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Critiques de Camille de Toledo (112)
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Archimondain jolipunk

Nul, incompréhensible, frimeur et décousu. Sans autre commentaire. Ce serait superflu.
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Archimondain jolipunk

C'est le roman d'apprentissage d'un jeune homme intelligent et bien né qui s'interroge sur l'organisation du monde dans lequel il fait ses classes : et si tout ce que j'apprends n'était que du vent ? et si ma propre vérité ne se trouvait pas derrière les enseignements, les vérités assénées, les cadres et les règles inculqués ? Et si je devais vivre ma vie, la mienne...



De fait, ses interrogations mènent à une naissance, celle d'un pseudonyme, et un exil, celui de vivre dans le monde des mots pour vivre dans le vrai... où l'on remarque avec amusement que la critique formulée tout au long de l'ouvrage sur le mépris du corps dans la société dématérialisée trouve une issue immatérielle dans cette création d'un corps sémantique, désincarné...



Le tout est assez monocorde, mais c'est bien écrit, quelques idées sont amusantes ; sans doute la marque d'une époque : celle qui découvre que la "société du spectacle" en absorbant tout et son contraire et est à la fois libertaire et liberticide et que vouloir son renversement, c'est toujours se maintenir dans l'idée d'une société autoritaire... y a-t-il une alternative à la liberté ? la sienne, celle des autres, celle de soi contre les autres... et des autres contre soi ? y a-t-il d'autres choix que de vivre et de se construire, en absorbant dans son corps les contradictions du monde, interne comme externe ? l'échappatoire littéraire ne paraît n'être qu'une prise de distance momentanée du corps qui se refuse - qui se résoudra forcément dans une nouvelle incarnation, le cas échéant altérée. Naître en littérature pour commencer de vivre dans le monde, c'est le choix de l'auteur... c'est sans doute celui de tout le monde - se raconter des histoires pour échapper à l'écrasement contemporain, comprendre, et revenir sur terre pour y reprendre sa place, recommencer... un roman d'apprentissage en plein dans l'esprit du spectacle...
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Herzl : Une histoire européenne

Je n'ai pas du tout réussi à entrer dans ce roman graphique.

Je m'attendais à une biographie de Théodore Herzl, et il s'agit en fait de l'histoire d'un photographe juif, Ilia Brodski, qui croise la route de Herzl à certains moments de sa vie.

De plus, je n'ai pas du tout accroché au style des dessins, ni à la couleur en noir et jaune.

Enfin, si les textes sont bien écrits, ils sont trop longs pour une bande dessinée et la police n'est pas très agréable.

Décevant!
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Herzl : Une histoire européenne

Camille de Toledo livre un roman dans le roman graphique... Il part d'Ilia Brodsky, un jeune juif immigré fuyant les pogroms russes pour s'installer à Vienne puis à Londres, que sa soeur finit par quitter pour New York. En toile de fond se crée le socialisme international. Nous sommes au tournant du siècle.



Plusieurs années plus tard, Brodsky écrit sur Herzl. Celui-ci, croisé par Brodsky alors qu'ils sont tous les deux enfants, est un journaliste qui va militer pour créer un état juif. De Toledo nous présente un sionisme qui prend l'affaire Dreyfus et ses suites, les bouleversements internationaux, de plein fouet. La monté de l'antisémitisme en Europe ne laisse aucune échappatoire. Il faut créer un état. Mais où?



De Toledo construit son récit en 4 parties: on part d'Ilia Brodsky. On migre sur la genèse/jeunesse d'Herzl. Puis on aborde le combat d'Herzl, qui remplace la présence de sa soeur défunte par une nation. On termine de nouveau sur Ilia, confronté au manque laissé par sa propre soeur défunte.



J'ai appris énormément de choses. Il faut bien le reconnaître. Ce n'est pas un sujet que je maîtrise, mais on se rend compte que nous vivons en 2018 les suites de ces combats sionistes face au socialisme juif international. Mais, malheureusement, de Toledo ne mène pas son analyse jusque là. Le sionisme a gagné, l'identité juive n'a pas été retenue au départ comme un élément fondateur, contrairement à la nécessité de terre et de pierres, conçus au départ comme un refuge, un nachtasiel, un asile de nuit pour les juifs persécutés.



