J'ai découvert Catarina Viti sur le site Mon BestSeller.com ; une très belle découverte.
Après avoir reçu un e-book de cette auteure, ce dont je remercie ce site, je me suis précipité pour acquérir et lire les deux autres ouvrages de la série Blues 1,2 et 3.
Il est vrai que le N°2, Calibre 12, vous refile le blues, celui dont on ne peut se défaire quand on pense à la société dans laquelle nous vivons.
Catarina Viti est dans la vraie vie, pas forcément la belle vie, même si son roman se déroule du côté de Marseille.
Des personnages laissés pour compte à la fois par l'état et par le PCF qui a longtemps joué un rôle dans la région jusqu'à ce que son fonds de commerce soit repris par le FN actuel RN.
« le grand-père de Mario et son père avaient été des piliers du Parti, fortes gueules des chantiers, et ils avaient été enterrés rouges sans passer par la case curaille ; juste le cimetière et des poings dressés. Mario avait eu lui aussi sa carte du Parti, mais pas longtemps. Il l'avait déchirée à la fin des années quatre-vingt-dix. Oui, monsieur, il avait voté le Pen en 2002 même si à l'époque ce geste avait été considéré comme une vile saloperie. »
Et, Catarina n'y va pas avec le dos de la cuillère. Elle est dans le roman social, dans le roman réaliste, mais sans pleurnicheries ni angélisme. Elle nous sert du brut de décoffrage et on en redemande. Ses mots font mouche, elle joue à merveille de sa façon de raconter sans esbroufes, mais sans nous ennuyer, c'est là le principal talent de l'auteure.
« Les anciens ne se doutaient pas. Jamais ils n'auraient imaginé que la République et le Parti la leur mettraient aussi profond. S'ils revenaient. S'ils découvraient pour quoi ils sont morts... »
Tistou, le personnage principal est paumé. A trente ans il vit toujours avec son père, Maurice. Ce dernier se remet difficilement d'avoir été plaqué par sa femme, alors que Tistou n'était qu'un bébé.
« La faute à Maurice et à son éducation d'un autre temps si à la moindre occasion il se sent sale et malheureux ? C'est tellement idiot de rester accroché à des valeurs qui n'ont plus cours. Peut-être que s'il était plus beau ou plus brillant il n'aurait pas toutes ces idées embarrassantes et cette retenue ».
Il est partagé entre la grande gueule de l'Agachon, qui séduit les foules de la Souco avec des propos rassurants et simplistes, « les meilleures manières de faire fondre le chômage, de réduire la dette publique en arrêtant, par exemple, de distribuer le pognon aux glandeurs, aux Arabes. », et la réflexion élaborée de Guy et Micha sa femme qui essayent tant bien que mal de lui faire voir la lumière, en vain.
« Tistou se sent tiraillé aux limites du supportable. Il lui revient en mémoire ce que Micha a mis des heures à lui expliquer hier, à savoir que les villes frontistes ne sont pas des modèles de vertu ni de gestion, et que l'exemple qu'ils ont vécu quelques années plus tôt à Toulon aurait même tendance à démontrer que leurs dirigeants peuvent être pires que les autres. »
Il faut dire que Tistou a la tête ailleurs, il est obnubilé, obsédé par Cherrie la jeune soeur de son pote Steph, une jeune fille de dix ans sa cadette dont la plus grande occupation consiste à se défouler en dansant à l'Opoponax, une boite dont on sait (sauf Tistou) qu'elle draine tout ce que la région compte de dealers et personnages mal intentionnés... « On entend même dire que du GHB circule, mais ça reste à voir. La came, Tistou n'y touche pas sauf un petit joint de temps à autre. »
Tistou se débat avec sa conscience mais aussi avec son sexe et l'usage qu'il ne parvient pas à en faire : « C'est bien ce que lui avait sorti une fille avec laquelle il était sur le point de conclure. « Ta bite, c'est pas le problème. — Ah non ? avait-il fait, prêt à se sentir soulagé. — Non, avait continué la fille, le problème, c'est tout le reste. »
Tistou reste spectateur de sa vie et agit comme les autres veulent qu'il agisse. La force du roman, en nous mettant le personnage de Tistou sous les yeux, est de nous faire douter de nous-mêmes, et nous que faisons-nous, sinon assister au désastre et le commenter pour nous en éloigner et limiter notre responsabilité ?
Catarina Viti pose aussi avec justesse la question du vivre ensemble dans une société où l'argument passe après l'affirmation sans fondement et dans laquelle la culture est loin derrière le divertissement et l'humour convenu.
« Salut, Pascal, alors, c'est bien ce que tu lis ? » Sans un mot, Pascal lui tend le volume. Il espère toujours que la magie du livre opère par contact direct. Tistou déchiffre le titre et rend l'ouvrage à son propriétaire comme il lui tendrait un objet venu de l'espace. Il émet un petit bruit censé exprimer la consternation. « Ils devraient s'inscrire sur Mitique, les gars. » Il rit de sa plaisanterie alors que Pascal, déconfit, récupère l'exemplaire de "Des hommes sans femmes" »
Une auteure à découvrir !
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