Carole Dagher

Cette lecture m'a apporté beaucoup de plaisir.

Périodiquement l'histoire fait des pauses, les guerres cessent pour laisser place au développement des arts, de la culture et de la civilisation.

Avec «L'invité des Médicis», Carole Dagher nous raconte l'histoire d'un Liban rêvé par son émir, Fakhreddine, personnage truculent, en exil chez ses amis Florentins.

Venu chercher un corps expéditionnaire pour reconquérir son royaume perdu, la parenthèse inattendue se prolonge aux hasards des découvertes et des rencontres. Une en particulier, une artiste, une femme, libre, énigmatique. Alba, c'est son nom, allume en lui la lumière de la culture, et met le feu à son coeur.

Inattendu alors, le choc culturel entre la Florence de la renaissance et un Levant vassal de la Sublime Porte, inattendues les représentations des corps magnifiés par les sculpteurs, inattendues les émotions procurées par les musiciens, inattendues les femmes qui osent ; Inattendues les officines occultes qui vont oeuvrer à son discrédit. Et Fakhreddine se transforme, se libère, s'ouvre et rêve de construire un Liban éclairé, bienveillant, prospère. Un trait d'union entre deux colosses, l'Europe et l'Orient.

Mais les rêves s'évaporent car les enjeux sont plus grands. Les croisés ne reviendrons pas en terre sainte, l'Armada Espagnole ne voguera pas vers Constantinople et Fakhreddine reste seul face son destin.

Qui connait l'héritier des Maan, personnage héroïque à la stature du commandeur incarnant les valeurs de sa lignée et qui va rendre sa fierté à son peuple ?

On est littéralement absorbé par cette histoire qui semble avancer lentement, mais le style de l'autrice est précis et lumineux. Avec une narration qui nous plonge dans la psyché de l'émir des Druzes, Carole Dagher nous offre plusieurs niveaux de lecture, une fresque historique, une évasion culturelle une réflexion philosophique.

Ouvrir un livre, c'est commencer un voyage : alors pourquoi pas Florence ? Justement, en novembre 1613, un invité inattendu débarque en Toscane, à la cour de Cosme II de Médicis. C’est un prince du Liban qui foule le Ponte Vecchio. Venu pour quelques mois, Faccardino, son surnom italien, restera cinq ans en Italie. Aucun livre d'histoire ne relate ce fait : or, ces cinq années métamorphosent cet homme et la face du Levant. Ce prince découvre, à la cour des Médicis, une cité splendide dotée d’une architecture élégante et innovante. Il côtoie des artistes, des savants, les plus grands penseurs européens. En goûtant au calice de la beauté, ce prince, aussi légendaire en Orient que peut l’être Laurent le Magnifique à Florence, rapporte sur ses terres le raffinement et l’amour des arts. A l’égal des Médicis, il apporte paix et prospérité au Liban dont il est le fondateur. Son règne éclaire quatre décennies de splendeurs. Or, derrière le masque de cet homme se cache une autre vie. Une autre histoire. Qui, bien sûr, emporte tout, même le lecteur.

Très bon roman historique. Ecriture ciselée et légère. Descriptions précises des personnages et de l'atmosphère de Florence, de la Toscane et du Liban du XVIIe sans être omniprésentes. L'auteur se glisse dans la peau de l'émir du Liban venu solliciter l'aide des Médicis dans sa lutte contre la "sublime porte" et la menace Ottomane contre son pays. Cela se lit comme un roman, même si les personnages et les faits brossés avec soin sont réels. Ce livre en dit plus et avec une clarté sans pareille, sur l'époque, que les livres d'histoire consacrés.