Le noir et blanc sépia et le découpage fonctionnent bien. Mais le traitement de l'info, la présentation, les textes comme des pavés indigestes, les monologues pompeux... tout cela m'a lassé, m'a gavé, m'a indisposé. Il y avait sans doute mieux à faire. Donc, la longueur conséquente, 340 planches suivie de 10 pages de biographies et d'informations, est un fardeau que le lecteur va traîner. A lire par petit morceaux en se documentant énormément sur le côté, afin de comprendre les tenants et aboutissants (majoritairement ignorés par Camille de Toledo).
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Herzl : Une histoire européenne

La bande dessinée de Camille de Toledo et d'Alexander Pavlenko est consacrée au concepteur du projet d'un Etat juif, Theodor Herzl.
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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Herzl : Une histoire européenne

Le titre du roman graphique reprend le nom d’un journaliste et écrivain austro-hongrois Theodor Herzl, (1860-1904), fondateur du mouvement sioniste et du Fonds pour l’implantation juive pour l'achat de terres en Palestine à l’empire ottoman. Il a été l'un des premiers à mettre en place l'idée d'un État autonome juif.

Ce livre est le testament d’un Juif « sans terre », chassé de Russie par les pogroms, Ilia Brodsky, qui dans les années vingt et trente du xx e siècle rencontre dans l’un des premiers studios photographiques de Vienne le dénommé Herzl.

La vie des deux personnages est mixée, Ilia est le narrateur et nous suivons sa fuite de la Russie en 1882, son parcours à travers l’Europe et sa brève rencontre avec Herzl qui à l’époque n’est qu’un dandy nanti.

Quand les ambitions de Herzl prennent formes, la narration de son histoire fait se dissoudre la vie d’Ilia qui n’apparaît plus alors que comme faire parler de son mentor.

Ce qui est passionnant au delà de ce que ce roman graphique nous montre de ces deux existences c’est le tableau saisissant de l’Europe entre 1880 et 1930 approximativement, les courants politiques qui le traversent, la construction des sociétés juives et socialistes qui croyaient à la transformation sociale par l’Histoire, les interrogations des intellectuels sur le monde qu’ils souhaitent construire, la montée des nationalismes et de l’antisémitisme,

Le dessin d’Alexander Pavlenko est remarquable, il nous emmène tout au long du roman dans la description d’un rêve qui aurait pu émerger à la charnière du XIX et du XXe siècle, un rêve qui allait s’effondrer dans les flammes de l’Europe.

Comme le signale Camille de Toledo, il y a un livre «  à l’intérieur du livre, c’est une histoire subalterne de l’Europe, du point de vue du migrant, de l’exilé, celui qui est à côté des nations. Ilia Brodsky est le double, en miroir, de Herzl le bourgeois assimilé, qui s’est intégré dans la société viennoise ».

J’ai lu quelque part qu’il envisage d’écrire un livre sur l’histoire du Bund (1), c’est une excellente idée et je ne manquerai pas de le rechercher quand il sortira !



(1)

L’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie, plus connue comme le Bund, est un mouvement socialiste juif créé au Congrès de Vilnius en septembre 1897 et s'est dissout en Pologne le 16 janvier 1949 au congrès de Wroclaw. C’est le premier parti politique juif socialiste et laïc destiné à représenter la minorité juive de l’empire russe.

