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Citations de Antonin Artaud (995)


Amour

Et l’amour ? Il faut nous laver
De cette crasse héréditaire
Où notre vermine stellaire
Continue à se prélasser

L’orgue, l’orgue qui moud le vent
Le ressac de la mer furieuse
Sont comme la mélodie creuse
De ce rêve déconcertant

D’Elle, de nous, ou de cette âme
Que nous assîmes au banquet
Dites-nous quel est le trompé
O inspirateur des infâmes

Celle qui couche dans mon lit
Et partage l’air de ma chambre
Peut jouer aux dés sur la table
Le ciel même de mon esprit

Tric Trac du ciel (1923)
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Je ne crois plus aux mots des poèmes (1947)

Je ne crois plus aux mots des poèmes,
car ils ne soulèvent rien
et ne font rien.

Autrefois il y avait des poèmes qui envoyaient un guerrier se faire trouer la gueule,
mais la gueule trouée
le guerrier était mort,
et que lui restait-il de sa gloire à lui ?
Je veux dire de son transport ?
Rien.

Il était mort,
cela servait à éduquer dans les classes les cons et les fils de cons qui viendraient après lui et sont allés à de nouvelles guerres
atomiquement réglementées,

je crois qu’il y a un état où le guerrier
la gueule trouée
et mort, reste là
il continue à se battre
et à avancer,
il n’est pas mort,
il avance pour l’éternité.

Mais qui en voudrait
sauf moi ?

Et moi, qu’il vienne celui qui me trouera la gueule
je l’attends.

***
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Moi, Artaud

Moi, Artaud,
travaillé,
à me débarrasser du mal,

mais pourquoi pas savoir quand ça finira.

Je ne veux pas savoir ce que je ferai demain,
je ne veux pas le savoir,
mais je veux savoir que le mal finira immédiatement.
Non, il ne finira jamais non plus.
Alors,
je suis le maître des éléments
et celui des événements.
Je ne veux plus être touché,
envahi
comme je le suis par d’autres,
je ne veux plus être endormi par d’autres,
le sommeil est une illusion où l’on continue à vivre.

Je ne veux plus de ces angoisses de mort.

Je ne veux plus dormir.

Je ne veux pas mourir.

Je ne veux plus rêver.

***
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L'homme ne naît pas enfant, il naît homme, de courte taille peut-être, mais homme, et ce n'est pas un regard d'enfant mais d'homme qu'il jette d'abord sur la vie.
Car on ne devient pas homme,, on naît homme, mais après avoir été forcé à redevenir, devenir, à devenir petit enfant.
Et c'est au prix d'un état de mort affreuse que l'homme né homme, et bien homme, se voit ressusciter petit enfant, après être apparu en homme devant le sexe de sa maman.

P89
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Le théâtre de la cruauté.

Le corps humain est une pile électrique chez qui ont a châtré et refoulé les décharges,
dont on a orienté vers la vie sexuelle
les capacités et les accents
alors qu'il est fait
justement pour absorber
par ses déplacements voltaïques
toutes les disponibilités errantes
de l'infini du vide,
des trous de vide
de plus en plus incommensurables
d'une possibilité organique jamais comblée.

P 108
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Ce qui est dangereux chez les gens ce n'est pas leur conscience, elle est là, on peut lui tordre le coup comme à un poulet
c'est ce qu'ils en expulsent, réprouvent et refoulent, où donc? dans ce très haut fond d'eux-mêmes qui rejoint l'espace de tout et où tout le monde se rejoint-or chaque pensée réprimée est un double, un double acrimonieux
animé
de l'animosité
des sentiments évincés.
Et ce double n'est pas un esprit, et qui pourrait encore supporter une idée sans opacité aucune, fût-ce celle du plein d'une surface vitrée,- un être d'une pure essence?
Cela n'a plus cours aujourd'hui.
C'est ainsi que l'espace est plein de corps agités, les corpuscules indifférents du soleil ne sont rien auprès de l'épouvantable densité corporelle de tous les corps.

