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Critiques de Brice Gautier (12)
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Même pas mal

12 nouvelles :



1. Douleur muette

Comment réagiriez-vous si tout d’un coup vous réalisiez que votre corps est insensible à la douleur ? Rien ! Pas la plus petite sensation alors que votre crâne saigne après un choc violent ! Pourtant, vous êtes bel et bien conscient… Alors ?



2. Bigorexie

Tous vos amis, et votre ex-femme, vous ont vanté les incroyables bienfaits de la course à pied : articulations brisées, déchirures musculaires, compression des vertèbres… C’est exactement ce qu’il vous faut à vous pour qui traverser la rue en courant pour échapper aux voitures est déjà tout un exploit !



3. Eurydice

Et si un gendarme vous appelait pour demander si vous êtes bien l’époux de Coline ? Et s’il vous précisait qu’elle est morte sur la route après qu’un camionneur bulgare se soit assoupi au volant après seize heures de conduite ininterrompue et ait percuté sa voiture de front ? Oseriez-vous préciser que Coline n’était plus que votre future ex-femme ? La pleureriez-vous ?



4. Les yeux fermés

Fermez vos yeux. Détendez-vous. Sentez-vous votre corps se relâcher et se soulever ? Lentement, vous planez au-dessus de votre lit. Vous vous dirigez vers la fenêtre. Elle est ouverte. Vous en profitez pour vous envoler dans le ciel… De plus en plus haut…

Votre famille est là. Vous ne bougez plus. Vous ne prononcez plus un mot.



5. Légende familiale

Dix-neuf ans que vous vivez avec cette femme que vous avez rencontrée à un concert et qui vous a donné deux enfants. Dix-neuf ans que vous la connaissez… Arrive une lettre recommandée en provenance de Belfort. Vous n’y connaissez personne ! Votre épouse prétend qu’il s’agit d’une erreur. Elle ne vous montre pas la lettre. Un petit coup de fil au notaire. Eh bien, non, il ne s’agit pas d’une erreur ! Il vaudrait mieux qu’elle traverse la France et se rende chez ce gardien des actes notariés. Elle prétend avoir hérité d’un ami de son père. Cette femme n’est plus votre femme, comme si quelqu’un d’autre s’était introduit en elle. Vous savez que désormais vous allez devoir vivre avec au moins une demi-inconnue et ses mensonges. Allez-vous supporter cette situation ?



6. Quand minuit sonne

Vous êtes une pianiste virtuose. Vous voilà occupée à assister au massacre du 3e Concerto de Rachmaninov par ce soi-disant jeune prodige tchèque. Ah, si seulement vos doigts n’étaient pas enflammés ! Que faire en attendant de pouvoir à nouveau monter sur scène ? … Et si vous vous remettiez à chasser le mâle ?



7. Je ne veux pas d’ennuis

Vous voilà sur un lit d’hôpital entre les mains d’une jeune stagiaire. Non, votre compagnon ne peut pas rester dans la chambre et y dormir près de vous. Pas même dans le fauteuil. Il a compris pour le bébé. Pourquoi n’avez-vous pas lâché ce sac ? Vous auriez dû ! Vous ne seriez pas ici en ce moment… Un type « en scooter », donc ? … Pas de témoins, hein ? Pourquoi refusez-vous de porter plainte ?



8. Quatre-vingt-dix minutes

Ah, Maria ! A vous le grand écran ! A vous ces choux à la crème qui se marient si bien avec cette bouteille de champagne qui les accompagne à merveille ! « Trop cher pour ce que c’est et les bulles gâchent tout », qu’il disait Armando. Pfff ! Quelle bêtise ! C’est si bon !

Au fait, il est où Armando ?



