AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Chris de Stoop (53)


« Rafael a vu les motos et les i Phone de ses copains. Il en a parlé à la maison, au Colruyt, au lycée et à sa petite amie. Les auteurs du forfait eux-mêmes l’ont raconté à leurs frères et amis. L’histoire s’est répandue dans le village, et les jeunes de la cité, surtout, en ont très vite connu tous les détails. Personne n’a pensé à aller voir la victime ni à appeler les secours, pas même anonymement. Tout le monde se tenait à carreau.
Le village se taisait dans toutes les langues.
Il arrivait que des gens de 84 ans meurent, après tout. »
…………………
Il vivait de rien et avait tout, il ne voulait rien de plus. Peut-être le village trouvait-il cela pathétique, mais pour lui c’était la bonne manière de faire.
……………….
Son cadre de vie avait les limites d’un hameau, autrefois appelé Le Chien, comme la rue. Oncle Daniel n’avait jamais habité ailleurs et il ne s’était jamais éloigné de plus de quelques dizaines de kilomètres de sa maison, pour se rendre à l’hôpital de Tournai ou dans notre famille des Ardennes flamandes. C’était un homme d’ici, qui connaissait ce coin mieux que quiconque, chaque pli et repli de la terre.
Daniel avait des journées remplies d’activités simples, effectuées selon un rythme immuable, avec une régularité rassurante. (…) Il se concentrait sur ce qu’il faisait et sur rien d’autre. Moins vous avez d’activités différentes, plus vous vous y consacrez. Une nouvelle journée ne lui réservait rien de neuf, mais même ce que vous avez fait des milliers de fois peut vous paraître aussi inédit qu’au premier jour.
Daniel n’avait as besoin de luxe ni de confort, il préférait la privation au plaisir. Les toilettes étaient à vingt mètres de la maison, mais cela ne le dérangeait pas. L’hiver, le poêle s’éteignait souvent, mais il n’avait pas peur du froid. Il aimait rester assis dans l’obscurité. Il a même connu la faim. Il vivait avec les éléments et aimait cette existence rudimentaire. Sans liste de choses à faire dans la journée, ni de ce qui reste à accomplir dans sa vie.
Daniel n’avait pas besoin de quitter sa ferme pour être quelqu’un. Il était maître de sa vie, maître de son temps, à chaque seconde. Le temps pouvait s’étirer autant qu’il le voulait. S’il avait envie de rester couché toute la journée sur son divan, il le faisait.
Cela ne semble guère séduire grand-monde de nos jours. En 2014, selon une enquête de Harvard et de l’université de Virginie, la plupart des hommes préféreraient s’administrer une décharge électrique que de se retrouver seuls avec leurs pensées, sans smartphone ni autre distraction. Rien en leur semblait pire que ce rien.
…………………….
A la fin du premier jour du procès, j’ai déjà les oreilles qui bourdonnent.
Ils ne savent même plus pourquoi.
Ils n’avaient pas imaginé la souffrance.
Ils étaient obsédés par l’argent.
Ils regrettent, regrettent, regrettent.
Commenter  J’apprécie          60
Un sentiment de mélancolie m'envahit . Après avoir pensé à lui presque chaque jour , ces derniers temps , me voilà au fond du cimetière , debout face à une tombe laissée totalement à l'abandon et couverte de fientes d'oiseaux.
Un monticule de terre avec une croix en bois , sans pierre tombale , coincé entre un réservoir d'eau et l'arrière de la ferme du Temple.
Il y a un bouquet de fleurs en plastique. Son nom est écrit sur la croix , de travers , mais pas ses dates de naissance et de mort.
Tout homme a une histoire avec un début et une fin donc Daniel Maroy aussi (1930 -2014 ) .
Commenter  J’apprécie          70
Cela m'a toujours fasciné. Ces gens qui ne jouent plus le jeu, qui se retirent, se détournent de la société, suivent leur propre chemin et nagent à contre-courant, il m'arrive de les envier. Se soustraire au système est une preuve de courage, je pense.
(...)
Pour ma part, je ne regrette pas le monde des médias que j'ai laissé derrière moi afin de m'isoler dans la ferme familiale pour écrire. C'est un travail solitaire, qui demande calme et silence. Je me surprends à moins me préoccuper de l'actualité et à regarder de plus en plus souvent la mangeoire à oiseaux.
