Axel Witzke

Tu es ce qu’il y a de plus cher pour moi, je ne saurais pas même me l’expliquer… Tout en toi entre en résonnance avec moi.

Le Japon était un paradis de consommation. Le réchauffement climatique, on le combattait en emballant les tomates avec trois sachets plastiques. Ces dernières années, les récoltes avaient été catastrophiques, plus rien ne poussait à en croire les personnes les plus âgées, les séismes se suivaient sans s'interrompre, les doubles ouragans étaient devenus banals, et on continuait à nous inonder de ces sacs tueurs de tortues.

- Pardon, je pensais que...
- C'est bien la le vice des Hommes. Vous réfléchissez trop et ne ressentez pas assez. Vous êtes une calamite pour notre monde pourtant, vous en faites aussi parti, grogna-t-il mécontent. Si la princesse est en mission vers Kyoto en ce moment, c'est par ta faute et celle de tous tes pairs, humain.

Il y a une part de magie dans tout art, Ma-Chan, m'interrompit Shintaro. Laisse donc au vieil homme le peu de rêves que la technologie ne lui a pas enlevé.

L'hypermodernité de Tokyo se traduisait par l'urgence, une existence vécue constamment à flux tendu.

Pour la première fois de la journée, la troublante Miko quitta pour de bon l’esprit du garçon. Ses sens étaient en éveil, partout on lui proposait des taiyakis aux écailles dorées remplies de pâte sucrée de haricots rouges et des sembeis croustillants aux sept épices. Des gâteaux man-jus et des petits pains fourrés au kakuni, les carrés de porcs marinés perçaient presque le pain trop rempli. Li'an en eut l’eau à la bouche.
Autour de lui les marchands le hélaient pour lui vendre des sandales de paille de riz ou des claquettes en bois. On lui proposait des gourdes de vin faites de véritables calebasses, et les enseignes multicolores des établissements étaient des lanternes de papiers colorés et éclairés à la flamme. Li'an était sidéré[...]

"Être sans cœur ! Maître ! Alliez-vous véritablement le saluer à mort ? Le gourmanda-t-elle entre deux accès de fou rire. Ces kappas sont fantastiques ! Ils nagent vite, sont habiles sous l'eau comme sur l'eau et en plus ils sont puissants. Mais quel mononoké digne de ce nom peut avoir la politesse comme point faible ?"

- Ah oui ? Et pour quelle raison ? demanda la jeune femme intéressée.
- Je... J'avais peur de t'effrayer sans doute, balbutia le garçon pris de court.
- M'effrayer ? Sans doute, oui, s'amusa Ritsuko. Alors, tu ne quittes pas encore le bas. Aurais-tu encore peur de m'effrayer, Aruta ? Ne va pas te surestimer !"
Il n'en fallu pas plus pour faire virer Aruta au cramoisi. Il eut beau lui assurer que jamais il ne l'effraierait ainsi, puis comme Ritsuko éclatait de rire, reprendre que peut-être que si, mais que non, ce ne serait pas son intention... Puis il abandonna toute volonté de se justifier, déjà trop honteux de la situation pour se soucier de se ridiculiser davantage.

"Par les cornes de ma grand-mère, mais c'est qu'il me parle ! s'exclama le petit bonhomme. Tu m'entends, l'estropié ?
- Il me manque une main, je ne suis pas sourd, répliqua le garçon. Qu'est-ce que vous faites ?
- Je te montre mon popotin... Ça ne se voit pas que je suis coincé ! s'emporta l'autre. [...] "

J'avais vraiment envie de découvrir la plume d'Axel Witke dans un autre contexte que celui du fantastique... Et j'ai été servi !
Au menu :
- des fous rires à la pelle : il lui en arrive de bien belles à Miel. Je ne peux pas en dire plus au risque de vous spoiler quelques pépites
- des soupirs d'exaspération : entre le patron de l'héroïne que je ne supporte pas (et vous en conviendrez, il est détestable.) et l'auteur qui s'amuse (je suis sûre que c'est le cas.) à mettre des pièges sur la route d'amour de ses protagonistes, il y a de quoi devenir chèvre ! (mais c'est d'autant plus intéressant !)
- de grosses doses de romantismes : oui, je sais. "Sans cela, ce ne serait pas une romance de Noël". Oui, mais là, Axel Witzke a mis le paquet et on adore !
Pas mal de fous rires, des crises de nerfs, des soupirs d'exaspération, une bonne dose de romantisme et de la neige ! Que demander de mieux ?
Comme celui d'hier, je vous le recommande fortement !

Depuis quand se montrer sensible et contemplatif amenuise-t-il la virilité d’un homme?

« De loin, lovée sur une roche en surplomb, Washi veillait sur son maître, respectant sa douleur. Couverts par le vacarme continu de la chute d’eau, la kitsuné ne pouvait entendre les sanglots du garçon, mais le rythme saccadé auquel se soulevaient ses épaules ne laissait aucun doute. Silencieuse, la petite renarde fourra son museau dans sa pelisse dorée, émue par le destin de son fragile maître. »

- Il est insultant pour un néko de se faire comparer a un chat, Li'an. Si à une époque immémoriale, les chats ont bien été des nékos, l'inverse n'est pas vrai. Avec le temps, les deux races sont devenues distinctes, les chats ont fini par perdre leur essence et par devenir visibles aux humains.
Vois ce qu'ils sont devenus, des animaux, incapables de discuter convenablement. Ils ne parlent que de croquettes et de lampes laser, c'est abrutissant au possible.

C'est bien la le vice des Hommes. Vous réfléchissez trop et ne ressentez pas assez.

Aruta n'arriva pas à retenir le tumulte des émotions qui tempêtaient dans son corps. La houle de ses états d'âme déborda en sanglots incontrôlables. Le garçon se laissa tomber à genoux et même si Washi avait repris sa forme réconfortante à fourrure pour se coller à lui, Aruta était seul. Seul et sans espoir que cela change jamais.

"Cher Éros,
M'aurais-tu piqué de l'une de tes flèches que l'effet aurait été le même que celui des mots si doux de la lettre."

Rappelle-toi qui tu es et ce qui compte vraiment, de ton point de vue, mon ami. Si tu ne te trahis pas toi-même, tu ne trahiras personne.

Il n’appréciait pas du tout d'avoir été ligoté. Se faire pourchasser par des monstres tout droit sortis de contes pur enfants, passait encore, mais un enlèvement ! Il y avait des lois tout de même...

Li'an déglutit avec difficulté, s'infiltrer dans un sanctuaire pour voler une poignée de grains de riz passait encore. Mais tuer un kami... Li'an n’était pas superstitieux, mais quand on avait échangé son corps avec un néko deux nuits auparavant, on commençait facilement a craindre les puissances divines.

"L'amour est une faiblesse ! Tu n'entends donc rien derrière ton masque ? C'est un sentiment qui te brise et te mine. J'ai aimé moi aussi, mais j'ai été trahi. Alors j'ai tout perdu, tout ce que j'aimais. Absolument tout !"