A l'occasion du "Livre sur la Place" 2021 à Nancy, Antoine Sanchez vous présente son ouvrage "Le Pégase" aux éditions L'Atteinte.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2498982/antoine-sanchez-le-pegase
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
Le radotage, c’est l’oubli qui parle, la rumeur des tombes.
Au Pégase, il y a ceux qui sont là depuis toujours.
Le zinc, la bête et ce verre que l’on brandit en guise
de prière, entre soif de joute et d’immobile.
Le patron n’a pas l’air dans son assiette et la patronne a du mal à l’encaisser. On ne sait pas quoi faire. On demeure interdit dès qu’il s’agit de parler de choses graves.
On continue de vivre comme si de rien n’était.
C’est la plus belle forme de soutien qu’on puisse lui offrir.
Incipit :
Au Pégase, il y a ceux qui sont là depuis toujours. L’Allemand, qui remue des pièces dans sa poche pour dire qu’il est bien là, Le professeur a sa table juste au centre ; il fait des ronds sur le bord du verre.
Le colonel marmonne dans sa barbe, vautré sur sa chaise. Le musicien se tient debout au comptoir. Le derrière du libraire déborde du tabouret.
Quand l’aristo passe, c’est jour de fête, tout le monde se sent plus important.
Le matin, les patrons sortent la terrasse sur un coin de trottoir en bord de route. On y échoue généralement faute de trouve mieux ailleurs.
Une grande baie vitrée donne sur la rue. De l’extérieur on voit les vieilles banquettes en cuir, dont certaines sont déchirées, et une tête de cheval empaillée sur le mur du fond.
Pour aller aux toilettes, il faut demander au patron. Raymond. C’est lui le gardien de la clef. Plongeant la main dans un pantalon en velours marron à grosses côtes qu’il porte quelle que soit la saison, il vous la tend, le regard fier, presque halluciné.
Le patron propose du vin à son épouse en touchant la bouteille du doigt. Elle fait « non » de la bouche. Lorsqu’il a terminé, elle fait un signe de tête vers le haut pour lui demander s’il a encore faim. Il lui répond à l’aide d’une moue qui veut dire « C’est bon ».
Vivre ensemble pendant tant d’années, c’est creuser sans cesse plus en profondeur à l’intérieur de l’autre ; c’est chercher le silence le plus noble, le plus commode ; celui qui viendra s’échouer sur les corps inanimés.
Odile sert les derniers fumeurs.
Une journée de plus s’envole. La pluie cesse. Raymond rentre la terrasse sous le regard du nouveau propriétaire d’en face, dont l’affaire cartonne. Il a trouvé un bon concept. Il a l’air si fier ; si certain d’avoir fait le coup du siècle. Il doit se regarder matin et soir dans la glace. Raymond lui collerait bien son poing dans la figure, il aurait quelque chose de plus intéressant à y regarder.
La beauté ne se donne pas à la paresse, elle doit fatiguer l'esprit avant de fatiguer le coeur.
C'est comme si l'on retrouvait une grâce à jamais perdue, une sorte de vitalité barbare, insolente, fondamentale ; comme si l'on nous rappelait pourquoi, là-bas, dans les temps immémoriaux, on nous avait donné la vie.