9. Potlacht

Dans le téléphone de votre femme, vous avez déniché ses échanges secrets par sms avec son amant, nom de code « Têtard ». Quant à votre femme, votre Mata Hari, elle n’est pas en reste : « Grenouille » ! C’est fou ce que ces batraciens peuvent s’envoyer en l’air ! Non, mais vraiment ! Est-ce votre épouse qui parle de ses pratiques qu’un réalisateur de film strictement réservé aux adultes hésiterait à mettre en scène ? Que cache cette soirée dans ce restaurant gastronomique qu’elle vous offre à l’occasion de votre anniversaire ?



10. Bocuse, Verlaine et la brave conne

Vous voilà chez votre médecin. Pas pour votre problème de fibrome. Pas cette fois-ci. Vous êtes là parce que vous le connaissez depuis… quoi ? dix-huit ans ? et que vous n’avez personne à qui causer. Vous avez perdu le contact avec vos amies de lycée. Il faut pourtant bien que vous parliez à quelqu’un de votre Bocuse, de votre Verlaine…



11. Fin de cycle

Ah, Caroline ! Plusieurs jours de retard… Vous savez bien ce que cela signifie… Passe encore pour un jour ou deux, mais huit ? Plus aucun doute n’est permis ! Allez-vous réussir à bousculer toutes les convictions qui ont été les vôtres jusqu’à aujourd’hui ? Mais étaient-ce vraiment VOS convictions ?



12. Comme un homme

Bonjour, Paul ! Onze ans de vie commune se soldèrent par un échec. Que vous reprochait votre femme au juste ? Ah, oui, votre physique de freluquet, de maigrichon, pas celui d’un homme… Mais aussi votre incapacité à accomplir ces tâches masculines que sont l’entretien d’une voiture, une réparation en plomberie ou en électricité… Elle vous reprochait aussi de ne rien faire dans la maison. Pourtant, la cuisine, la lessive, le repassage, le nettoyage, … , c’était votre affaire et vous vous en sortiez plutôt bien… Était-ce de votre faute si votre père ne vous avait pas appris le bricolage ? Et puis, vous avez rencontré Isaura. Ah, comme elle vous plaisait ! Et pourtant ! … Mais qu’est-ce qui ne va pas chez vous avec les femmes, Paul ?



Critique :



J’adore les nouvelles… Je ne parle pas de celles que l’on lit dans les journaux, que l’on entend à la radio ou que l’on voit à la télévision ! Je vous cause de ce genre littéraire bien trop ignoré et sous-estimé dans le monde de la francophonie européenne alors que dans d’autres cultures il est honoré au même titre que de grands romans. Le grand nombre de pages n’est pas forcément gage de qualité, et l’inverse de médiocrité.



Je salue ici les éditions Quadrature qui ne publient que des recueils de nouvelles, et qui ont offert à Brice Gautier l’occasion de nous épater avec des textes qui, dès les premières lignes, nous font croire que… Mais… Ah ? … Eh bien non ! En quelque pages, cet individu nous surprend et nous trompe ! Oui ! Il nous trompe ! L’esprit du lecteur s’imagine deviner la suite, mais c’est sans compter sur l’imagination de l’auteur qui nous entraine sur une tout autre piste. Et tout se tient !



Voici un petit livre, par le nombre de feuillets, qui a tout d’un grand si nous nous en tenons à sa valeur littéraire. Douze nouvelles dans lesquelles, en quelques pages, Brice Gautier évoque des sujets aussi graves que ceux des femmes battues, de l’avortement, de la maladie d’Alzheimer, de la paralysie… Pouah ! J’en vois qui se détournent le regard horrifié par toutes ces misères énoncées… Stop ! Ne croyez pas que ces splendides textes vont vous entraîner sur la voie de la déprime ! Chacun des protagonistes saura faire face à son problème.



Brice Gautier sait tourner ses phrases pour y glisser des touches d’humour, ou, et, à tout le moins, d’humanité, même dans les situations les plus désespérées.

