Carole Boulbès

Ondes de choc

Si le petit format de la carte postale et son faible coût ont favorisé sa diffusion, ils ont aussi encourage son utilisation dans un but de propagande.Dès la fin du XXe siècle, plusieurs formes coexistent: caricatures, dessins associés à des photographies et photomontages. Le recours à ces différents moyens de communication permet de traiter des questions de politique intérieure ou internationale, mais également de galvaniser les soldats et favoriser le patriotisme des familles lors des violents conflits qui ont agité le XXe siècle.

Introduction

La carte postale est impudique.Depuis plus d'un siècle, les deux faces de ce petit bout de bristol circulent sans enveloppe.Au revers de l'image, L'adresse du destinataire et le message s'exhibent aux regards de tous.Moyen d'expression futile? Produit de consommation désuet ? Art populaire sans grande valeur? Petite monnaie de l'art? On le pense encore . Pourtant ,au début du xxe siècle, la carte postale fut détournée par des artistes célèbres qui en firent collection : Pablo Picasso, Francis Picabia, Raoul Dufy, Fernand Léger, Oscar Kokoshka, Henri Rousseau, Maurice Utrillo, Kes van Dongen, Hannah Höch, Sophie Taeuber- Arp, Erwin Blumenfeld, Kurt Schwitters, Alexandre Rodtchenko, Varvara Stepanova...La liste n'est pas exhaustive. Illustrée ou photographique, la carte postale est à la fois un objet intime, familier et une œuvre d'art qui ne dit pas son nom.L'artiste fait un choix: il retient une image plutôt qu'une autre, parfois il la signe comme un " ready- made", et cet acte en lui-même élargit la sphère de l'art.L'abondante correspondance de Guillaume Apollinaire et les cartes postales aux messages télégraphique qu'il recevait de peintres ou de sculpteurs témoignent de la vivacité cette pratique.

En guise de conclusion


" La reproduction massive d'œuvres d'art (...) n'a pas seulement un rapport avec la production en masse de produits industriels, mais aussi avec la reproducten en masse d'actions et de comportements. "

Walter Benjamin

Véritable média de masse, objet de surproduction et de krachs dès les premières années du XXe, la carte postale a-t-elle été créée, comme le pensait Paul Eluard, pour distraire les exploités ?
(...) Ils (* photomontages) touchent des citadins, des paysans, des amoureux ou des solitaires, des touristes appartenant à l'élite artistique ou intellectuelle comme des commerçants et des artisans, des militants et des militaires, des mères de famille et des enfants...Colossale, sans frontière, la clientèle de la carte fantaisie est aussi indéfinissable que le bon goût.

( p.282)

Le collectionneur Paul Éluard

" Commandées par les exploiteurs pour distraire les exploités, les cartes postales ne constituent pas un art populaire. Tout au plus la petite monnaie de l'art tout court et de la poésie. Mais cette petite monnaie donne parfois idée de l'or." Paul Éluard

À partir de 1929, Paul Éluard
a constitué une importante collection de cartes fantaisie parmi celles " qui circulèrent en Europe de 1891 à 1914", c'est-à-dire juste avant l' émergence de Dada.Considérant que la carte postale n'est pas un art populaire mais un " art tout court", il ne retenait que les créations.

(p.259)

Les pages cornées, l’annotation immorale et les autres ajouts qui se trouvaient dans les marges, tout concourait à confirmer son hypothèse : loin d’être un faux, l’exemplaire du Voyage à Syracuse conservé à la Bibliothèque Stanislas était un document unique, de valeur appréciable. C’était un aveu, un brouillon indiscret qui prouvait que le peintre amoureux était parti de plusieurs poèmes de Nietzsche. Mais Nietzsche lui-même, ...

Le monde entier lui apparut sous les traits caricaturaux d’un gigantesque centon ou plutôt d’un mille-feuilles dont il décollait imprudemment les couches. Une interrogation fatigante lui revenait à la face comme un boomerang : qui pense à travers moi ? L’immense et compliqué palimpseste de la mé-
moire ne lui laissait pas de répit.