Ce sont ces hommes conquérants de la terre, biologiquement identiques à nous-mêmes, maîtrisant toutes les possibilités abstraites et symboliques des langages humains, qui nous concernent ici. Ils nous ont laissé, à travers le monde, des outils, des parures, des vestiges d'habitat, des sépultures et des images pariétales ou mobilières, gravées, peintes ou sculptées, autant de signes que nous nous efforçons de déchiffrer avec la maladresse de grands analphabètes.
...le corps masculin tend à la nudité, tandis que le corps féminin est généralement vêtu. Cette opposition se rencontre dès 700 av. J.C., environ deux siècles avant que la nudité masculine ne s'impose dans les activités sportives : c'est donc un phénomène anthropologique et esthétique avant d'être un phénomène social. En fait, la nudité, est un costume qui place le sujet dans une surréalité divine ou bien héroïque quand il s'agit de personnages honorés ou morts. Cette élévation est d'autant plus marquée que ces "corps glorieux" sont idéalisés par une formalisation qui ne cesse d'évoluer du VIème au IIIème siècle. Le corps souvent subtilement dévêtu de la femme n'accédera qu'avec Praxitèle au nu intégral, qui restera cependant réservé presque exclusivement à Aphrodite.
La familiarité que l'Occident s'est targué d'entretenir avec l'Antiquité dite classique depuis la Renaissance n'aura guère servi, finalement , à la compréhension de l'art grec : l'appréciation purement esthétique d’œuvres isolées de leur contexte de création ou d'usage a suscité des contresens, au reste parfois féconds, qui sont loin d'être tous dissipés : combien croient toujours qu le Parthénon est un temple et la Vénus de Milo une statue classique.
Rien n'est donc plus étranger aux artistes grecs que l'idée d'avant-garde ,fondée sur la rupture avec le passé et la recherche systématique de la nouveauté ,considérée comme la valeur esthétique éminente.