Commenter  J’apprécie          350
Dans ma propre ferme familiale, où j'ai pris l'habitude de venir pour écrire, je reste un long moment dans la « belle pièce » à regarder par la fenêtre. Ici aussi, la porte d'entrée et les fenêtres sont du côté de la cour intérieure, là où tout se passe. D'un coup d'œil, on embrasse tout ce qui bouge, vole, rampe ou creuse. La ravissante petite tête rouge d'un chardonneret dans le sapin au tronc tordu. La lumière sur un vieux tas de bois aux reflets cuivrés. La mousse qui envahit les joints de l'allée en béton. Le toit de tuiles légèrement verdies de la grange bicentenaire, avec, ici aussi, les anciennes toilettes et l'étable côte à côte, réunies fraternellement au-dessus de la même fosse. La beauté du déclin, qui prend à la gorge.
Commenter  J’apprécie          330
Vu de cet endroit, le Geule est indubitablement plus beau et plus idyllique qu'autrefois. Et pourtant, quelque chose me taraude. A un bon kilomètre d'ici, se trouvent une douzaine de panneaux qui signalent pourquoi nous devons attribuer une telle valeur à cette région; ils indiquent ce qu'il faut regarder et expliquent ce qu'on voit. Leur présence fait de moi un passant, un spectateur, et du paysage un décor, comme dans un film de Disney. La nature n'est plus une chose commune, extérieure à nous, livrée à elle-même. Maintenant, elle est entre les mains d'un conservateur.
Plus il y a de panneaux, plus la nature perd en pouvoir de fascination. Quelle dose de magie l'homme et la nature peuvent-ils supporter de perdre?
Commenter  J’apprécie          380
En 2014, selon une enquête de Harvard et de l'université de Virginie, la plupart des hommes préféreraient s'administrer une décharge électrique que de se retrouver seul avec leurs pensées, sans smartphone ni autre distraction. Rien ne leur semblait pire que ce rien.
Commenter  J’apprécie          20
Le village se taisait dans toutes les langues
Commenter  J’apprécie          00
Rester ainsi à observer toute cette activité me met presque en transe. Qui ne connaît de tels moments où la vie semble s'arrêter, que ce soit en regardant le paysage qui défile par la fenêtre du train, en laissant son esprit vagabonder pendant une promenade matinale, ou en écoutant le chant d'un merle perché au sommet d'un arbre ? Ce ne sont pas des moments perdus, mais des moments précieux, même s'ils ne durent que l'espace de quelques battements de cœur, on a alors le pur sentiment d'exister.
Commenter  J’apprécie          00
La justice restaurative a l’immense avantage que coupables et victimes se considèrent de nouveau comme des personnes, sans menace ni diabolisation. C’est un processus de « réhumanisation ». Il existe aujourd’hui des services de médiation officiels pour mener à bien ce processus. On essaie de parvenir à un accord ensemble.
Comme le professeur Walgrave, j’ai toujours pensé que l’homme était bon par nature, mais que les circonstances pouvaient faire de lui un être mauvais. Mais un meurtrier impitoyable ?
Commenter  J’apprécie          191
On retrouve chez les agresseurs d’oncle Daniel la plupart des caractéristiques des profils à risques : le peu de perspectives, un milieu défavorisé, une scolarité problématique, une éducation déficiente, de mauvaises fréquentations. Selon le professeur Walgrave, les chiffres de la délinquance juvénile n’ont certainement pas augmenté, mais on observe une violence qui, elle, est nouvelle.
Commenter  J’apprécie          20
Non seulement la déshumanisation de la victime opérée par les injures, la caricature, l’exclusion, a joué un rôle, mais la banalisation des cas d’inconduite, aussi. Après les plaintes et les pétitions déposées par les villageois, les autorités étaient au courant des problèmes posés par une bande de jeunes, mais elles ne sont pas suffisamment intervenues pour y remédier. Puis, l’indifférence de la communauté à l’égard de Daniel Maroy a fait qu’il est resté une semaine mort chez lui. Que vaut la vie d’un vieillard de 84 ans ? Qui a encore de la considération pour cette ancienne culture paysanne – tout pour la famille, tout pour la ferme, maître chez soi ?
Commenter  J’apprécie          30
Il y a donc trois parties qui se renforcent les unes les autres, conclut le psychologue. La société qui exclut. Les jeunes qui ne trouvent pas leur place dans la communauté. Et la victime qui se place elle-même en dehors de la société. Chacune d’elle a contribué au drame.
