'entraîneur de Sarah Abitbol, saccagent un tel trésor. Sur le coup, les mots m'ont manqué. Ce roman fut peut-être une manière de les chercher." pg 6 et 7