Les libraires Decitre vous guident dans cette rentrée littéraire Hiver 2021 : Manon nous partage son coup de coeur pour "Ne crains pas l'ombre ni les chiens errants" de Camille Zabka (Editions de l'Iconoclaste)
Un roman à découvrir ici : https://www.decitre.fr/livres/ne-crains-pas-l-ombre-ni-les-chiens-errants-9782378801786.html
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Bonnes lectures !
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Les roses étaient toutes rouges
Et les lierres étaient tout noirs
Chère pour peu que tu te bouges
Renaissent tous mes désespoirs
Le ciel était trop bleu, trop tendre
La mer trop verte et l'air trop doux
Je crains toujours- ce qu'est d'attendre!
Quelque fuite atroce de vous.
Paul Verlaine. Spleen
Il y a ce moment magique, où les oiseaux nocturnes chantent encore et où les autres se réveillent, dans un ordre bien précis. C’est l’heure symphonique. Écoute, c’est maintenant.
L’intérieur de notre corps est un lieu étranger, plus mystérieux que les rivages lointains.
- Attendez, j'ai pas bien compris, vous voulez que je vous aide à écrire des lettres ? Vous voulez qu'un mec comme moi qui a eu, attention, 4 sur 20 de moyenne au bac français, et à qui vous avez voulu faire la peau parce qu'il écrivait, devienne le scribe officiel de Fleury ?
Je ne veux pas lui montrer l'exemple d'une maman qui attend fébrilement le retour de son homme. Nous, nous ne sommes pas prisonnières. Alors, on ne doit pas s'enfermer dans la seule attente de ton retour. Je ne veux pas que, plus tard, ma fille soit celle qui attend un type.
Même si, comme toi, c'est un type bien.
Mais là; dans cette bibliothèque, il se sent bien. Il respire. Les livres, c'est pas pour les péquenauds ou les sauvages. Dans la bibliothèque, il redevient un peu l'homme qu'il était au-dehors. Il n'est pas un "sale négro", ni une "racaille". Il est Alexandre, avec une fiche d'emprunt à son nom, pas avec son numéro d'écrou.
p 118
Il voit les lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi et dimanche. Les jours fériés, les vacances scolaires et le nom des saints. C'est absurde, ça ne veut plus rien dire pour le prisonnier. Son temps à lui, après deux mois d'incarcération, n'est plus le même que celui des gens libres. En prison, le temps traîne.
[ en prison ]
- C'est moi qui vais te montrer. C'est l'atelier Post-it. Il faut coller des blocs de Post-it sur une base en carton et les mettre dans des pochettes plastiques. Tu restes debout. Tu commences la matinée en faisant trois tas, comme ça : les Post-it, les supports, les pochettes. Après tu fais des paquets de Post-it par tas de cent, et en fin de session, le contremaître passe pour les compter et tout récupérer. T'as compris ?
Alexandre hoche la tête.
- C'est payé 2 centimes le carnet. Il faut être rapide. Moi, j'en fais parfois plus de 600 par jour.*
Alexandre commence le travail. Il faut être minutieux et avec ses grandes mains, ce n'est pas simple.
[ * 2 x 600 = 1 200 centimes, soit 12 euros par jour ]
Le 9 janvier.
Pénélope, Pamina,
Vous me manquez. Je vais bientôt avoir mon audience. Ils ne devraient pas me garder trop longtemps. Je ne veux pas que vous vous embêtiez avec les démarches du parloir. Deux mois trois au pire sans se voir ça va être long mais c'est mieux de ne pas amener Pamina ici.
(...)
[Pénélope,] dis de belles choses à Pamina sur son papa. Essaie de bien vivre. Tu sais que je peux m'adapter à toutes les situations. Je t'embrasse je vais revenir bientôt.
- Alexandre.
PS : Pamina ma princesse ma chérie. Tu trouveras avec ma lettre un petit dessin. C'est maman et papa qui tiennent Pamina par la main et c'est à colorier en vanille chocolat et caramel. Papa rentre bientôt. Ecoute bien maman.
La sculpture - si on pouvait appeler ça une sculpture - dégageait une odeur bizarre. Elle sentait le ragoût, ou le restaurant indien. A une immense toile souple suspendue au plafond étaient accrochés des sortes de collants couleur chair remplis d'épices, qui pendaient à quelques centimètres du sol. Certains visiteurs déambulaient entre les grappes odorantes.
- Tu viens ? lui a dit Pénélope.
- On dirait des burnes. Avoue que c'est chelou.
- J'avoue.
Elle riait. Il parlait fort.
- Il est connu, l'artiste ?
- Un peu, oui, c'est Ernesto Neto.