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La maison commune

Ce qui m’a attiré vers ce recueil : le beau titre : « La maison commune »… J’ai tout de suite eu envie de répondre à l’invitation, d’entrer, de la visiter et découvrir ses occupants. On passe rapidement d’une nouvelle à l’autre, chacune va à l’essentiel, le style et le rythme permettant de se sentir concernés, une fois le seuil franchi, par les secrets, les trahisons, les réconciliations auxquels on assiste.



La première nouvelle donne le titre du livre. « Dans la maison commune nous vivions tous les trois, mon frère, ma sœur et moi. » Où sont les parents ? Se succèdent à rythme accéléré les étapes de la vie d’une famille unie, avant de se désunir, puis de se retrouver sous une autre forme. J’ai pensé à L'Amour flou, le film réalisé par Romane Bohringer et Philippe Rebbot, contant leur véritable histoire commune faite de ruptures, mais trouvant une formule pour continuer à vivre avec leurs enfants sous le même toit, dans deux espaces séparés. Exploration ici sous une autre forme des aléas et des solutions respectueuses de chacun.



L’homme sans prénom.

Découverte d’un secret de famille : un grand-père dont le prénom échappe à ses petits-enfants. Des photos de famille où il s’efface, ne donnant rien à voir de sa personne, reflet de sa place ambiguë dans la maison. Un homme dont le narrateur se demande si son silence était gentillesse ou indifférence, gentillesse ou lâcheté... « Peut-être ne pense -t-il pas à tout cela et se contente-t-il de poser avec la ribambelle de ses petits-enfants, douze au total, issus de ses quatre enfants dont un, mon père, n’est pas son fils. »



La belle petite robe d’été.

Une de mes préférées ! J’ai bien été attrapé par la forme et le mystère qui s’invitent dans le récit. Au point de penser être en présence de fautes d’orthographe si fréquentes dans certaines maisons d’éditions (pas chez Quadrature…). Je ne peux pas en dire plus car le charme serait rompu d’emblée. Il est question de privilégier le bienêtre à la rigueur du règlement – bienêtre, ces deux mots attachés de la rectification orthographique, comme un tout à atteindre dans une maison commune –. De quelle façon chacun peut-il se sentir en accord avec son être, quel qu’il soit, dans le commun de la société ? Une fable fait de bienveillance comme on en trouve plusieurs dans ce recueil.



Un chat dans une boite.

Oui… pas de ^ sur le i, les éditions quadrature déclarant appliquer les recommandations orthographiques de l’Académie française… Moi, j’aime bien ce petit couvercle sur le mot boîte ! Mais ici le couvercle est mal ajusté et le chat prêt à sortir toutes griffes dehors. La narratrice imagine ainsi le dieu vénéré par son mari, cet homme honni imposé par sa famille qui a mis un couvercle sur sa vie. Alors elle rêve de s’échapper, d’émigrer, de devenir libre et indépendante.



Ma vie dans la cuisine.

Les rêves brisés d’une femme d’un peu plus de vingt ans, secrétaire médicale arrêtant de travailler pour s’occuper de ses trois enfants. Quand le pli est pris elle ne peut plus espérer retrouver son emploi. La vie pour elle, dans la maison commune, se résume aux taches ménagères. C’est dans la cuisine qu’elle passe le plus de temps… Elle a trente, quarante puis cinquante ans, son mari est parti avec une plus jeune... Il lui faut réinventer sa vie.



Une amitié professionnelle.

Le père est décédé à l’établissement médicalisé où il a été placé. On est chez le notaire pour le partage d’héritage, en présence du fils, de sa mère et d’un inconnu. Le fils, par recoupement, met à jour un secret que lui seul et le lecteur vont partager.



Coup de barre.

Un chef d’entreprise stressé, vraiment au bout du rouleau. Plus au fond du trou, ce n’est pas possible. Comme répète l’auteur, son weekend promet d’être long. Une de mes préférées.



La cinquième roue du carrosse.