Militant pour l’émancipation des travailleurs juifs dans le cadre d’un combat plus général pour le socialisme, il prône le droit des Juifs à constituer une nationalité laïque de langue yiddish. Son concept d'autonomie culturelle s’oppose donc tant au sionisme qu’au bolchévisme dont les bundistes critiquent les tendances centralisatrices. Ce parti est également profondément antireligieux et considère les rabbins comme des représentants de l’arriération. Le mouvement perd la plupart de ses adhérents et de son influence avec la Shoah.
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Herzl : Une histoire européenne

« Herzl, une histoire européenne » Scenario : Camille de Toledo, Dessins : Alexander Pavlenko. Éditions Denoël Graphic 2018



Gomel est un petit village miséreux perdu dans le grand « Yiddish land », zone de résidence obligatoire pour les juifs de l’empire, définie par Catherine II en son temps.



1882 : En écho à l’assassinat d’Alexandre II, Gomel est la cible d’un des nombreux pogroms. Ces massacres qui ont jeté les juifs orientaux sur les routes pour former ce qu’il était alors nommé « la question juive ».



Ilia Brodsky, gavroche mutique et orphelin, fuit l’empire tsariste avec sa sœur ainée Olga qui lui tient lieu de mère. Tous les matins, elle « réveillait ainsi Ilia pour qu’il n’oublie pas d’exister ».



Débute alors une longue errance qui les conduit à Vienne puis, en 1888, à Londres East End, creuset des cercles socialistes libertaires car « le socialisme était un pays ou même les orphelins avaient une patrie ». Certains quartiers de Londres ressemblaient ainsi à une « yeshiva sans Dieu ».



Communément, les juifs partageaient une patrie : le yiddish et l’expérience commune de l’exil. « Si nous choisissons l’exil, c’est une chose. Mais si nous y sommes contraints, tous nos souvenirs entrent en résistance »



Théodor Herzl, juif hongrois intégré, bâtit patiemment le mouvement sioniste. Entre Vienne et Londres, il croise Ilia Brodsky qui en fait son pygmalion.



« Le pays à venir, sa terre promise, exerçait sur moi comme sur tant d’exilés, une séduction contre laquelle il était difficile de lutter. Cette attraction pour la terre, les gens qui habitent quelque part, qui ont un chez eux, ne peuvent pas réellement la comprendre »



Une problématique sous jacente du livre : pourquoi le bourgeois Theodor Herzl n’a-t-il pas renié le monde miséreux constitué des juifs errants ?



Telles des céramiques attiques, de larges aplats noirs servent de fond au dessin ocre que réhaussent des cartouches blanches. Celles-ci contiennent le texte à la typographie d’imprimerie tel un rappel au métier d’Ilia. Les dessins débordent de personnages rustres de la saga.



Entre tristesse et noirceur, le graphisme traduit merveilleusement la gravité historique.

Très belle BD.
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Herzl : Une histoire européenne

Je n’ai malheureusement pas du tout accroché. J’ai trouvé l’histoire poussive, inutilement torturée et en fin de compte difficile à lire.

Plutôt que l’histoire de Herzl lui-même, c’est l’histoire d’un photographe qui le croise de temps en temps.

Le graphisme ( couleur, police, trait des dessins...) n’aide pas à « rentrer dedans » facilement. Dommage , vraiment, le sujet me tentait beaucoup
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Herzl : Une histoire européenne

Le politologue israélien Denis Charbit et l'écrivain Camille de Toledo dialoguent autour du roman graphique "Herzl, une histoire européenne". Les deux intellectuels partagent leur vision du creuset dans lequel s'est fondé le projet sioniste.
Lien : http://bibliobs.nouvelobs.co..
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Herzl : Une histoire européenne

Etonnant livre. Je m’attendais à une BD sur Herzl (et centré sur Herzl) et en fait nous suivons la vie d’Ilia Brodsky qui va croiser la route d’Herzl puis plus tard enquêter sur lui. Deux personnes aux parcours si différent : Herzl est issu de la bonne bourgeoisie hongroise et vivra à l’aise toute sa vie, protégé par ses parents est sa femme. Ilia qui a perdu très tôt ses parents sera jeté sur les routes par les pogroms et ira d’abord à Vienne puis à Londres, vivant chichement de la photo apprise sur le tas à Vienne. Il sera un militant d’extrême gauche croyant à la libération des peuples par le socialisme. La première guerre mondiale mettra fin à ses rêves. Et pourtant tous deux, Ilia et Herzl ont des points communs, la perte de leur terre natale, l’amour porté à leurs soeurs (Pauline, la soeur d’Herzl est morte à l’adolescence, Olga, celle d’ilia mourra plus tard en couches aux USA), un sentiment de vide de leur vie qu’ils compenseront trous deux par un trop plein de combat, l’un pour le sionisme, l’autre pour le socialisme et une vie familiale ratée ou inexistante. Un livre attachant, émouvant, dur par moments et soutient la thèse que l’amour d’Herzl pour le sionisme est lié à celui de trouver une terre pour sa soeur.
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Herzl : Une histoire européenne

