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4.04/5 (sur 14 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Fort de France , le 31/07/1994
Biographie :

Camille Reynaud, originaire de Lourdes, vit au Havre, où elle anime des ateliers d'écriture. Elle a publié aux éditions Autrement un premier livre autofictif intitulé "Et par endroits ça fait des nœuds", qui revient sur sa rupture d’anévrisme en l'intégrant dans une matrice plus large d'expériences littéraires, artistiques et médicales.

Source : https://camillereynaud.fr
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La Bpi et le festival Effractions vous proposent la rencontre avec Camille Reynaud et Claire Marin : Poétique du cerveau, en langue des signes française (LSF). Elle est interprétée par Armelle Riccio et Anne-Marie Bisaro. Retrouvez l'ensemble des rencontres sur le site Effractions : https://effractions.bpi.fr/ Retrouvez l'ensemble de la visite en langue des signes sur notre playlist : https://www.youtube.com/playlist?list=PLKkFbICkVcZnw_14zZOokWBLNAqPMCru6


Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le fonctionnement du cerveau n'est pas linéaire. Pourquoi celui de mon récit le serait il ? J'écris comme l'électricité circule dans mon cerveau- par connexions, bifurcations, disgressions , noeuds et paysages.
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Après deux embolisations, mon blond est devenu plus blond, et je me suis demandé où étaient passées les nuances manquantes, à quel moment la couleur s’était-elle effacée. Mes cheveux étaient blonds mais le souvenir absent, blanc comme une pellicule vide. Alors je l’ai fixé, ce blanc, jusqu’à ce qu’y apparaisse la forme d’une autre femme. J’ai inventé Louisa.
Louisa est allongée dans une chambre du 3 e étage. Elle aime boire son lait froid et le siroter à la paille. Ses cheveux sont une cascade de boucles blanches sous laquelle on aimerait se baigner. Elle a grandi dans les montagnes du massif armoricain et connaît le plaisir de s’emmêler dans l’écume des rivières qui se jettent dans la mer. Quand elle est arrivée à l’hôpital, elle venait de finir La Tresse de Laetitia Colombani, elle avait découvert cet itinéraire capillaire qui tressait le destin de trois femmes. Elle trouve ça beau, ce partage de cheveux d’une tête à une autre, et en même temps effrayant. Si on lui rase les siens, iront-ils ensuite habiller le visage d’une autre malade ? Elle pourra peut-être les récupérer, se reconstituer une perruque. Elle n’imagine pas l’absence de ce poids, quarante-six ans d’histoire contenue dans ces fibres qui ont enregistré tout le film de sa vie : son enfance en carré de boucles brunes, les frisettes indisciplinées de son adolescence, elle teste des couleurs improbables, regrette une frange indomptable, la coupe s’assagit pour passer les portes de l’âge adulte, des racines qui deviennent blanches très tôt, elle n’a même pas 40 ans, puis s’étendent jusqu’aux pointes en entrelacs de neige. S’ils ouvrent son cuir chevelu, comment le refermeront-ils ? Elle imagine une fermeture Éclair, pratique, remontée jusqu’en haut pendant les jours de pluie, comme le ciré jaune de bretonne qu’elle enfile pour aller observer les mouettes sur la jetée, le jeudi matin (c’est son jour de congé). Jules adorait les mouettes, quand ils venaient ici pour les vacances il passait des heures à leur courir après, c’était encore mieux que les pigeons de Rennes, il agitait ses petits bras rayés d’un pull marine en riant comme le font les enfants, bouche, yeux, mains, joie immense de tout son corps. Elle a déménagé à Saint-Malo il y a trois ans. Elle est venue y peindre, et observer les mouettes. De son lit elle sent le vent enfler, passer le hall d’entrée, demander à l’accueil la chambre de Louisa Monnier s’il vous plaît ?, traverser les couloirs, s’engouffrer entre les portes battantes, toquer à la sienne, passer par la fenêtre, s’enrouler autour de son corps qui tremble, l’étreindre enfin, l’étreindre, de son chant si puissant et si doux à la fois, le vent du chant des mouettes. Autour de son visage, les cheveux de Louisa forment un nid de plumes. Les céphalées ont commencé il y a un an. Surmenage, fatigue, stress, elle s’est mise à temps partiel. La galerie se débrouille plutôt bien sans elle. Elle a fait l’effort de se laisser aller. Céphalées toujours. Elle passe des contrôles, c’est impossible, à peine croyable, on n’a jamais vu ça : là, au niveau de l’hypothalamus – cette petite glande située dans la zone centrale de la base du cerveau et qui joue un rôle essentiel pour réguler les émotions – se dessine une image. C’est l’image de Jules, l’image de Jules partout imprimée en elle. C’est l’image d’une perte. C’est l’image d’une lésion, une lésion en forme de mouette.
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Dans un premier temps, à l’hôpital, je m’entraîne à écrire les yeux fermés, comme j’ai appris au collège à taper sur un clavier d’ordinateur sans regarder les touches. Au début ce n’est pas très droit, les mots s’emmêlent, pressés les uns contre les autres derrière celui qui hésite à sauter à la ligne, tétanisé comme au bout d’un plongeoir il tremble sur le bord de la page, perd le fil, se raccroche à un carreau du bout des doigts et à bout de souffle, apnée anticipée ; il y a aussi ces lettres qui recouvrent les autres comme pour les effacer, revenir en arrière, rembobiner la phrase, réessayer, nouvelle tentative de la main qui s’efforce de retrouver son chemin, comme sur ces dessins qu’il faut tracer sans jamais lever le crayon, sans repasser au même endroit, relier les points sans en oublier aucun, il faut être stratégique. Peu à peu les lettres recommencent à s’aligner, à retrouver leur place. Je trempe la pointe de mon stylo dans l’encre qui tache mon œil et j’écris, j’écris sans y voir. La mémoire du corps est un outil formidable.
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Le support sur lequel s’imprime le résultat d’une IRM s’appelle « écran radioluminescent à mémoire ». C’est la pellicule grand format de mon cerveau, ma matière grise en noir et blanc, comme un journal intime, succession d’instantanés de soi, radiographie quotidienne de la pensée intérieure sans filtre et sans correction.
Deux principes caractérisent la chambre noire d’un appareil photo :
– une ouverture pour faire entrer la lumière émise par la scène
– une surface sensible pour enregistrer cette lumière.
La photographie, comme le journal intime, est un espace sensible.
Je recopie d’ailleurs dans le mien, à l’entrée du 19 avril 2018, ce titre de Libération : « Des jambons examinés par IRM ». L’article m’apprend que l’ima- gerie médicale est utilisée en Espagne pour vérifier la qualité des produits charcutiers sans les abîmer. D’une certaine manière, ça me rassure.
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Ce que j’appelle mon « Autoportrait à l’arrosoir manquant » est le résultat d’une double exposition sur pellicule argentique. La photo me représente de dos, face à la fenêtre. La ligne des épaules épouse l’horizon des toits que l’on aperçoit en contrebas. Sur ma peau en noir et blanc, des touches de gazon et de feuilles mortes laissent entrevoir une deuxième image : des arrosoirs suspendus par des chaînes à une barre de métal. La barre de métal me traverse la tête, et il manque l’arrosoir du milieu.
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