Parle-t-on ainsi de la femme, du mari ou de la maîtresse retrouvée régulièrement et en catimini à l’occasion de vacances minutieusement choisies durant les nombreuses nuits d’insomnie d’un homme retors ? Mais a-t-il tout calculé ?



La solution miracle.

Uun inconnu partage ses secrets avec son voisin de siège au cours d’une longue nuit passée dans un avion. Bon gré mal gré, il doit écouter cet homme bavard vider son sac !



Laisser une trace.

Une histoire père, mère et fils avec peu de chose en commun. Juste une trace. Un brin d’ironie s’invite pour traiter du thème de la transmission entre générations. Entrée dans la maison commune par la petite porte...



La visite s’achève. Je referme les nombreuses portes de la maison commune, reflets de l’imagination foisonnante de l’auteur, un excellent guide déclinant le thème avec talent. Ce n’est pas un château prétentieux mais une petite maison où il fait bon vivre. N’hésitez pas à la découvrir vous aussi. Ces histoires courtes ont toutes un parfum différent sous une forme égale de belle écriture sans complications inutiles. Ce sont des petits bonbons acidulés à déguster lentement, une récréation à s’offrir à tout moment de la journée.



Brice Gautier est professeur des universités à l’Institut National des Sciences Appliquées à Lyon. Ils se consacre exclusivement à la forme courte et a publié une trentaine de nouvelles en revues ainsi qu’un premier recueil, Même pas mal, déjà chez Quadrature.

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Chronique complète avec photos sur le blog Clesbibliofeel. Lien direct ci-dessous
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Même pas mal

Douze nouvelles émaillent ce court recueil, qui tournent toutes autour de la douleur physique ou de la souffrance morale. Ou les deux… J’en épingle quelques-unes particulièrement marquantes.



Un homme assez terne et largué par sa femme se met à la course à pied. Peu doué au départ, il en arrive à courir plusieurs marathons par an, infligeant à son corps une épreuve physique que l’adrénaline occulte complètement. (Bigorexie)



Dans un texte entièrement au conditionnel (sauf la chute), un homme imagine qu’on lui annonce le décès de sa compagne. Une verion moderne du mythe d’Orphée. (Euridyce)



Une femme assiste à un concert de piano. Très critique car elle est elle-même pianiste, elle décide de quitter la salle, bien décidée à ne pas regagner son appartement du Vieux-Lyon sans avoir dragué un beau serveur. Mais la mémoire est trompeuse… (Quand minuit sonne)



Une jeune femme va passer seule la nuit à l’hôpital, on refuse à son compagnon de rester avec elle sur un lit de camp. Nuit au calme où les apparences vont révéler leur vrai visage et où une décision pourra enfin être prise. (Je ne veux pas d’ennuis)



Un homme découvre que sa femme le trompe en fouillant dans son téléphone. Les deux tourtereaux se sont baptisés « Têtard » et « Grenouille ». La métaphore batracienne est parfaitement filée jusqu’au dîner de grand luxe où mari et femme vont « conclure » avec ruse. (Potlacht)



Si je n’en retiens ici que cinq, c’est pour vous donner le goût de lire le recueil entier, seuls un ou deux textes m’ont paru de qualité un peu moindre. Tous mettent donc en scène des hommes et des femmes confrontés à la souffrance, mais qui essayent de contourner celle-ci, de l’esquiver, voire de l’endormir, de l’anesthésier. Leurs parades ne sont pas toujours efficaces, leurs décisions sont souvent inattendues, comme le montrent plusieurs nouvelles à chute. Brice Gautier manie l’humour – parfois noir – avec brio mais il sait aussi faire preuve d’une pudeur poignante face à certaines douleurs secrètes, cachées. L’auteur enseigne à Villeurbanne et on reconnaitra avec plaisir certains quartiers de Lyon dans ses nouvelles.
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Même pas mal

