Citations de Annick Cojean (115)
Asli Erdogan
Mais voyez-vous, je suis quand même heureuse d'avoir raté mes suicides à 10 ans puis à 22 ans. ça valait le coup de vivre, malgré tout. Je ne peux toujours pas aimer la vie ou faire la paix avec elle, la condition humaine est décidément trop effroyable. Mais j'accepte désormais l'idée qu'il y a dans la vie quelque chose de sacré. Oui, de sacré. (p. 116)
Mais alors que tout le monde regagnait le bus, la puéricultrice se trouva acculée dans une petite pièce dotée d'un jacuzzi, dans laquelle deux infirmières lui firent en un éclair une prise de sang. Kadhafi réapparu alors, et il ne souriait plus. Ses intentions étaient très claires. La fille a paniqué: "Je vous en prie, ne me touchez pas. Je suis de la montagne. Et j'ai un fiancé! - Je te donne le choix, a répondu le Guide: ou bien je le tue, ou bien je te laisse l'épouser, je t'offre une maison et tu nous appartiendras à tous les deux."
Je ne crois pas plus en une "nature" féminine qu'en une "nature" masculine.
En "l'éternel féminin", qui n'est qu'une aimable plaisanterie inventée par des machistes pour mieux nous circonscrire.
Pourtant... Je suis convaincue que notre expérience de l'injustice nous a conféré une richesse supplémentaire. Il a fallu serrer les dents, inventer, résister.
Eh bien je pense que de ces valeurs d'opprimés - courage, endurance, résilience - a jailli une formidable créativité.
Tous les lieux fréquentés par les femmes pouvaient être sources d'approvisionnement pour le Guide, y compris les prisons où l'on a vu une de ses gardes du corps venir faire des photos de jolies détenues. Les salons de coiffure et de beauté étaient une source privilégiée, visités assidûment par ses rabatteuses. Les fêtes de mariage en étaient une autre. Il adorait se rendre à ces festivités où les femmes revêtaient leurs plus beaux atours. S'il ne pouvait s'y rendre lui-même, il y dépêchait ses émissaires et passait un temps fou à visionner photos et vidéos prises à cette occasion.
Et soudain Il est arrivé. Dans un crépitement de flashes, entouré d'une nuée de gens et de femmes gardes du corps. Il portait une tenue blanche, le torse recouvert d'insignes, drapeaux et décorations, un châle beige sur les épaules de la même couleur que le petit bonnet posé sur sa tête et d'où émergeaient des cheveux très noirs. Ça s'est passé très vite. J'ai tendu le bouquet, puis j'ai pris sa main libre dans les miennes et l'ai embrassée en me courbant. J'ai senti alors qu'il comprimait étrangement ma paume. Puis il m'a jaugée, de haut en bas, d'un regard froid. Il a pressé mon épaule, posé une main sur ma tête en me caressant les cheveux. Et ce fut la fin de ma vie. Car ce geste, je l'ai appris plus tard, était un signe à l'adresse de ses gardes du corps signifiant: "Celle-là, je la veux !"
L'avenir boitera s'il n'est construit que de mains d'hommes et d'attentes de femmes.
(page 116)
Des véhicules bariolés continuaient de sillonner la ville, dégorgeant de rebelles assis sur le capot, le toit, les portières, drapeaux au vent. Ils klaxonnaient, brandissaient chacun leur arme comme une amie précieuse qu'on emmène à la fête, qui mérite un hommage. Ils hurlaient "Allah Akbar", s'enlaçaient, faisaient le V de la victoire, un foulard rouge, noir, vert noué en pirate sur la tête ou porté en brassard, et qu'importe si tous ne s'étaient pas battus depuis la première heure, ou avec le même courage. Depuis la chute de Syrte, dernier bastion du Guide, et sa mise à mort fulgurante, tout le monde, de toute façon, se proclamait rebelle.
L'indépendance économique est une règle d'or. Gisèle Halimi et son mouvement ''choisir'' ont eu raison d'en faire leur credo.
La dépendance économique vous menotte, vous bouche l’horizon, vous expose à toutes les humiliations y compris d’ailleurs aux violences conjugales.
Ce qui m'intéresse, c'est l'énergie d'un cheminement. Ses ressorts secrets. ses fantômes. Son moteur. Ses plaisirs. Comment se construit une vie ? Qu'est-ce qui fait avancer ? (p. 10)
Soraya ne triche pas. Elle raconte ce qu'elle a vu, vécu, ressenti, sans la moindre hésitation à reconnaître ce qu'elle ne sait pas, ne comprend pas, ne connaît pas. Aucune envie d'exagérer l'histoire ou d'amplifier son rôle. Jamais elle n'extrapole. Fréquemment, à mes demandes de précision, elle opposait un: "Désolée, ça, je n'en sais rien. Je n'y étais pas." Elle ne souhaite pas être crédible, elle veut être crue. Et dans cette exigence, il y a quelque chose de vital. C'était d'ailleurs les termes de notre accord: mieux valait un silence qu'une approximation ou un mensonge.
On recense les sévices causés aux prisonniers politiques, les exactions contre les opposants, les tortures et meurtres de rebelles. On ne se lasse pas de dénoncer sa tyrannie et sa corruption, sa duplicité et sa folie, ses manipulations et ses perversions. Et on exige réparation pour toutes les victimes. Mais des centaines de jeunes filles qu'il a asservies et violées, on ne veut pas entendre parler. Il faudrait qu'elles se terrent ou qu'elles émigrent, ensevelies sous un voile, leur douleur empaquetée dans un baluchon. Le plus simple serait qu'elles meurent. Certains hommes de leurs familles sont d'ailleurs prêts à s'en charger.
On ne naît pas féministe, on le devient !
N'ayez pas peur de vous dire FÉMINISTES !
C'est un mot magnifique, vous savez. C'est un combat valeureux qui n'a jamais versé de sang.
Asli Erdogan
Et c'est à l'écriture que je devais ça. Une sensation de plénitude fantastique. Précaire bien sûr. Mais sans prix. Et sans équivalent. Toutes mes blessures trouvaient leur justification et arrêtaient de saigner. (p. 110)
"Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ", écrivait Albert Londres.
Vous auriez alors murmuré "J'ai commencé ma vie dans la terreur, je la finis dans l'effroi"
SV : La grossièreté des propos tenus dans l'hémicycle m'ont stupéfiée, un langage de sourds.
P. 80
Rebellez-vous, les filles ! Vous êtes importantes. Devenez PRIORITAIRES !
J’étais venue à Paris faire du droit, mais la philosophie m’est vite devenue une matière cruciale.
Comment cheminer dans le monde sans penser l’humanité ? Comment espérer agir sur la réalité sans avoir réfléchi au sens même de l’existence ?