Commenter  J’apprécie          30
La première conclusion qu’il a tirée était qu’il y avait eu un effet d’opportunisme dans la dynamique de groupe. Le groupe était aussi immature que l’était chacun de ses membres. Il n’y avait pas eu de véritable stratégie, pas de préparation, comme s’ils allaient seulement tuer un lapin ou commettre un vol mineur. Ce n’était pas non plus un groupe clairement défini, plutôt un ensemble fluctuant de jeunes qui partageaient un avenir incertain ou un sentiment d’injustice sociale. Ils étaient en manque de lien et voulaient appartenir à quelque chose. Le groupe leur donnait un statut et une raison d’être. Etant donné leur rejet de la société qui leur offrait trop peu de chances, prendre ce qui était possible de prendre, quitte à le voler, leur paraissait légitime. (…) Ils se sentaient faibles individuellement, mais forts ensemble.
La deuxième conclusion de Piccirelli, c’est qu’ils n’ont pu agir comme ils l’ont fait qu’en raison de la déshumanisation d’oncle Daniel, qui, isolé et marginalisé, constituait la victime idéale. De plus, ils n’étaient pas les seuls à le considérer comme le « vieux crasseux ». Beaucoup parlaient de lui au village dans ces mêmes termes. (…)
C’est souvent par les surnoms, les caricatures et la stigmatisation que s’enclenche un processus de dévalorisation et de déshumanisation. Claudio Piccirelli n’hésite pas à faire référence aux nazis, qui considéraient ceux appartenant à certaines races et classes sociales comme des sous-hommes, et au gouvernement rwandais, qui traitait les Tutsis de parasites et de cafards.
La déshumanisation offre trois avantages pour les auteurs de crimes, explique Piccirelli. Elle justifie la violence, place leur propre groupe en position de supériorité, et permet d’éliminer toute empathie et toute éthique pour éviter les problèmes de conscience. Il n’y a plus ni compassion pour la victime, ni remords.
Commenter  J’apprécie          30
Pendant qu’ils parlent, je m’interroge : ont-ils le sentiment d’avoir raté leur éducation et d’être de mauvais parents ? Ou ne trouvent-ils tout cela pas si grave, finalement ? Ce qui, ça, le serait encore bien plus. Qu’ont-ils pensé en les voyant dépenser tout cet argent ? Peut-être ne veulent-ils pas qu’ils soient punis ? On dirait parfois que cet assassinat n’a été qu’un accident. Le fruit du hasard. Un coup du sort inéluctable. Même en cas de meurtre, on continue apparemment à défendre son enfant, quels que soient les sentiments torturants qu’on peut éprouver en tant que parents.
Commenter  J’apprécie          51
« Je voulais seulement voler l’argent et qu’il soit inconscient. Après ça, M. Maroy était KO. Il allait bien » (Rachid)
C’est l’un des rares moments où la présidente sort de ses gonds : « Bien ? Que voulez-vous dire ?
- Pas mort, répond Rachid de sa voix grave.
- Monsieur, il y a une différence notable entre être bien et pas mort ! Et qu’avez-vous fait de l’argent ?
- J’en ai donné une parie à mes parents et j’ai dépensé le reste. Je regrette énormément. »
A la fin du premier jour du procès, j’ai déjà les oreilles qui bourdonnent.
Ils ne savent même plus pourquoi.
Ils n’avaient pas imaginé la souffrance.
Ils étaient obsédés par l’argent.
Ils regrettent, regrettent, regrettent.
Commenter  J’apprécie          20
Cela paraît presque une hérésie à notre époque numérique, où on doit constamment se tenir informé, être accessible sur les réseaux sociaux et partager sa vie avec la planète entière d’un simple clic. Comment peut-on encore disparaître aujourd’hui ? Il faudrait pour cela débrancher toutes nos webcams pour ne plus être espionnés dans notre propre maison, nos déplacements sont traçables à tout moment par nos portables et nos GPS, des caméras nous surveillent presque partout dans l’espace public, il semble toujours y avoir quelqu’un qui regarde par-dessus notre épaule.
En réaction, certains goûtent de nouveau la tranquillité de l’invisibilité. Voir, sans être vu. Comme les enfants qui jouent à cache-cache, comme les animaux qui se camouflent pour passer inaperçus.
La nature aime le secret. La vérité se déploie sous la surface. Ce qui est essentiel n’a pas toujours besoin d’être remarqué.
Oncle Daniel, qui ne faisait qu’un avec sa ferme et acceptait son déclin, avait pour philosophie de toujours se tenir au dehors. Il ne nourrissait plus d’ambitions, n’attendait plus rien. Dans sa ferme, derrière ses volets fermés et sa porte barricadée, personne ne pouvait le voir ni l’entendre, il pouvait être simplement lui-même. Libre.