Habituellement, je ne lis jamais de nouvelles. La raison en est simple, c’est un déchirement pour moi à chaque fois que je tourne la dernière page d’un livre qui me plaît de quitter des personnages attachants pour en rencontrer d’autres dont je ne sais rien et cela s’apparente à un (mini-micro, il ne faut pas exagérer !) deuil. Il faut reconnaître qu’entrer dans un nouveau livre demande souvent un effort, un travail d’endurance parfois, une épreuve de temps en temps. Même pour ceux qui lisent beaucoup et qui aiment cela. Alors, imaginez mon désarroi, lorsque je reçois ce livre à chroniquer, un recueil de 12 histoires courtes (je n’avais pas vu en cochant ce titre dans Masse critique). Il va donc falloir que je réalise cet effort d’adaptation douze fois de suite pour 99 pages seulement ! Quelle corvée ! Et d’ailleurs, je me demande aussi ce qu’on peut bien raconter d’intéressant en si peu de pages.



Forte de ces préjugés, j’entame à reculons la lecture de la première nouvelle. Dès les premières lignes, contre toute attente, me voilà happée par l’histoire, l’écriture et l’humour du texte. Comment ne pas se réjouir à la lecture de phrase comme « j’étais donc une grenouille atteinte d’un syndrome héréditaire fatal qui me condamnait à un autodafé involontaire où à une destruction fatale de mes fonctions vitales » C’est drôle tout au long du récit et le personnage central me fait penser à un héros de Philippe Djian. Le thème, original m’interroge. Est-ce du fantastique ? Un événement qui pourrait se réaliser ? Peu importe, mon imagination et ma raison travaillent de concert, c’est ce que j’aime quand je lis.



La deuxième nouvelle me charme encore plus car elle me rappelle un épisode amoureux que j’ai vécu et qui se termine de la même manière. L’identification est totale.



Me voilà conquise ! j’enchaîne les histoires les unes après les autres, curieuse, pressée, boulimique même et chacune me subjugue, certaines plus que d’autres mais aucune ne me laisse indifférente.

Légende familiale m’attriste, quel gâchis ! ; Quand minuit sonne m’émeut, elle me rappelle mon père, Je ne veux pas d’ennuis me révolte ; dans Quatre-vingt dix minutes, je me demande ce que je ferais à la place du personnage principal ; Bocuse, Verlaine et la brave conne m’indigne ; Comme un homme m’enthousiasme, finalement rien n’est jamais perdu dans la vie, il faut toujours y croire.



Les émotions se succèdent et les récits défilent, chacun se concentrant sur un thème universel quoique plutôt déprimant : l’échec de la vie de couple, la vieillesse, la maladie, les violences conjugales… Mais la fin n’est jamais irrémédiable, définitive ou irréparable, c’est toujours l’optimisme, la solidarité, l’empathie et l’espoir qui l’emportent. Bravo à l’auteur qui a réussit ce tour de force d’inverser les situations en si peu de mots.



Je dis donc adieu aux représentations fausses que j’avais sur les nouvelles. Un grand merci à Babélio et aux éditions Quadrature qui m’ont fait découvrir un nouveau genre littéraire que je vais inclure de ce pas dans ma bibliothèque.
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Même pas mal

Quand on aime, on ne compte pas, c’est bien vrai. C’est la raison pour laquelle je ne sais pas combien de recueils de nouvelles des Editions Quadrature j’ai pu lire à ce jour. Je viens d’en terminer un nouveau, "Même pas mal" de Brice Gautier. Même engouement, même admiration pour l’objet, même enthousiasme pour l’écriture, j’ai adoré.



"Même pas mal", est-ce bien vrai ? Douze nouvelles, douze textes courts pour nous dire le malheur, la noirceur, la froideur, la douleur. Même pas mal ? Pas si sûr, pas toujours ! Tous ces récits ont, en effet, en commun une souffrance, physique, morale ou les deux. Un combat s’engage alors. Combattre le malheur ? L’accepter, s’en servir comme une arme ? A chacun sa manière de lutter.



