Citations de Bernard Perroy (48)
Écrire, dis-tu,
face à la mer,
et s’il y a du vent
à la place des mots,
une main tendue
pour toute syntaxe,
une quête, un murmure
à la place du style,
c’est que tu donnes rendez-vous
à l’inconnu du large
qui bat son rythme profond,
ses lames de fond
à l’intérieur
de toi.
Un don d’ébriété
irrigue les nervures
ou les interstices du jour,
éclaire le regard
au-delà de tout mot.
Il restitue aux choses,
aux êtres, à l’espace lui-même,
l’éclat, ni plus ni moins,
de ce qu’ils sont
vraiment…
La vie murmure
son charroi de chagrins
ou de joies,
ses mots d'usure
ou d'étonnement,
sa part de signes éphémères
ou sa note profonde
qui se prolonge
au-delà de la nuit
et de tout entendement.
(" La nuit comme le jour")
J'imagine le bruit
d'un tendre mot couleur de lune
quand il tombe sur le sable,
un mot comme un cri,
dans le tumulte du monde,
que plus personne n'entend...
Les mains tendues
vers le rebord du jour,
vers une joue, une larme,
une page, un regard,
un simple vol d'oiseau,
une luisance d'herbe,
pour y cueillir le fruit
de ce qui me dépasse,
hors de prix
dans ma vie
comme un feu perpétuel
couvant sous la cendre
(" Je n'ai d'autre désir")
Amants de l’horizon
qui venez le soir vous abreuver
du spectacle des vagues,
j’apprends de votre regard
quand il ne retient plus rien
et s’abandonne par la force des choses
à ce qu’il reçoit
dans ce mouvement d’eau
doucement balancé
d’ombres et de lumière…
Bernard Perroy
Les grands oiseaux
chevauchent le silence,
avancent dans l'azur
avec aisance et sans bavure,
et ce n'est rien
qu'un peu de vent
qui les bouscule
avant que naissent leurs cris
annonciateurs d'orage
et des tempêtes qui font rage aussi
dans le fragile paysage de nos coeurs...
Bien sûr le temps demeure un lieu
de course folle ou d'immobilité,
de courses-poursuites
entre nos élans et nos peurs,
nos belles heures et les plus sombres,
nos promenades, nos marches forcées,
nos territoires gagnés ou perdus,
nos flammes de vaste envolée
ou celle trébuchante à chaque instant
mais sûr abri de son indéchiffrable beauté
dont la lumière s'élève dans la nuit de nos coeurs
comme le tremblement obstiné de l'étoile
à Jef et à Zeno Bianu,
J’écris sur le dos du monde
en grattant son écorce
dans la joie des sèves
et des fleurs multipliées
dont les couleurs jaillissent
de l’encre noire…
Nuit transfigurée de nos âmes
dont la flamme murmure sans cesse
et monte en nous
avec obstination
comme aimantée
par le bonheur…
La vie se donne à merveille
et ruisselle
dans le pur frissonnement
d'un arbre fragile
se laissant bercer
par le vent
(" La nuit comme le jour")
D’escale en escale
TU MARCHES
Tu marches
D’un bout à l’autre du monde
Ton pas
Martèle ton désir
Tes mains
Tes yeux
Voyagent d’escale en escale
À la recherche du souffle
Tu le devines certains soirs
En ses pépites d’or
Chaque fois que tu t’assois
Dans la profondeur du silence
En chemin
Étincelles du vent parmi les feuilles
Le passé déjà
Se laisse convaincre
Par les caresses du lendemain
BOIS FLOTTÉS
Nos yeux s'allument,
redeviennent les yeux
de notre enfance…
Sur le rivage meurent
nos mots d'homme :
mourir comme on s'endort,
le corps échoué
comme un bois mort,
et l'eau circule,
érode et sculpte à son aise
sur nos surfaces
les harmoniques du temps
et ses escarpements,
toutes ces traces que l'on porte
avec soi,
l'encens de l'âge qu'on offre
à la lumière du soir
et qui s'échappe tout doucement
depuis le fond du regard…
Non,
ce n'est pas d'hier
ces moments
où les mots
semblent se dérober.
La vie s'offre parfois
comme un cratère béant,
une absence,
un squelette d'espérance,
et pourtant,
il reste toujours
dans nos entrailles
une révérence,
une place
pour la petite musique de l'eau vive…
Te souviens-tu ?
Parmi les rides et les strates
et les contournements d'une vie,
du corps meurtri
jusqu'au cœur enlacé
dans les bras d'une enfance
recouvrée
après tant d'années…
Te souviens-tu
que tout au bout du silence
une aurore se lève sous l'autre ciel
qu'on ne voit pas ?
La pauvreté me dévisage...
La pauvreté me dévisage
et je ne sais pas
si elle vient de moi
ou de cet homme
assis sur le trottoir,
tandis que sa voix
et la mienne se perdent
dans la rue qui bourdonne
comme pour mieux nous faire saisir
ce silence d’empathie
qui bourgeonne de nos deux coeurs.
Nos coeurs frémissent
offrande balbutiée
qu'attisent les braises du couchant,
et s'obstinent à chanter
la part manquante
qui fait l'essentiel de notre beauté.
Que dire
de mes racines qui me prennent au mot,
de mes soleils et de mes flots,
de mes sources sereines
serpentant parmi les herbes
et la poussière du chemin
que dire
Le ciel bleuit
que la mer accompagne…
Tas de sable
sur le rivage,
les enfants jouent
comme des rois…
Et, par-delà les cris,
les sourires,
l’azur des cœurs
chante tout bas…
Descendre
dans l'abondance d'un printemps doux,
descendre sans peine
dans la tiédeur du jour,
laisser à la verdure le soin d'habiller
l'insondable écarlate du coeur...
I - NUIT DU PROCHE ET DU LOINTAIN
extrait 3
Nuit du vent chaud
sur nos tempes,
nuit douce
et pourtant
elle enfante
l’inquiétude première
de tous les hommes
à laquelle je joins
mon cri.
I - NUIT DU PROCHE ET DU LOINTAIN
extrait 2
Nuit du proche
et du lointain,
quand le matin approche
et que l’on ose
ouvrir ses lèvres
pour un premier sourire.
I - NUIT DU PROCHE ET DU LOINTAIN
extrait 1
Nuit de palmes, encore,
nuit de mains tendues
vers le ciel étoilé,
nuit prête à nous attirer
vers tout ce qui dure
qu’enlumine
ou brouille
tout ce qui passe…