AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Bruno Doucey (424)


courir sur la mer

Je suis déjà parti tant de fois
sans songer au retour.
Je cours,
je chevauche
je navigue et divague
sur la vigueur des algues
afin de repousser toute immobilité
jusqu'à demain.

Jean-Yves Tayac
Commenter  J’apprécie          481
Si je suis ici, se répète-t-il, c’est parce que mes poèmes ressemblent au pollen que transporte le vent. On brûle mes livres, on m’interdit d’écrire, on enferme mon corps dans une prison, on me retient loin des lieux où ma parole se fait entendre, mais cela n’empêchera pas ma poésie d’atteindre d’autres rivages. On n’arrête pas le vent. Demain, lorsque la dictature tombera, comme tombe un fruit pourri de l’arbre, je serai à nouveau un homme libre… (pages 122-123)
Commenter  J’apprécie          471
-Poèmes de circonstance-

A mon corps

Ils ne m'auront ni par la faim ni par la peur
Et s'ils m'avaient un jour, ce serait mon squelette
Et s'ils faisaient un jour ma dernière toilette
Ils trouveraient changé mon corps, mais non mon coeur.

Mais nous serons bien un ou deux

Le monde usé jusqu'à la corde
découvre son envers hideux
Et l'univers se désaccorde
mais nous serons bien un ou deux

pour ne pas nous soucier des hordes
et pour lever encor les yeux. (p.56-57)
Jean Wahl (1888-1974)

Commenter  J’apprécie          440
Regardez-les, ces hommes et ces femmes qui marchent dans la nuit.
Ils avancent en colonne, sur une route qui leur esquinte la vie.
Ils ont le dos vouté par la peur d’être pris
Et dans leur tête,
Toujours,
Le brouhaha des pays incendiés.
Ils n’ont pas mis encore assez de distance entre eux et la terreur.
Ils entendent encore les coups frappés à leur porte,
Se souviennent des sursauts dans la nuit.
Regardez-les.
Colonne fragile d’hommes et de femmes
Qui avancent aux aguets,
Ils savent que tout est danger.
Les minutes passent mais les routes sont longues.
Les heures sont des jours et les jours des semaines.
Les rapaces les épient, nombreux.
Et leur tombent dessus,
Aux carrefours.
Ils les dépouillent de leurs nippes,
Leur soutirent leurs derniers billets.
Ils leur disent : « Encore »,
Et ils donnent encore.
Ils leur disent : « Plus ! »,
Et ils lèvent les yeux ne sachant plus que donner.
Misère et guenilles,
Enfants accrochés au bras qui refusent de parler,
Vieux parents ralentissant l’allure,
Qui laissent traîner derrière eux les mots d’une langue qu’ils seront contraints d’oublier.
Ils avancent,
Malgré tout,
Persévèrent
Parce qu’ils sont têtus.
Et un jour enfin,
Dans une gare,
Sur une grève,
Au bord d’une de nos routes,
Ils apparaissent.
Honte à ceux qui ne voient que guenilles.
Regardez bien.
Ils portent la lumière
De ceux qui luttent pour leur vie.
Et les dieux (s’il en existe encore)
Les habitent.
Alors dans la nuit,
D’un coup, il apparaît que nous avons de la chance si c’est vers nous qu’ils avancent.
La colonne s’approche,
Et ce qu’elle désigne en silence,
C’est l’endroit où la vie vaut d’être vécue.
Il y a des mots que nous apprendrons de leur bouche,
Des joies que nous trouverons dans leurs yeux.
Regardez-les,
Ils ne nous prennent rien.
Lorsqu’ils ouvrent les mains,
Ce n’est pas pour supplier,
C’est pour nous offrir
Le rêve d’Europe
Que nous avons oublié.

Laurent Gaudé
Commenter  J’apprécie          347
Ce matin-là, sur les bancs de l’école, Aimé est assis à côté d’un garçon plongé dans un livre. « Que lis-tu ? » lui demande-t-il. « Un livre sur nos ancêtres les Gaulois, répond le petit enfant nègre. Tu sais qu’ils avaient les cheveux blonds et les yeux bleus ? » Aimé, en colère, lui arrache le livre des mains : « Pauvre crétin ! Va te voir dans une glace ! »

Commenter  J’apprécie          330
Pour la plupart des Amérindiens - ceux que l'on surnomme au Québec des autochtones, c'est-à-dire littéralement ceux qui appartiennent à la terre - la nature n'est pas un décor, ni un bien immeuble que l'on peut vendre et exploiter. L'être humain - l'Innu est simplement un homme - est indissociablement lié à la terre, à chaque instant de sa vie. La forêt, les lacs et les rivières, les animaux qui les habitent, et les pierres, les sources, le vent et les nuages sont nos parents, nos alliés même lorsqu'ils nous tuent.