Il y a celui qui souffre de bigorexie – je ne connaissais pas ce terme, je l’avoue, mais mon "Petit Larousse" 2019 non plus d’ailleurs – autrement dit d’une addiction au sport. Il court, il court, jusqu’à se faire virer par son patron. Même pas mal, il décide de "…rassembler toutes [s]es économies et d’accomplir un tour du monde en course à pied…Heureux". Ou encore celui qui imagine sa femme morte (elle est en couple avec un autre) et se rend à Montbéliard – pourquoi cette ville ? – s’installe dans un hôtel et lui écrit jusqu’à ce qu’elle l’appelle et lui dise "Alors viens. Je t’attends". Et puis arrive cette femme enceinte, battue, sans défense face à ce mari aux allures de gentil…"Je ne veux pas d’ennuis" ou l’histoire d’une prise de conscience, d’un refus de continuer à souffrir et surtout du désir de garder cet enfant à venir dont lui ne veut pas "J’aurais pu supporter les coups. Les insultes. Le mépris. Les autres femmes. Je ne le laisserai pas me prendre mon enfant. Je sonne l’infirmière." Impossible de vous parler de toutes, je vous laisse les découvrir.



Tout au long de ces nouvelles, portées par une écriture simple, juste, précise, Brice Gautier analyse l’attitude de chacun face à la souffrance avec beaucoup d’exactitude, d’humanité, de délicatesse, le tout agrémenté de brins d’humour. Les propos sont mesurés mais profonds, qui posent la question de l’acceptation ou non, traitent à mots feutrés de l’inceste, de l’avortement, de la fin de vie, de l’infidélité ou de la vengeance.



J’ai beaucoup aimé ces petites histoires qui donnent tout simplement à réfléchir sur la vie au quotidien.


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La maison commune

Et de deux ! "La maison commune" est en effet le deuxième – je dis bien deuxième et non second – recueil de nouvelles écrit par Brice Gautier et paru aux Editions Quadrature que je découvre. Du premier, "Même pas mal", je disais avoir aimé ces petites histoires qui donnent à réfléchir sur la vie au quotidien. Je pourrais réitérer cet avis.



En général, j’aime commencer ma lecture par la nouvelle éponyme et cette fois, je n’ai pas eu à chercher, elle était la première. Elle nous parle de l’histoire d’une famille, relativement banale : les parents se sont séparés. Moins banale, en revanche, leur nouveau mode de vie : le père et la mère se relaient une semaine sur deux pour vivre avec leurs enfants dans ce qui fut "la maison commune". La vie passe ainsi, les enfants quittent le nid chacun à leur tour et… C’est une histoire particulièrement touchante, sans doute parce que tellement banale, oui je me répète.



Il en va ainsi de chacune des dix nouvelles du recueil dans lequel nous rencontrons des personnages fort attachants et des situations drôles, voire cocasses ou parfois un peu tristounettes. C’est ainsi que j’ai beaucoup aimé la dernière "Laisser une trace", qui relate le moment, émouvant au possible, où un homme de vingt ans rencontre son père pour la première fois, "La cinquième roue du carrosse", peut-être parce qu’il y est question de la Bretagne, mais dont je préfère taire le thème abordé. En fait ces nouvelles racontent la vie avec tout ce qu’elle a d’habituel, les conflits, les tromperies, les "rabibochages". Et je n’oublie pas, surtout pas, "La belle petite robe d’été", une magnifique histoire de tolérance et de l’amour inconditionnel que des parents portent à leur fils.



Le tout est écrit dans une belle langue à la fois classique, simple et limpide. Un bonbon à savourer chaque soir avant de s’endormir, il n’est pas sucré à outrance mais prépare au sommeil de la plus belle des manières.



Un vrai bonheur de lecture.


