Le regard des chats trahit leur veille éternelle, dit toujours Tancredo. Il le dit comme s'il les connaissait, comme s'il se rendait en secret à leurs réunions, comme s'il appartenait au monde animal. Il le dit, puis se corrige. Les chats, répète-t-il, habitent un entre-monde. Les scientifiques l'ont prouvé, répète-t-il, puis il explique ce qu'il appelle la science : le fait qu'on ait démontré que les ondes cérébrales des félins imitent la structure de celles des humains quand ils dorment. (pp. 80-81)
Il avait traversé une grave dépression dont il n'était sorti que grâce à une étudiante française qu'il avait connue au début de sa deuxième année. Marie-Hélène, cette jeune fille au visage constellé de tâches de rousseur si différente d'Aliza, lui avait démontré qu'à l'étranger nostalgie et souvenirs étaient dommageables. Suivant son conseil, il s'était alors attelé à se frayer un chemin à coup d'oublis. Au bout de trois décennies, ce choix de ne regarder que devant soi semblait être le pilier sur lequel s'érigeait une vie confortable que l'arrivée de la lettre avait légèrement ébranlée.
Ainsi, dans un anglais parfait malgré son haleine alcoolisée, le gros lui raconte que, il y a des années, il a fait des études d'archéologie en Angleterre [...] parmi les aristocrates britanniques et les demoiselles amidonnées, jusqu'à ce qu'un jour, lassé des bibliothèques, il opte pour l'alcool et les chats. (p. 119)
Pour un obsessionnel, il n'y a rien de plus rassurant qu'une obsession partagée. (p. 72)