J.M.G. Le Clézio
Commenter  J’apprécie          320
LEVÉE EN MASSE

Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.

Les hommes meurent sans connaître la joie.

Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.
Si le bonheur n’est pas au monde nous partirons à sa rencontre.

Nous avons pour l’apprivoiser
les merveilleux manteaux de l’incendie.

Si ta vie s’endort,

Risque-la.

JEAN MALRIEU - Une ferveur brûlée, 1995.
Commenter  J’apprécie          322
L’imagination est un cheval fou qui court sur la mer.

Commenter  J’apprécie          300
Écrire de feu l'eau claire
la pente du sourcil
la traque du jaguar
Écrire d'un bond ta peau
le sable des lisières
l'aube des sentinelles
Écrire sans fin de rage
de peur et de brisures
écrire de bric et de broc
de soc et de pollen
Pourvu qu'en son passage
le vent te laisse nue
à la pointe des mots.
Commenter  J’apprécie          290
Qu’ils s’estiment heureux de n’avoir pas été abattus comme des chiens pour entrave au bon fonctionnement de l’État. Le nouvel ordre grec leur offre une occasion unique de changer. Yaros n’est pas un bagne mais un camp de purification sociale.
Un lieu de dératisation de l’esprit.
Un centre de décoloration idéologique. (page 48)
Commenter  J’apprécie          280
ULYSSE

Je veux te retrouver enfant
retrouver ces jours de grand vent
qui sculptaient ta chevelure
de sable et de sel

alors tu rejoignais mon antre
à pas lents
pour que j’admire ta coiffe
et ton allure étrange

tu ne parlais plus
tu faisais de grands gestes
le soleil dans ton dos
tu déplaçais les ombres

et je t’appelais Reine

je veux glisser mes mains d’enfant
derrière ta nuque
porter ton visage comme un calice
et danser en aveugle

je veux frôler ton pied
dans la poussière froide
et que ton rire me dévore
je veux dormir quand tu veilles
et que les chèvres dévalent la colline

pour annoncer le soir

je veux te voir partir et rester seul
pour recueillir
au son des cloches animales
les perles de sable et de sel
tombées de tes cheveux

AURÉLIA LASSAQUE - En quête d’un visage, 2017
Commenter  J’apprécie          264
Je t'écrirai
les mots en pluie de la tendresse
l'orée des souvenirs
la passerelle au point du jour

sa chute dans le fleuve
où la voici devenue barque

exil en ma demeure
où rien ne te survit

je porterai ton nom jusqu'aux douves du soir
Commenter  J’apprécie          250
Jean Cassou (1897-1986)

La plaie que, depuis le temps des cerises....
Je garde en mon coeur s'ouvre chaque jour.
en vain les lilas , les soleils, les brises
viennent caresser les murs des faubourgs.

Pays des toits bleus et des chansons grises,
qui saignes sans cesse en robe d'amour;
explique pourquoi ma vie s'est éprise
du sanglot rouillé de tes vieilles cours.

Aux fées rencontrées le long du chemin
je vais racontant Fantine et Cosette
l'arbre de l'école, à son tour répète
une belle histoire où l'on dit : demain...
ah ! jaillisse enfin le matin de fête
où sur les fusils s'abattront les poings ! (p.39-40)

Commenter  J’apprécie          250
Leros, île-prison.
Leros, île-refuge.
Leros, île des fous. (pages 120-121)
Commenter  J’apprécie          240
« L’amour dans son poing
contient l’univers. » (Yannis Ritsos)
page 82
Commenter  J’apprécie          240
Bruno Doucey


Les mots

Je les ramasse comme on ramasse des galets sur une plage
Je les cueille comme on cueille des fleurs et des feuilles

Je les recueille
comme on fait un nid de ses mains
au frêle oiseau de la parole

Puis
je me tiens debout
mains
offertes
pour un
partage
à haute voix

(" mots dits, mots lus ", février 2017)
Commenter  J’apprécie          242
J’AI KAYAKÉ