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Même pas mal

Les nouvelles de Brice Gautier n'ont pas vraiment de chutes, elles ne sont pas mécaniques, flottent comme leurs personnages dans une situation sans issue, qu'il convient simplement d'accepter ou de fuir. Les textes courts, narrés à la première personne comportent bien une révélation en leur sein, ou plutôt une évidence, souvent située à mi-chemin. En quelques phrases, l'auteur fait grincer les dents, fait rire du désespoir, fait même pleurer grâce à ses petites tragédies anonymes. Le drame vient toujours du corps, trop faible, trop moche, souffrant, mourant, inadapté au regard des autres. Ou des pulsions de ce dernier. Le style est direct, avec quelques comparaisons frappantes, emporte le lecteur facilement dans ces tracasseries très personnelles, voire charnelles.
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Même pas mal

Dans la vie de chaque humain, il y a un moment où la vie se révèle dure. Parfois envahissante, rebelle, psychologiquement mortelle. Une vie qui se révèle sous un jour qui n’a rien de plaisant. Ce qui pousse à la réflexion. Affronter le malheur qui bouleverse et ravage tout le reste d’un avenir qui n’était que certitudes, projets du quotidien, assurance sur son déroulement. Que faire? Tourner le dos à ce coup de tonnerre qui fait voler en éclats une vie tranquille, banalement routinière? Agir ou subir à jamais? Il y a, parfois, un choix à faire. Choix animé d’une curiosité malsaine: savoir à tout prix. Est-ce prudent? Est-ce le meilleur choix?



Dans ce recueil de nouvelles, des personnes lambda subissent un coup du sort. Un coup du sort qui les brise de l’intérieur. Qui fait voler en éclats leurs certitudes, bouleverse leur quotidien et remet en question leur avenir qui semblait si serein. Des hommes et des femmes, des inconnus nous racontent leur souffrance, leur quotidien souvent brutal, parfois noyé dans les limbes de l’inconscience. Ces personnes se trouvent face à des choix à faire: nier le problème, l’affronter en sachant que l’avenir ne sera plus jamais le même, rêver d’une horrible vengeance qui verra, peut-être, le jour.



Ces nouvelles, écrites à la première personne, sont violemment belles. Elles ont la beauté de l’horreur. Du non-dit. Du rêve de vengeance. D’une vengeance perfide. Des hommes et des femmes dont, un jour, le destin se désintègre, dont le destin est embrumé, font des choix ou rêvent de faire des choix. Ils sentent leur vie se transformer, se liquéfier ou se perdre dans un brouillard où les souvenirs n’ont plus leur place. L’écriture est claire. Les sujets sont traités avec une forte tendresse qui justifie l’engouement que l’on éprouve à lire chaque récit. Ce sont des sujets qui sont profondément sérieux, mais racontés avec une certaine légèreté qui embellissent les récits.
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Même pas mal

Douze nouvelles pour un voyage au cœur de toutes les souffrances. Le thème est assez difficile à traiter. Chaque nouvelle est une incursion dans l’intime d’un personnage, une découverte d’une certaine forme de souffrance, qu’elle soit physique ou mentale. Une promenade sur des terrains glissants, où les chutes (je parle des dénouements lol) peuvent être absolument inattendues et déroutantes.



L’écriture est fluide, précise et très agréable, ces nouvelles se dévorent ou se picorent, c’est selon votre humeur. Elles poussent à la réflexion, nous permettant de nous interroger sur notre vie et notre quotidien. On peut facilement se retrouver dans un ou plusieurs textes.



Je vous en présente quelques-uns :



« Douleur muette »



Un dimanche matin comme un autre, notre narrateur se blesse gravement et s’aperçoit qu’il ne ressent plus aucune douleur, qu’elle soit physique ou mentale. Cela lui permettra de se confronter à un passé douloureux qui ne lui procurera plus aucune émotion pénible. Comment réagirions-nous si nous ne ressentions plus la douleur ?



