Ainsi, les femmes que nous avons interrogées sont éduquées, suivent des carrières enviées, mènent des vies qui témoignent d’une intégration en tous points exceptionnelle. Et pourtant, les propos recueillis montrent clairement et sans ambiguïté qu’elles se considèrent comme des exceptions en termes de réussite sociale et qu’elles ont, dans leur majorité, réussi à s’extraire de leur culture d’origine, voire qu’elles ont su transformer et moderniser les habitudes de leurs familles.
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Sarah, 45 ans, explique avant tout que le père doit faire l’effort de se défaire de la vision du monde que culturellement il réserve pour ses filles :
« Normalement une fille n’est pas faite dans la vision de mon père, pour faire des études, elle ne s’épanouit pas dans le travail, c’est pas son lieu, le lieu public, c’est le lieu privé qui l’intéresse… »
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Les femmes que nous avons interrogées sont toutes indéniablement françaises de cœur. Elles ont gagné leur intégration en brisant un plafond de verre économique, social et culturel. Elles ont contribué à modifier la mentalité de leurs propres parents. Elles ont ensuite été considérées comme des exemples, inspirant et aidant leurs proches qui désiraient les imiter. Pour y parvenir, elles ont mis en place des stratégies, lutté, négocié, bricolé, pris leur avenir en main en allant à contre-courant de nombreuses forces, y compris émanant de la puissance publique.
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Les femmes interrogées semblent considérer que les jeunes ne se sentent pas françaises et ont tendance à adopter une sorte de repli communautaire et islamique qui forme un cercle vicieux puisqu’il les écarte du chemin de l’intégration.
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Yasmina, 38 ans, lie aussi le phénomène de multiplication du port du voile islamique au fait d’habiter dans le quartier : « L’influence du quartier, de la famille, d’un homme, … vous fait comprendre que c’est plus beau une femme voilée, parce qu’il n’y a que son mari qui peut la voir. »
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En France, la problématique de l’intégration est donc liée au profil des personnes à intégrer qui, pendant longtemps a été très complexe à définir pour les politistes et les sociologues. Ce flou a donc été exploité, permettant au monde politique de s’en saisir.
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Les différents récits recueillis montrent en outre que la religion musulmane ne semble pas incompatible avec l’intégration telle que nous la concevons.
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L’une des découvertes lors de l’enquête portant sur les femmes du Golfe, qui est devenue une hypothèse centrale concernant la France, était que l’évolution des valeurs familiales était nécessaire et déterminante pour encourager les femmes à s’émanciper.
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Cette importance du regard de l’autre, qui est parfois reliée à l’esprit rural et villageois d’où viennent souvent les parents et parfois aussi à l’atmosphère du quartier où ces femmes ont grandi est cruciale pour comprendre la réticence à accorder une certaine liberté aux filles. La fille doit être protégée non seulement parce qu’elle est sacrée, mais aussi, et surtout, pour préserver une réputation et éviter que l’on parle dans le dos de la famille.
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Or, les femmes les mieux intégrées de la deuxième génération, celles qui devraient constituer des modèles pour leurs propres enfants, voient la génération suivante leur échapper et semblent réellement en souffrir.
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