J’ai kayaké,
méandré, la Seine.
Fait reculer les mascarets.
dans un bar d’outre-tombe,
dernière luciole
d’un quartier survivant
d’entre-bombes,
Mado, de Saint-Agrève,
m’a promu matelot…
sur une goélette
en goguette.
À son bord,
J’ai usé mes paumes
entre étai de flèche et grand-voile,
chanté les grands cacatois
les petits perroquets
et tous les Artimons
du temps perdu
des brigantines
malouines.
À Bilbao, sur un cargo poisseux,
J’ai secoué les plis de nappe
D’un pavillon panaméen
À miettes d’équipage
aux langues dépareillées
et gestes accordés.
J’ai viré à Sagres
où naquirent ces coquilles de noix,
bateaux ivres
appelés caravelles.
Les oiseaux m’ont appris
que l’un d’entre eux, le labbe,
menait double vie
sous le nom de stercoraire
Un vieux yacht à la vapeur dorée
m’a dérivé vers Gibraltar où j’ai vu,
dans le regard des singes du Rocher,
les reflets atlantiques des grandes cataractes
qui emplirent jadis la Méditerranée
Une escale en Sardaigne
m’a fait tenir en main
des statuettes d’un bronze nuragique.
À Malte, deux commères d’Homère,
Nausicaa et Calypso,
battaient la crique ulysséenne
dont la ceinture d’algues
échappait vainement
aux crocs des roches jaunes.
Ma direction m’a mené
aux côtes de Turquie.
J’étais heureux de cette porte
de terre à serrure continentale.
Sur un caïque grec, la grève j’ai touché
et le fond du malheur
au nom roulant soudain tonnerre de Bodrum…
Un enfant gisait là,
en habit d’écolier.
Le front sur un coussin de sable,
dormeur d’un autre val.
Un enfant mort noyé,
venu il y a trois ans
Au monde de toute mer et terre,
fuyant avec son frère la guerre de Syrie.
Cet enfant sans cartable, sans vie,
promis aux écailles d’obus
et jeté dans la nuit aux mousses du naufrage.
Une photographie de lui
a fait le tour du monde.
Carte postale de guerre,
toujours la même qui revient,
celle de l’enfant mort,
sur ma peau épinglée.
Les rames de mon kayak
font, depuis ce jour-là,
comme un bruit de sanglot
dans l’eau inattentive
au destin d’un enfant
prénommé Aylan.

PEF - Terra Migra, 2018
Commenter  J’apprécie          242
L’ÉTERNITÉ DANS UN INSTANT

Avoir le soleil et le temps
L’éternité dans un instant
Les mouvements de ses envies
Un peu comme ceux des marées
Inattendus, irréguliers
Se sentir être où l’on veut être
Et avec qui
C’est dans ces moments d’évidence
Que l’on oublie qu’on va mourir

Matthias VINCENOT - J’ai vingt ans, 2018
Commenter  J’apprécie          230
DOUBLE ACCÈS SÉQUENTIEL

Au début, on cherche une paire d’yeux
et on y enfonce ses regards.
Peut-être que là-bas, dans les profondeurs,
il y a quelqu’un qui aboie,
tranche les têtes, tire les cordages.

On prend ensuite une paire de lèvres
et on dessine leur contour,
délicatement, avec le bout de la langue.

Puis, une paire de bras
qui ressemblent à quelques ailes endormies,
qui, tangentiels, par-dessus tes épaules,
sont en train de s’arquer.

Et à tout cela s’ajoutent la paire d’yeux,
la paire de lèvres, d’ailes endormies,
de cuisses, qui sont tiennes.

S’y ajoute ainsi, paire et sans paire, tout le reste,
jusqu’à ce qu’on arrive à une paire de coeurs.
Jusqu’à ce qu’on arrive à se retrouver soi-même.

LINDA MARIA BAROS - Anthologie poétique amoureuse, 2010
Commenter  J’apprécie          230
Condition

Je suis
telle
un petit grain dans le sablier
qui
ne peut devenir temps
que
lorsqu'il
tombe

Ana Blandiana ( traduit du roumain par Luiza Palanciuc)
Commenter  J’apprécie          220



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bruno Doucey (391)Voir plus

Quiz Voir plus

Comtesse de Ségur ou Alphonse Daudet

La chèvre de monsieur Seguin ?

Comtesse de Ségur
Alphonse Daudet

10 questions
26 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..