Citations de Chrétien de Troyes (289)
Je veux, mon fils aimé, vous apprendre une leçon qui mérite toute votre attention. Si vous rencontrez ici ou là une dame qui ait besoin d'aide, ou une jeune fille sans secours, soyez tout prêt à les aider, car tout honneur en relève. (...) mettez vous au service des dames et des jeunes filles, et vous aurez l'estime de tous. (...) une jeune fille accorde beaucoup, si on obtient d'elle un baiser. Mais si elle consent à ce baiser, ce qui vient de surcroit, je vous l'interdis( ...) j'ai autre chose à vous dire : si quelqu un vous tient longue compagnie, ne manquez pas de lui demander son nom. C'est par le nom qu'on connait l'homme. Mon fils aimé, c'est avec les hommes d'honneur qu'il faut parler et avoir compagnie.(...) mais par dessus tout je vous prie instamment d'aller dans les églises et les abbayes pour y prier Notre Seigneur qu'il vous donne honneur en ce siècle et vous permette de vous y conduire si bien que vous fassiez une sainte fin.
la est Lanceloz arivez;
et si tost com il fu venuz,
quant il fu de sa robe nuz,
en une haute et bêle couche
la pucele soëf le couche.
Puis le baigne, puis le conroie
si très bien que je n'an porroie
5 la mitié deviser ne dire.
Soëf le menoie et atire
si com ele feïst son père :
tôt le renovele et repère,
tôt le remue, tôt le change.
Or n'est mie moins biax d'un ange,
n'est mes roigneus n'esgeunez,
mes forz et biax ; si s'est levez.
A peine furent-ils arrivés que la demoiselle déshabilla Lancelot et le fit douillettement coucher dans un grand lit somptueusement garni.
Puis elle le baigna et lui prodigua tant de soins que je ne saurais même en énumérer la moitié. Elle le massa et lui pétrit les chairs avec douceur comme elle l'aurait fait à son propre père ; elle lui fit retrouver son état antérieur, sa force, sa vigueur, sa beauté; elle le transforma à tel point qu'une grâce angélique se répandit sur ses traits. Il n'est plus maintenant l'être affamé et rongé par la gale qu'il était ; il a retrouvé toute sa force et sa beauté. Maintenant il peut se lever de son lit.
Il est bien connu de partout que les malheurs surviennent aux hommes de bien, à ceux qui persistent dans l'honneur et la vaillance.
La lâcheté, la honte, la paresse ne risquent pas la chute, elles ne le peuvent !
Mais les bons, c'est leur destin que de tomber.
... vous avez souvent dit des injures, car c'est bien là votre habitude.
Inévitablement le fumier doit puer, les taons piquer, et les guêpes bourdonner ; de même les gens hargneux doivent médire.
L'imagination littéraire médiévale avait la passion de conter (c'est elle qui, à l'aube de la Renaissance, inspirera encore les grands livres de François Rabelais, les «Rêveries» et «Baliverneries» de moindres conteurs.
[Notice]
Le premier qui s'y présenta a si bien payé son audace que les suivants s'en sont émus, et que nul n'ose plus aller. Chacun prend garde à sa santé et craint d'aller perdre la tête. Nul n'est si hardi d'approcher de ce portier si redoutable, qui n'en touchera plus un seul, et n'en verra plus devant lui.
Qui oublie l'injure a le cœur bas. Dans une âme vigoureuse le mal s'en va mais non la honte. C'est chez un couard que la honte froidit et meurt.
Tout métier exige et cœur et peine. Il n'y a honte à ne savoir faire ce qu'on n'a pas appris ni vu pratiquer par quelque autres.
Le damoisele ot non Lunete
Et fu une avenant brunete
Tres sage et tres noble et tres cointe.
Un homme de bien ne doit pas vanter sa bravoure pour mieux relever son exploit : l'exploit se suffit à lui-même.
Notre travail enrichit celui pour qui nous nous épuisons.
À tous repas, la faim est la meilleur et la plus piquante des sauces.
...on guérit vite d'un coup d'épée, dès qu'un médecin s'y emploie ; mais la plaie faite par Amour s'aggrave quand s'en approche son médecin.
Puisque vous le voulez, écoutez donc ! Prêtez-moi cœur et oreilles, car les paroles qu'on ne fait qu'entendre sont perdues si le cœur ne les saisit.
...la courtoisie d'un mort a bien plus de prix que la grossièreté d'un vivant.
Ceux qui aimaient avaient une réputation de courtoisie, de vaillance, de largesse et d'honneur. Aujourd'hui Amour est devenu un sujet de plaisanterie, à cause de ceux qui, n'y connaissant rien, affirment qu'ils aiment ; en fait, ils mentent, et à s'en vanter à tort, ils le réduisent à une plaisanterie et un pur mensonge.
Un coup d'épée cicatrise et guérit
très vite, dès qu'un médecin s'en occupe ;
mais la plaie d'Amour empire
d'autant plus qu'elle est près de son médecin.
Mauvais est l'homme qui oublie honte et vilenie qu'on lui fit.
(Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal)
Et celui de la charrette reste plongé dans ses pensées
Tout comme une personne privée de force et de défense
Contre Amour qui le maintient sous sa juridiction ;
Sa méditation est d'une intensité telle
Qu'il perd le sens de lui−même ;
Il ne sait pas s'il existe ou s'il n'existe pas,
Il ne se rappelle pas son nom,
Il ne sait pas s'il est armé ou non,
Il ne sait pas où il va, ni d'où il vient ;
Il ne se souvient de rien,
Hormis d'une seule chose, et, à cause d'elle,
Il a mis les autres choses en oubli ;
Il pense tant à cette seule chose
Qu'il n'entend, ne voit ni ne comprend rien.
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Et cil de la charrete panse
Con cil qui force ne desfanse
N'a vers Amors qui le justise ;
Et ses pansers est de tel guise
Que lui meïsmes en oblie,
Ne set s'il est, ou s'il n'est mie,
Ne ne li manbre de son non,
Ne set s'il est armez ou non,
Ne set ou va, ne set don vient ;
De rien nule ne li sovient
Fors d'une seule, et por celi
A mis les autres en obli ;
A cele seule panse tant
Qu'il n'ot, ne voit, ne rien n'antant.
- Alons i, biax niés, fet li rois,
Molt avez or dit que cortois.
Et des qu’anpris avez l’afeire,
Comandez les chevax fors treire
Et metre frains et anseler,
Qu’il n’i ait mes que del monter."
Ja sont li cheval amené
Apareillié et anselé ;
Li rois monte toz primerains ;
Puis monta messire Gauvains
Et tuit li autre qui ainz ainz ;
Chascuns an volt estre conpainz,
Si va chascuns si con lui plot :
Armé furent, de tex i ot,
S’an i ot sanz armes asez.
Messire Gauvains fu armez,
Et si fist a deus escüiers.
Mener an destre deus destriers.
Et einsi com il aprochoient
Vers la forest, issir an voient
Le cheval Keu, sel reconurent
Et virent que les regnes furent
Del frain ronpues anbedeus.
Li chevax venoit trestot seus,
S’ot de sanc tainte
l’estriviere,
Et de la sele fu derriere
Li arçons frez et peçoiez.
N’i a nul qui n’an soit iriez,
Et li uns l’autre an cingne et bote.
Bien loing devant tote la rote
Messire Gauvains chevalchoit ;
Ne tarda gaires quant il voit
Venir un chevalier le pas
Sor un cheval duillant et las
Et pantoisant et tressüé.
Li chevaliers a salüé
Monseignor Gauvain primerains,