Citations de Annelise Heurtier (510)
La stupidité était la chose la mieux partagée au monde.
Une foule incroyable était massée devant l'école. Les trottoirs étaient noirs de Blancs.
C'est là-bas que je me suis trouvée, là où naissent les nuages.
Il fallait persévérer. Montrer à tout le monde que les Noirs n'étaient pas des victimes ou des lâches. Que l'espoir et le courage n'avaient pas de couleur.
– Qu’ont-ils à y gagner, au fond ? Pourquoi est-ce qu’ils tiennent tant à nous maintenir dans cette position ? Est-ce qu’ils ont peur de nous ?
– Sûrement, répondit Shiri après quelques instants. Le drame, finalement, c’est que l’on vit côte à côte, mais pas ensemble. On ne se connaît pas.
L'intégration était suspendue? Peutêtre que cela valait mieux, après tout. Sa vie redeviendrait comme avant. Injuste, mais normale et rassurante. Avec des écoles minable, mais sans menaces de mort au téléphone.
Blottie dans l'odeur de sa grand-mère, elle sentit pourtant que la déception prenait le dessus. Quand, à son tour, elle serait grand-mère, elle n'avait pas envie de se retrouver à devoir expliquer à ses petits-enfants pourquoi ils ne pouvaient pas aller au parc d'attraction avec les blancs.
La ville donnait une impression d’anarchie architecturale totale. De grands buildings flambant neufs côtoyaient de petites yourtes.
Ça me rappelle cet article que j'avais trouvé dans l'un des magazines de psycho qui traînent toujours au salon. Ça m'avait marquée. L'article disait qu'on reproduisait souvent ce que font nos parents pour les excuser inconsciemment, ou légitimer leur conduite.
(p. 122)
"C'est très beau, très sauvage. On dit que c'est là-bas que naissent les nuages."
"Normalement, les gamins de riches, ils sont toujours ravissants. L'argent, ça rend charmant, on le voit dans les magazines.[...]" En arrivant chez moi, j'avais terminé le troisième pain au chocolat. Dans mon estomac, un kilo de beurre s'attaquait à dissoudre mon chagrin.
Dans les années vingt, le "spectacle" d'Afro-Américains pendus à des lampadaires était photographié puis reproduit sur des cartes postales, que s'arrachaient les Blancs.
Peut-être que finalement Maxence Tate avait raison. Peut-être que tout cela ne faisait que commencer. Peut-être que le jour viendrait où les Noirs pourraient assister aux mêmes spectacles que les Blancs. Peut-être que les piscines leur seraient ouvertes toute la semaine, et pas seulement la veille du nettoyage. Qu'un chanteur noir aurait le droit de faire swinguer une femme blanche sans être boycotté. Qu'il serait permis de se marier en mélangeant les couleurs. Et peut-être même qu'un jour il y aura un président noir à la Maison Blanche !
Le désastre de ma vie, ne pas aimer celle que j’étais, mes parents aussi en portaient la responsabilité. Et pas seulement à cause des gènes qu’ils ne m’avaient pas transmis. S’ils avaient été moins lumineux, ma mère surtout, peut-être qu’à l’inverse, moi, j’aurais pu l’être un peu plus. (…) Ma médiocrité était à l’aune de leur perfection.
En quelques jours, j'avais presque oublié comment j'étais arrivée là, que ma vie à Paris tournait exclusivement autour de mes (grosses) cuisses, que je fréquentais un lycée de bourges où les seules inconnues étaient de savoir si Machine était une salope qui couchait dès le premier soir ou s'il était bien vrai que Truc, qui n'avait pourtant pas besoin de fric, dealait de la coke derrière les platanes. En même temps, on n'y pouvait pas grand-chose, de ne pas avoir les mêmes préoccupations. Tout dépendait de l'endroit où nos mères hurlaient pour nous mettre au monde. Sous le regard surmédicalisé d'un obstétricien californien. À même le sable, derrière un paravent de nattes en plein désert. Avec bonheur, résignation ou indifférence. Tout n'était qu'une question de hasard. Ils auraient pu être nous, nous aurions pu être eux. Je détestais cette pensée.
Même si aujourd'hui, pas lassitude ou par découragement, mon envie de savoir est un peu moins désespérée, je crois que je lui en voudrai toute ma vie [à ma mère] de me priver de ça [connaître mes grands-parents maternels]. Je n'ai déjà pas de père. Elle devrait comprendre que j'ai besoin de quelque chose à quoi me raccrocher. Quelque chose qui m'aide à me construire, à savoir que je ne suis pas qu'une ado élevée par une mère célibataire dans la banlieue de Lille.
(p. 13)
"S’ils avaient été moins lumineux, ma mère surtout, peut-être qu’à l’inverse, moi, j’aurais pu l’être un peu plus."
Je savais que je ne pourrais partager ce séjour avec personne d'autre qu'eux [mes parents]. Les expériences intenses sont ainsi faites : impossibles à saisir pour ceux qui ne les ont pas vécues.
La stupidité était la chose la mieux partagée au monde.
Molly avait grandi dans le rejet et le mépris des Blancs, au mieux dans leur indifférence, mais jamais elle n’avait cru devoir faire face à une telle concentration de cruauté. C’était tout simplement ahurissant.
Ama disait que l'amitié est comme un jardin. Elle se cultive, elle a besoin d'attention.