Un formidable roman graphique pour parcourir par témoin interposé toutes les facettes captivantes, y compris les moins connues ou les plus spéculatives, du personnage que fut Theodor Herzl, le fondateur du sionisme en 1897.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/06/26/lecture-bd-herzl-une-histoire-europeenne-camille-de-toledo-alexander-pavlenko/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Herzl : Une histoire européenne

Les images contribuent à créer une ambiance que je retiendrai sans doute davantage que l'histoire elle-même. C'est reposant d'avoir de temps en temps des histoires en images.
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Herzl : Une histoire européenne

Un livre intéressant et original, riche en informations sur Théodore Herzl et son époque, vue à travers les yeux d'un jeune juif fuyant la Russie et les pogroms pour se réfugier à Vienne puis à Londres, mais restant néanmoins un éternel errant sans attache. Ce livre témoigne d'une grande sensibilité et d'une nostalgie prégnante. L'auteur possède un réel talent , qui s'appuie sur une documentation solide. Deux réserves cependant :

- les caractères sont très petits, certes à l'image du message du héros, qui évoque un murmure, voire une voix intérieure, mais néanmoins un peu difficiles à déchiffrer.

- une illustration dans les jaune et noir, aux contours parfois imprécis, ce qui accentue le côté onirique de ce récit ressenti parfois comme un songe.

Le tout donne une oeuvre belle, attachante, travail conjoint d'un écrivain érudit et d'un dessinateur talentueux qui nous offrent un ouvrage de qualité, à conseiller plus particulièrement aux amateurs de BD et d'Histoire contemporaine.
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L'inquiétude d'être au monde

Court et à lire sans reprendre souffle – vers et un corps de texte intercalé – lamento-recherche-d'explication-litanie sur la marche du monde, sur ce qui fait que nous en sommes arrivés à notre inquiétude, nos fermetures, nos enfants qui tirent et tuent.

Apprendre à vivre ainsi et refuser les consolations qui disent nation, appartenance, religion, qui disent ce qui nous faisait croire en notre sécurité, notre différence avec les hommes-cafres, hommes-juifs, tziganes, etc... apprendre que l'on ne sait pas, que le monde n'est pas stable.

Apprendre que nous sommes liés et refuser ce qui sépare.
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L'inquiétude d'être au monde

Avec ce court recueil, Camille de Toledo oscille entre la poésie et l’aphorisme. Certains préfèreront sans doute parler de pensées. Une succession de petits textes de quelques lignes, avec pour fil conducteur l’inquiétude engendrée par le mouvement perpétuel de ce siècle neuf : « plus rien ne demeure. Tout bouge et flue. Paysages ! Villes ! Enfants ! ». L’inquiétude d’être au monde tient donc dans le vacillement général des choses. Doit-on pour autant se raccrocher aux souvenirs, aux racines ? Certes pas. L’auteur a dressé contres ces mots un barrage éternel. Racines, origine, terre, pays, nation, autant de fictions qui ne servent qu’à nous donner l’illusion d’être quelque part.



