Citations de Benoît d` Halluin (55)
Un frémissement, d'abord lointain, puis des centaines, des milliers d'oiseaux crépitent dans le ciel. Un nuage animé, qui se forme et se déforme. Le jeune homme ralentit pour contempler ce ballet céleste et mystérieux. Les Américains appellent cela des murmurations. La nature qui murmure à l'oreille des hommes.
Être heureux, c’est avoir dépasser l’inquiétude du bonheur.
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.
Les rares bruits de la nuit, quelques cris d’animaux qui s’évanouissent dans un souffle silencieux. Comme si quelqu’un retenait sa respiration, tapi dans l’ombre. La nuit a tout enveloppé, tout englouti.
À présent, il fait le poids face à son père. En réalité, depuis des mois déjà, il se sait capable de lui tenir tête, mais il voit bien à quel point Jean est désemparé. Marc sèche les cours, fume en cachette, traîne avec ses amis… L’adolescence. Jean se rend compte que son fils unique lui échappe, et il n’y a personne à ses côtés pour l’aider. Après le départ de leur mère, Jean a forcé sur la bière et le rosé. Des dimanches entiers sans quitter le canapé, des matins douloureux.
Il faut dire que les douaniers doivent être recrutés sur la capacité à être le plus désagréable possible avec tous les visiteurs entrant sur le territoire. Avachis, mais en position dominante derrière leur comptoir, fiers de leur petit pouvoir, ils vous dévisagent avec condescendance alors que vous venez simplement dépenser vos devises dans leur ville.
Le bonheur c’est continuer à désirer ce qu’on possède.
Au fond, il sait pertinemment que, quoi qu’il fasse, il est différent. Il comprend les choses de son âge un peu trop vite, s’intéresse à d’autres qui ne sont pas du sien et ressent trop intensément les émotions. Sa maman l’a inscrit à des cours de natation et de piano qui semblent plus appropriés à sa personnalité que le football.
En CM1, il avait beaucoup d’amis, mais il s’ennuyait en classe, tout était trop facile pour lui. Comme il terminait ses interrogations le premier, il distrayait ses camarades en faisant le pitre. Aussi l’institutrice avait-elle jugé bon de lui faire sauter une classe. Elle avait eu quelques discussions avec ses parents, expliquant qu’il serait plus « à l’unisson » avec des élèves plus matures. Alexis n’avait pas vraiment eu son mot à dire, l’affaire avait été vite réglée.
Elle essaie d’en savoir plus, mais ne comprend pas tout. Il emploie des mots qu’elle ne connaît pas, il parle trop vite… Aucune empathie. Elle cherche à savoir pourquoi elle n’a pas été prévenue plus tôt, elle obtient une réponse floue. Elle n’insiste pas. Ce n’est plus le sujet, maintenant. Elle a envie de dire au médecin qu’il pourrait faire preuve de plus de douceur avec la mère du patient. Qu’il est censé entendre que l’anglais n’est pas sa langue maternelle, qu’elle se retient de pleurer et qu’il pourrait faire des efforts, ne serait-ce qu’articuler un minimum, mais elle n’a pas l’énergie. Elle sait que c’est peine perdue. Elle ose un timide :
— C’est grave ?
— Assez grave, oui… Je suis désolé.
La réponse la déconcerte. Il y a nécessairement des termes médicaux, des diagnostics qui ont dû être établis, on pourrait lui expliquer plus en détail.
Impact, traumatisme, hémorragie… Faut-il vraiment prononcer de tels mots ? Alexis, son fils, si loin d’elle. Une chance qu’elle n’ait pas éteint son téléphone cette nuit. Comme son mari est absent, elle préfère le garder allumé. Responsable commercial dans une société de nautisme, il a tenu à participer à la première traversée de l’Atlantique d’un bateau tout juste commercialisé.
Il découvre surtout que l’enfance n’est pas une période de la vie, mais une région de l’âme. Page 197
( A propos de Maeterlinck)
- Il a quand même eu un prix Nobel.
- S’il fallait lire tous les prix Nobel…
- Peut-être pas tous, mais il a écrit de belles choses. Cette phrase, par exemple, : « Être heureux, c’est avoir dépassé l’inquiétude du bonheur. »
Et ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être adapté à une société malade.
Ce mot affreux et pourtant si limpide : coma. Quatre malheureuses lettres qui renferment tant d'incertitudes, de mystère. Quatre malheureuses lettres pour la distance infinie qu'il y a entre la vie et la mort.
Autrefois admiratif, Thibault était devenu exigeant. Après avoir vu Alexis comme une chance, il avait fini par le considérer comme acquis. Et Alexis était parti.
Rien ne ressemble plus à un gay de vingt-cinq ans qu'un gay de trente-cinq ans... Voilà tout le problème. Son problème.
La vie est tellement absurde, tellement belle mais tellement courte, tellement profonde et légère à la fois, que le seul comportement à avoir avec elle, c'est de vivre intensément. Du chaud, du froid, de la passion et de la haine, de la douceur et de la violence. Mais pas de tiède ni d'agréable. Encore moins de fun. Pour supporter l'absurdité de l'existence, il faut s'y jeter à corps perdu. Le seul remède à la vie, c'est la vie.
A tout juste trente ans, en se réveillant le matin, il est seul et triste. Un peu sans raison et un peu pour toutes les raisons du monde. Pour la vie, qui est une maladie dont on ne guérit pas. Pour l'absurdité de tout cela. Il lui faut tout de suite son double expresso, sa Ritaline, les infos, de la musique, des mails, des textos...Des stimulations pour que cela aille mieux. Comme s'il ne parvenait plus à vivre avec toutes ses pensées négatives, à vivre avec lui-même.
La société de consommation est une société de consolation.