P 119
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Des ennemis, j'en ai dans toutes les sectes et dans toutes les religions.
Et nos corps à tous ne sont pas fait parce qu'ils sont nés d'une mère et d'un père, ce ne fut au plus qu'un accident des plus passagers, ils sont, ces corps en train de se faire et c'est nous-mêmes qui les faisons avec la force de nos volontés.
Ce sont des lianes suspendues, lianes en suspension de la fibre verticale de l'être,
l'être en preter-omission,
de poter-anatialisation,
potentialisation,
perdu démis,
porte délmise,
protée inimixe,
de l'inimixtion en porte portée,
ombre à motion,

ces lianes peuvent être des clous aussi,
mais pas encore,
pas à ce moment-là,
non de l'être puisqu'il n'y en a pas encore, mais de ce qui aurait envie de l'être et qui jamais ne le sera.

On est pas être,
on n'existe pas,
c'est ce que je pense,
drôle de philosophie peut-être, drôle de manière de voir les choses, mais c'est la mienne.
Je pense qu'on est homme et pas être
et que l'homme n'est pas un être et ne peut pas en être un sans déchoir et sans trahir,
l'homme de la chute fut un être, l'homme devint un être en tombant,
et avant,
avant la question de l'être ou du néant ne se posait pas,
et nul n'aurait pu dire, vouloir dire qu'il était ou n'était pas avant d'être ceci ou cela.
Être suppose une ration, un arrêt, une sorte d'arrêt de mort qui définisse la nature, range dans nature et qualité, distingue la qualité, la valeur,
entre valeur et qualité range l'homme afin de l'en imprégner assez
pour le décourager de la groume,
de râler, de gueuler et de protester,
pour le décourager d'un quelque chose, mais qui n'est pas un état ou une chose mais qui est le fait qu'il n'est pas une chose mais un corps,
qu'il est avant tout et uniquement un corps,
un corps qui ne supporte pas d'être, sans éructer et sans tonner,
sans baver et sans exploser.
L'homme c'est moi,
les autres ne sont pas moi.
Je ne peux pas être sans tonner.
Or tout ceci n'est pas de la philosophie mais de la guerre.
Je ne cois pas qu'un seul parmi philosophe qui ont écrit sur l'être, ou le néant, l'âme, l'esprit, la vie, la mort, se soit rendu compte à quelle point l'esprit est une bataille de corps,
qu'une idée est une armée personnelle qu'on ne peut en aveugle avancer sans risquer une petite mort.

p 81
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Ce sont les concepts et notions qui ont fondé la science et fait perdre la vérité. Enfoncer un clou sans se dire : Tu es notion ; il sera solide et beau car la notion c'est moi et je ne peux pas sortir de moi.

P85
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Gérard de Nerval s'était rendu compte que les états supranaturalistes sont des états formidablement réels dans lesquels nous devrions plonger à chaque minute et dans lesquels la jalousie de certains et la bêtise des autres nous empêchent de plonger et si nous l'avons fait de nous y maintenir.

S'y exercer est une crapule.

Un esprit enfin de compte s'est mis en Gérard de Nerval et l'a pendu.
C'est ainsi que se passent tous les suicides.

Conversations à distance,
transfert de la pensée à travers les espaces,
pétrissage spatial d'un corps.

P 86
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L’on s’étonne dans les
quotidiens
et il y a cent mille quotidiens
qui ne molvent que des
balivernes
et qui donnent [chaque] jour
à la conscience
humaine
sa prolifique platée
de sottises, de cancans,
de fausses nouvelles,
on s’étonne que la vie
aille aussi mal
et qu’est-ce que c’est que la vie
qu’est-ce que c’est que le mal
dans la vie
qu’est-ce que c’est que le
mal de vivre,
le mal de vivre dans la vie,
et comment vivez-vous
tous dans votre vie
et qu’est-ce que vous y faites dans la vie
et à quoi vous sert-elle la vie
à quoi vous sert-il de vivre,
et pourquoi vit-on ?