Camille de Toledo appelle à résister contre ceux qu’ils nomment les « promettants », ceux qui nous vendent des solutions provisoires censées nous délivrer du risque, du mal, de la peur et de la mort. La révolution est là. Mettre à bas l’orgueil, « accepter de n’être qu’une espèce parmi les espèces, c’est-à-dire accepter son décentrement. » Les figures tutélaires convoquées pour légitimer le discours me parlent particulièrement. D’un coté Césaire et son Cahier d’un retour au pays natal et de l’autre Stieg Dagerman et son besoin de consolation impossible à rassasier. D’un coté l’universalité, l’exil perpétuel de Césaire et de l’autre « les chants trompeurs de la consolation contre lesquels Stig Dagerman nous mettait en garde. »



Naviguant sans cesse entre l’abattement, la colère et l’exhortation, l’écrivain n’endosse jamais le rôle du donneur de leçon. L’exercice, un brin désuet, est le signe d’une longue fréquentation de la littérature. Toujours brefs et fulgurants, souvent brillants, d’une extrême lucidité, ces paragraphes au lyrisme contenu sont à lire à voix haute pour mettre en valeur la musicalité de l’écriture. Une belle réussite.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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L'inquiétude d'être au monde

Ce chant sur « l’inquiétude d’être au monde » en appelle à notre « SensCritique ». Faisons-lui cet honneur d'une analyse double-face.



Le côté lumineux :

Le côté lumineux est du côté de la poésie : rythme de l’esprit devenu musique, réflexion, diffraction des mots, du mot inquiétude. Mot-monde, mot-serpent.

L’inquiétude se diffracte : de l’angoisse existentielle d’être jeté au monde, incompréhensiblement, le spectre s’ouvre et l’on retrouve l’inquiétude extrême d’être jeté au monde dans les restes du cauchemar éveillé du 20e siècle.

Inquiétude stagnante, brouillard qui envahit le monde : tel est le constat. Et le 20e siècle, et les tueries, les conflits, ne sont que des résurgences de cette impossibilité à accepter l’inquiétude, l’ouverture, le décentrement, l’exil, l’impossibilité d’une « consolation » comme rêvait Stig Dagerman :

« Il n’y a pas de remède à notre inquiétude. Ne cherchons pas dans le monde la parole, le mot, la figure de la consolation. Essayons de nous tenir, dans l’inquiétude, sans nous soumettre. Ne déléguons plus nos vies aux consolateurs. »

L’inquiétude de ne rien reconnaître, vertige des ruines de la pensée, vertige de l’inquiétude contemporaine.

Oui, l’incertitude prend ici les mues serpentines d’une inquiétude nouvelle : nous sommes comme orphelins du monde.

Non. Nous devons accepter d’être cosmopolitiques, ouverts sur le décentrement. Nous devons accepter d’être inquiets. Cela est la matrice. Orphelin du monde, inquiets, toujours, entre la tentation de l’exil, ici incarné par l’appel à Césaire, totem poétique :

« Comme il y a des hommes-hyènes, et des hommes-panthères, je serais un homme-juif, un homme-cafre, un homme-hindou-de-Calcutta, un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas… »



Le côté obscur :

La poésie a une force de suggestion, mais porte en elle une force d’assertion dangereuse. Ici la dimension intellectuelle manque des « racines » que fustige l’auteur. Certes, difficile de reprocher à un poème de ne pas être un essai. Mais tout de même.

On a presque envie de renvoyer l’auteur à sa critique du manifeste pour une « littérature-monde » dans « Visiter le Flurkistan… » Car combien de naïvetés sont égrenées dans ce texte, au motif de la pensée poétique !

La poésie et l’inquiétude du monde sont une musique de l’esprit qui a des charmes de sirène. Elle charme au point de faire taire les soubassements idéologiques douteux qui la supporte. Elle qui berce tant la réaction que la révolution, l’impénitence que l’impermanence.



Je ne comprends pas comment on peut écrire que l’inquiétude au monde, le désordre ou la démesure soient caractéristiques de notre temps, tandis qu’auparavant régnait un certain ordre, une certaine mesure, une certaine quiétude. Comment peut-on manquer à ce point de nuance ? Oublier carrément toute la réflexion produite par la tradition philosophique. Ce genre d’opposition binaire peut-elle faire autre chose que sourire, surtout quand elle demeure au seul stade de l’assertion poétique ?