« Bigorexie »



Il va falloir courir vite et surtout longtemps pour pouvoir suivre notre narrateur du moment ! Quitté par sa femme, il se jette à corps et esprit perdus dans la course à pied. Il souffre de bigorexie aiguë (addiction au sport), mais cela lui permet de surmonter ses problèmes et sa douleur. Qui n’a jamais ressenti ce bien-être, cette bouffée d’endorphines après un footing ? Bon, de là à courir 50 km par jour, il y a un gouffre…



« Je ne veux pas d’ennui »



Je ne veux pas spoiler le sujet de cette nouvelle, mais sachez qu’elle m’a vraiment bouleversée. Elle ne vous laissera pas indifférent, surtout si vous êtes une femme. Une prise de conscience, aussi bien pour la narratrice que pour la lectrice.



« Eurydice »



Un mot sur la construction de cette nouvelle : elle est écrite au conditionnel. J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à m’y faire, je suis sortie de ma zone de confort. Je n’aurai pas lu tout un roman comme ça, mais sur une nouvelle de quelques pages, ça le fait ! Voilà la magie de ce genre littéraire : tout est possible, tout peut fonctionner. Même le plus improbable.



Quadrature est une maison d’éditions que je ne connaissais pas encore. Entièrement dédiée à la publication de nouvelles, elle redonne ses lettres de noblesse à ce genre littéraire court mais terriblement riche.



« Nous nous asseyons tous les deux à l’arrière, puis il pose un baiser sur mon front. Par ce geste je reconnais soudain Charles, mon second mari, mon Prince Charmant qui prend soin de ma mémoire qui s’effrite. » (Extrait de « Quand minuit sonne »)



Je remercie la Masse Critique Babélio et les Éditions Quadrature pour cette lecture.



#mêmepasmal #BriceGautier #Quadrature
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Même pas mal

Pourquoi tant de douleurs et de souffrances ?

L’auteur nous plonge à travers ce recueil au coeur d’histoires bouleversantes et déchirantes.

Entre pudeur, humour, détresse chaque personnage devra apprendre à maitriser et apprivoiser sa propre douleur.

Un sublime kaléidoscope d’émotions, de sensations porté par une écriture saisissante et juste !

Quel pudeur et délicatesse dans la nouvelle « Quand minuit sonne » et « Comme un homme » !

Profondément touchée par ce recueil !!


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La maison commune

Encore un beau recueil de Nouvelles des Editions Quadrature !

Un recueil où le fil conducteur est … la famille !

Comme à travers le trou d’une serrure on observe, on a presque l’impression de passer d’une maison à l’autre ! D’une vie à une autre !

On y découvre des histoires insolites, troublantes, drôles, des secrets, des confidences, des vies parfois ordinaires … une intimité mise à nu !

On y croise des personnages forts, troublés et pour certains torturés.

Un parcours émotionnel au fil des chapitres.

Un monde où malgré tout on se construit, on apprend à grandir !!

Une écriture juste où chaque mot semble pesé.



Un recueil touchant, réaliste et sensible !
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Même pas mal

Quadrature est cette maison d’édition spécialisée dans la publication de recueils de nouvelles, des récits courts qui se veulent l’antithèse des romans et qui veillent à ne jamais s’encombrer de digressions pour aller directement à l’essentiel, exposer des situations et veiller à une chute inattendue. Brice Gautier est enseignant et, depuis des années, il rédige des récits courts qu’il propose à diverses revues et magazines. Avec « Même pas mal », il nous invite à entrer dans le quotidien d’hommes et de femmes qui pourraient être des proches, des quidams qui nous ressemblent et qui traversent l’existence sans bonheurs particuliers ni grandes ambitions. Pourtant, comme chacun, ils peuvent être soumis aux aléas de certaines situations, déséquilibrés par leur soudaineté et en perte de repères. Voilà ce qui arrive lorsqu’on se confronte à un époux toxique, à la perte d’un être cher ou à la maladie. Le fil rouge des récits se concentre sur la souffrance qui lamine avec sournoiserie et face à laquelle chacun doit trouver un exutoire. Autrement …
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