Cahiers d'Ivry - février 1947 - mars 1948
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L'électrochoc accompli ne se produisit pas cette fois-là comme les 2 premières.
Je sentis que ça ne passait pas.
Et tout mon corps électrique interne, tout le mensonge de ce corps électrique interne qui depuis un certain nombre de siècle est le fardeau de chaque humain, se retourna, devint en moi comme un immense retour de flamme, nomades de néant hérissés à la limite d'une existence détenue par mon corps de plomb qui ne pouvait pas sortir de son plomb.
Je ne pouvais plus être mon corps, je ne voulais pas être ce souffle qui tournerait à mort autour de lui jusqu'à l'extrême dissolution.

Ainsi tordu et replié fibre sur fibre, je me sentais l'affreux couloir d'une impossible révulsion. Et je ne sais quel vide pendu m'envahissait de ses lacunes noires,
mais j'étais le vide, et pendu,
quant à l'âme, je n'étais plus qu'une affre entre plusieurs étouffements.

Où se mettre et par où ressortir, voilà la seule et unique pensée qui tressautait dans ma gorge prise et bloquée de tous les cotés.
Ni par l'âme ni par l'esprit, voilà ce que me jetait en passant chaque muraille de suie corporelle,
et tout cela c'est le monde d'avant, voilà ce que me disait chaque battement.

C'est le corps qui restera,
sans esprit,
l'esprit c'est le malade.

P 125
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Non, non, non et non,
la conscience n'est pas ce qu'elle prétend
et le sunormal a toujours beaucoup plus de place dans l'existence
que les idées et sentiments qui constituent le train ordinaire de la vie
et le surnormal est le fait de chaque homme
et il le sait
et il y a des moments où chaque homme le sait.

La conscience a ses chemins en retrait, ses impasses.

P100
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Et maintenant je vais dire une chose qui va peut être stupéfier bien des gens.
Je suis l'ennemi du théâtre.
Je l'ai toujours été.
Autant j'aime le théâtre,
autant je suis, pour cette raison-là, son ennemi.

Le théâtre est un débordement passionnel,
un épouvantable transfert de forces
du corps
au corps.
Ce transfert ne peut pas se reproduire deux fois.
Rien de plus impie que le système des Balinais qui consiste,
après une fois produit ce transfert,
au lieu d'en rechercher un autre,
de recourir à système d'envoûtement particuliers
afin de priver la photographie astrale des gestes obtenus.

P 52
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Ce mensonge est que l'humanité a quelque part une bête qu'elle n'a jamais voulut éliminer, une espèce de bête suave qu'elle cache scrupuleusement en attendant le jour entre nous béni et appelé par elle où elle pourra le montrer au grand jour.
Mais ça c'est la vérité que l'homme est cet incoercible et goulu saligaud, décrit dans cent mythes, voulu par cent mythes,
et qui depuis leurs premières incrustations n' a pas bougé.
Le mensonge est celui de cette honnêteté de façade, qui combien de temps encore, recouvre les rapports humains,
alors que la grande obsession de la conscience c'est le mal, l'assouvissement sans barrière de je ne sais quel abject désir, entre l'érotisme et la charogne, qui chaque nuit passe sur tout le monde,
mais j'ai senti entrer en moi de façon trop localisé et corporelle pour n'en être pas devenu cet ennemi irréductible et définitif de la vie en société que je me suis montré il y a 9 ans à Dublin, avec une certaine canne que j'étais allé montrer aux Irlandais, et qui fut cause de mon empoisonnement d'abord, de ma déportation ensuite, de mon internement pendant 9 ans enfin.

P162
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Ce qui est scientifique c'est ce qui obéit à cette vie larvée de castrats qui veulent que les choses soient soumise à une loi et à un être, être lent, limoneux, larvaire, lubrifiant, non épileptique, non tressautant, et sans la médecine et la science il n'y aurait jamais en autres des crises d'épilepsie car la vie est épileptique, insurrectionnelle, sans loi, hors norme, hors verbe, hors discours incompréhensible, imprenable, elle n'est rien que les saccades épileptoïdes, tétanisantes, éjaculatrices de ses issues.