Je ne comprends pas non plus comment on peut faire dater l’inquiétude moderne de la phrase de Pascal sur « les espaces infinis » en oblitérant la mise en scène chrétienne et pascalienne de la formule. Ni de la démesure sans penser aux Grecs, voire à « L’homme révolté » de Camus. Du cosmopolitisme sans Kant, Derrida, sans le nomandisme à la Deleuze. De « simulation » (pour Utoya et Colombine) sans passer par la case Baudrillard.

Je ne reproche pas de ne pas en traiter comme un "scholar", mais de ne pas ignorer ces réflexions qui ajoutent infiniment de nuances. L'oubli des "racines" prôné par l'auteur comme décentrement - et l'on sait en effet la teneur barrèsienne, droitière de cette métaphore - semble avoir la funeste conséquence l'oubli des "racines" des penseurs européens. Comment peut-on en appeler à une prise de conscience sans prendre en compte ces grands rhizomes de la pensée européenne ?

Peut-être est-ce trop ambitieux.



N'empêche. Comment peut-on verser dans ce travers littéraire d’écrire :

« Ce fut le 20e siècle !

La flèche inversée de la science et de la technique devenue l’une et l’autre complice de la destruction »

Voilà un accusation banale. Banale haine de la science qui ne prend pas la peine de penser l’histoire des sciences et là encore toutes les variations de D.Lecourt à I.Stengers.

Voilà qui est pour le coup véritablement caractéristique de notre temps… Cela me chagrine quand il s’agit d’un auteur qui enjoint à la culture de jouer un rôle, mais qui, finalement, lui-même répète ce conflit des « deux cultures » dont parlait Charles Snow et s’éloigne de la culture de « l’humanisme ».



En somme : comment ne pas voir, in fine, dans le traitement de l’inquiétude de Toledo voir le même travers qu’il dénonce dans son poème : la nostalgie. Il dit refuser les idéologies de la « consolation » et de la « refondation », qu’il rattache à tort au « romantisme, mais au final il ne produit qu’un mouvement d’illusion lyrique reconduisant à cette distinction passé (antérieur à la 1ere guerre mondiale, disons) / présent qui justifie précisément cette nostalgie et cette refondation. Or il ne peut avoir de refondation et de consolation car il n’y a rien à quoi revenir : cette condition faite d’inquiétude et de démesure sont la nôtre, de notre passé le plus lointain à notre avenir le plus éloigné. Il aurait fallu y insister.



PS : On appréciera cependant l'humour et la nuance. Ainsi dans la déconstruction de "Mind the gap" du métro anglo-saxon, reconverti en appel à penser le gouffre des langues, la fissure, la différance où se joue l'esprit aurais-je envie de rajouter - d'où le titre de cette chronique.


Lien : http://lucienraphmaj.wordpre..
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L'inquiétude d'être au monde

Au coeur de L''inquiétude face au monde l'inquiétude et le monde se tutoient. Camille de Toledo observe le siècle qui s'achève dans le vertige et ouvre la voie à un 21ème siècle tout aussi inquiétant. Pour scander le mal-être dominant de ce siècle, il choisit de s’exprimer à travers une prose poétique qui épouse au plus près l'inquiétude lancinante des êtres perdus dans un monde recelant quantité de dangers potentiels, qu'il s'agisse de la perte d'un enfant, ou de la folie de ce même enfant capable de massacrer ses camarades comme à Columbine en 1999 ou à Utoya en 2011.







« Qui prépare les enfants à ce temps nucléaire ?



Pour eux, c’est le soupçon qui triomphe.



Ou le romantisme malade de la refondation :



Voyez encore !



Columbine !



Utoya.



(…)



Les gamins savent intuitivement,



Comme des dieux, que l’enseignement



De leurs écoles est inadapté.



Vieille herméneutique du savoir.



Vieilles catégories de l’être.







Penser, classer, écrivait Pérec.



Et comme il a raison.