Tu savais où tu en étais avec toi-même. (…)
Son isolement volontaire lui a toutefois coûté la vie.
Commenter  J’apprécie          50
Daniel avait des journées remplies d’activités simples, effectuées selon un rythme immuable, avec une régularité rassurante. (…) Il se concentrait sur ce qu’il faisait et sur rien d’autre. Moins vous avez d’activités différentes, plus vous vous y consacrez. Une nouvelle journée ne lui réservait rien de neuf, mais même ce que vous avez fait des milliers de fois peut vous paraître aussi inédit qu’au premier jour.
Daniel n’avait as besoin de luxe ni de confort, il préférait la privation au plaisir. Les toilettes étaient à vingt mètres de la maison, mais cela ne le dérangeait pas. L’hiver, le poêle s’éteignait souvent, mais il n’avait pas peur du froid. Il aimait rester assis dans l’obscurité. Il a même connu la faim. Il vivait avec les éléments et aimait cette existence rudimentaire. Sans liste de choses à faire dans la journée, ni de ce qui reste à accomplir dans sa vie.
Daniel n’avait pas besoin de quitter sa ferme pour être quelqu’un. Il était maître de sa vie, maître de son temps, à chaque seconde. Le temps pouvait s’étirer autant qu’il le voulait. S’il avait envie de rester couché toute la journée sur son divan, il le faisait.
Cela ne semble guère séduire grand-monde de nos jours. En 2014, selon une enquête de Harvard et de l’université de Virginie, la plupart des hommes préféreraient s’administrer une décharge électrique que de se retrouver seuls avec leurs pensées, sans smartphone ni autre distraction. Rien en leur semblait pire que ce rien.
Commenter  J’apprécie          10
Rafael a vu les motos et les iPhone de ses copains. Il en a parlé à la maison, au Colruyt, au lycée et à sa petite amie. Les auteurs du forfait eux-mêmes l’ont raconté à leurs frères et amis. L’histoire s’est répandue dans le village, et les jeunes de la cité, surtout, en ont très vite connu tous les détails. Personne n’a pensé à aller voir la victime ni à appeler les secours, pas même anonymement. Tout le monde se tenait à carreau.
Le village se taisait dans toutes les langues.
Il arrivait que des gens de 84 ans meurent, après tout.
Commenter  J’apprécie          42
Pascal, de son côté, a trouvé une Golf 4 pour 3 100 euros et l’a ramenée lui-même d’Hersal à Evregnies, avec de vieilles plaques qu’il avaient subtilisées à son père, et sans permis de conduire, assurance ni immatriculation. (...)
- D’où tient-il tout cet argent ? A demandé la mère de Pascal à son père.
- Ca me semble OK, lui a répondu celui-ci, qui s’apprêtait à partir au ski bientôt et à laisser Pascal seul dans le studio.
- Tu le laisses faire sans rien dire ? Il n’a même pas de permis de conduire, a rétorqué la mère.
Des années après leur divorce, ils continuaient à se bagarrer.
Le fait est que les parents ne posaient jamais de questions ou presque à leurs enfants. Ils se sentaient impuissants. Ils ne savaient tout simplement pas ce que leurs enfants fabriquaient. Ils préféraient peut-être ne pas le savoir, car ils avaient déjà assez de mal à gérer leur propre vie. Ou bien, ils faisaient comme s'ils ne savaient rien. Ou encore, ils avaient simplement peur de leurs fils.
Commenter  J’apprécie          10
Son cadre de vie avait les limites d’un hameau, autrefois appelé Le Chien, comme la rue. Oncle Daniel n’avait jamais habité ailleurs et il ne s’était jamais éloigné de plus de quelques dizaines de kilomètres de sa maison, pour se rendre à l’hôpital de Tournai ou dans notre famille des Ardennes flamandes. C’était un homme d’ici, qui connaissait ce coin mieux que quiconque, chaque pli et repli de la terre.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Chris de Stoop (165)Voir plus

Quiz Voir plus

Des devinettes et des énigmes

Nous sommes sœur, aussi fragiles que les ailes d'un papillon . D'un battement, nous pouvons faire disparaitre le monde. Qui sommes nous?

Les ailes d'un papillon
Les paupières
Le jour et la nuit
La lune et le soleil
Le yin et le yang

10 questions
80 lecteurs ont répondu
Thèmes : Devinettes et énigmesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}