P 151
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Les écoles, la Sorbonne, les facultés ont été faites pour et par des ignares qui avaient besoin d'étudier pour apprendre, et apprendre pour savoir, fils de cette race de bestiaux incapable d'initiative propre et qui n'ont jamais su agir, fils de cette race de bestiaux assassins.
Car les choses deviennent choses et mystérieuses à partir du moment où on les creuse, le comment , le pourquoi et l'être, ne sont pas une loi.

P 92
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Et l'amour ? Il faut nous laver
De cette crasse héréditaire
Où notre vermine stellaire
Continue à se prélasser

L'orgue, l'orgue qui moud le vent
Le ressac de la mer furieuse
Sont comme la mélodie creuse
De ce rêve déconcertant

D'Elle, de nous, ou de cette âme
Que nous assîmes au banquet
Dîtes-nous quel est le trompé
O inspirateur des infâmes

Celle qui couche dans mon lit
Et partage l'air de ma chambre
Peut jouer aux dés sur la table
Le ciel même de mon esprit
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Je ne suis pas un politicien, je ne fais pas de politique et je ne crois pas qu'il faille en faire, pas plus que de la philosophie, de la médecine, de la biologie, de la sociologie, de l'arithmétique, de la géographie, de l'astronomie, de la science, de la physiologie, de la métaphysique, de l'ontologie, de l'astrologie et de l'anatomie, toutes ces sciences sont des singes qui n'ont jamais contenu une vérité, les choses n'ont jamais eut besoin de faire nôtre connaissance pour vivre, les malades se passent fort bien des médecins, la vie de biologie, la sagesse de ses petits amis, les société de sociologues comme les hommes de société.
Quant au chiffre du nombre des choses, il n'a jamais su être compté, et qu'il soit une, 2 ou 3 heures, qu'importe à la perpétuité si cela importe beaucoup au ternaire, sans quoi la kabbale n'aurait jamais existé.
Pour la géographie, que je sois au Thibet ou en Egypte, c'est à peu près la même saleté, un identique tarot érotique par quoi l'homme trouvera la route de forniquer en sécurité dans la conscience de l'autre homme, son voisin non initié.
Je pourrais ainsi continuer à accuser aussi arbitrairement, sommairement, cursivement, et grossièrement l'arbitraire de toutes les techniques par quoi on a cessé d'encager et d'enganguer, de faire passer sous la gangue et le carcan de la conscience que nous avons ou l'ignorance que nous aimerions avoir de ce qui compose la réalité, mais je préfère en venir enfin et tout de suite au sujet qui me tient à cœur et l'innommable saleté que j'accuse et qui est tout entière contenue dans le mot qui depuis 50 ans me manque et qui ne me sera pas révélé, à moins que je ne le déterre à la force du poignet?
J'ai donc à dire à la société qu'elle est une pute, et une pute salement armée.

P 55
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Non, le monde n'est pas aux mains des palotins de tous les gouvernements qui à l'heure qu'il est le mènent, apparemment apparemment, lesquels depuis combien de trilliards d'ans n'ont jamais su que répéter les mêmes révoltantes et sinistres rengaines sur le paupérisme, le capitalisme, le nationalisme, l'internationalisme, il n'est pas mené par les soldats, il est mené par la secte innombrable des nécrophages qui remplissent les églises, la police, les casernes, les laboratoires et les asiles d'aliénés, prêtres, rabbins, brahmanes , imams, lamas, bonzes, popes, pasteurs, flics, médecins, professeurs, et savants, et maintiennent les sacro-saintes institutions , les sacro-saintes lois, les sacro-saints règlements, les sacro-saintes croyances, les sacro-saintes préventions, le sacro-saint arbitraire, les sacro-saintes conventions, la sacro- sainte soumission au fatras des idées moulues de morale, d'intelligence, de valeur, de qualité, de foi, de notions, de sentiments et de perceptions, comme s'il restait encore dans la conscience quelque chose qui puisse rendre raison de tout ce verbalisme anatomique et psychique, bon tout au plus à chauffer les stupres des plus immondes parturitions.

P 34
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S'il y a autour de cadavre d'Héliogabale, mort sans tombeau, et égorgé par sa police dans les latrines de son palais, une intense circulation de sang et d'excréments, il y a autour de son berceau une intense circulation de sperme.
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