La pensée occidentale est une névrose d’enfant



à qui l’on répète :



Allez ! Range ta chambre ! » (p.47)







L'inquiétude ronge les êtres et le monde qui ne peuvent trouver d'échappatoire face à ce naufrage progressif. Née des horreurs du 20ème siècle, de la guerre, de la déportation, des politiques démagogiques pernicieuses, cette inquiétude est sans fond car ancrée profondément en l'homme du 21ème siècle.







« Il y eut un autre mot pour le vingtième siècle.



Ce fut la dé-mesure. Dé-liaison,



Dé-litement, dé-lit de l’esprit, qui,



Croyait-on avant, gouvernait la flèche du temps,



Ou peut-être aussi, dé-règlement de la mesure,



Emballement de la raison



Qui, après avoir classé les peuples,



Entre sauvages et civilisés, noirs et blancs,



S’est mis à diviser, couper, entre le soi et le presque soi.



Le dé du déluge, de la démence, le dé du hasard



Et de la fin, s’insinua dans le pli de chaque chose,



Comme l’accident et la catastrophe. » (p. 24)







« C’est l’inquiétude et la peur qui nous livrent à la pharmacie, aux pouvoirs, à tous ceux qui prétendent nous en libérer. C’est l’inquiétude et la peur qui nous poussent à déléguer la charge de l’homme aux prêtres, aux moralistes, aux dogmes et aux milices. (…) Par peur, s’en remettre au commerce de la consolation. C'est-à-dire à l’intoxication : nous voulons être délivrés du risque, du mal, de la pluie qui tombe en été. Nous voulons être délivrés de la peur, de la mort, et finalement, de la vie.» (p. 30)







Que reste-t-il comme espoir au poète si ce n'est celui de charmer ou d'enivrer les Dieux par son chant, tel Orphée devant Hadès. Espoir de « de voir les mots agir sur et dévier l’esprit contemporain de l’Europe ».
Lien : http://lecturissime.over-blo..
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L'inquiétude d'être au monde

J’avais repéré Camille de Toledo suite à sa récente publication d’un article dans Le Monde où il décochait un manifeste pour une nouvelle Europe poétique. Souhait pour le moins inhabituel – et salutaire – à l’heure où l’on débat sans cesse des modalités de sauvegarde d’une Europe économique tout en évacuant l’impératif d’une Europe politique et d’une Europe culturelle refondées, ou devrais-je plutôt dire à fonder. Dans L’inquiétude d’être au monde, Camille de Toledo se penche sur l’état philosophique politique de l’Europe, qu’il juge très réactionnaire. Il en veut pour preuve la récente tuerie perpétré par le Norvégien Anders Bhering Breivik sur l’île d’Utoya le 22 juillet 2011 (soixante-neuf campeurs chassés et tués de sang-froid), drame que l’on retrouve en filigrane tout au long de la soixantaine de pages de ce livre. En réponse à cet état philosophique européen très dégradé, l’auteur milite pour une meilleure compréhension de l’entre-deux, c’est-à-dire des interstices culturels qui se nichent entre les langues, entre les peuples. L’inquiétude d’être au monde se lit alors comme un (...)
Lien : http://leslecturesdares.over..
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L'inquiétude d'être au monde

L'Europe s'est détruite en revendiquant trop d'identité - le temps de l'inquiétude est venu, celui où il faut être sans identité, sans racine, sans langue. La vie au XXIème siècle sera-t-elle une vie de fiction, un entre-deux, cet espace entre les langues où il faut se tenir pour ne pas être un antagoniste impérieux et destructeur, sera-t-elle une interrogation permanente sur ce que l'on est, là d'où l'on vient et ce que l'on veut, sans pouvoir le dire, sans le savoir en fait ?
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L'inversion de Hieronymus Bosch

Trop descriptif, transparent et explicatif à mon goût sur le thème de l'illusion, de la duplicité d'un monde qui perd le sens de l'émotion véritable... il aurait fallu une narration duplice, masquée, second degré...
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