« Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre la colorier avec nos couleurs d'amour et d'espoir. »
Marc Chagall
Beaucoup de fous, d’angoissés, de bipolaires, de mélancoliques, ne sont « fous » que parce qu’ils égratignent l’ordre social, parce qu’ils ont jeté le masque en refusant de se vautrer avec les autres dans un divertissement dont ils voient toute la vanité, parce qu’ils savent qu’on les emmène à l’abattoir et refusent de tourner la tête. On qualifie de folie cette sagesse des clairvoyants qui voient la vérité crue d’un néant existentiel.
L'intérieur de tes cuisses cache deux ronds nus et blancs, parfaitement symétriques, qui se font face comme deux jumeaux au visage pâle reliés par leur chevelure buissonnante. Deux clairières dont j'avais un jour décrété qu'elles m'appartenaient er que je voulais y passer le restant de mes jours, lovée à l'ombre de l'arbre qui surplombe la forêt quand le désir est à son zénith.
Nous nageons dans le bleu. Un bleu enfantin, irréel, éclatant. Ce bleu avec lequel Chagall a peint les amants. Un bleu à faire voler les poissons et rougir la lune.
S’enraciner, c’est ce qu’elle voudrait faire, là, maintenant. Planter ses deux pieds dans la terre, lever les bras au ciel, offrir son visage au soleil et pousser, comme un arbre, en aspirant les nuages. Elle sentirait les coccinelles chatouiller ses doigts et les oiseaux nicher dans ses branchages. Elle serait plantée dans une prairie d’herbe grasse, comme le sapin veillant le Poète allongé de Chagall, étalant sa ramure dans un ciel rose.
Il a la silhouette lourde de ceux qui se soulagent dans l'assiette du poids de leurs responsabilités.
Les femmes entonnent un chant sourd, entêtant, un chant de tout le corps, un appel au ciel, à l'orage qui se refuse encore. C'est le chant de l'indicible, qui vient lorsqu'il ne reste plus rien,le repoussoir du néant. L'espoir qui ne renonce pas.
— Quand j’étais petite, je voulais vivre dans un tableau de Chagall, barbouillée de couleurs au milieu des chevaux ailés, des soleils bleus et des musiciens acrobates… je crois qu’au fond c’est toujours le cas.
Elle aimerait pouvoir faire un herbier de rêves, les cueillir encore tout vivants et les glisser entre deux pages pour pouvoir les regarder toute la journée. Mais ça se fane si vite, les rêves, c’est comme les coquelicots. On ne peut pas les cueillir sans les faire mourir instantanément. On ne peut pas.
Elle serre dans ses bras cet enfant qui a grandi tordu, brisé de partout. Elle voudrait avoir le pouvoir de réparer toutes ses fêlures dont les cicatrices ne sont que l’infime affleurement.