Attitude Rugby Christian Montaignac Grand Reporter L'Equipe Librairie Charlemagne Toulon 2014
Sur son vélo, le jeune homme (Gérard Saint), voix de basse, faussement frêle et malhabile, long d’un mètre quatre-vingt-douze, devient un félin comme aucun autre. Jean Bobet, bon coursier et expert hors pair, écrit : « Il est le seul coureur qui ne s’autorise que le seul mouvement des jambes pour pédaler. Quand il roule à fond, un verre d’eau posé sur son dos ne laisserait pas échapper une goutte. » Cette souplesse admirable est partout flattée. Prodige et prodigue, on voit en lui, par l’allure, rien moins que l’héritier d’Hugo Koblet, splendeur helvète, prince vieillissant, prêt à lui passer le relais. (page 98)
Il (Pierre Lacans) était pour les uns un grand frère, pour autres un leader magnifique. Et, pour beaucoup d’entre nous, l’une des plus belles rencontres offertes par ce métier. (page 228)
La course est calme jusqu’à ce col au nom trop doux pour être honnête. Car le Ventoux est trompeur dans son relief et son climat jusque dans le sens de son nom, tiré non pas du mot « vent », mais du terme provençal venturi, « qui se voit de loin ». Il est même son surnom, « le mont Chauve », qui amuse et angoisse pour désigner tout à la fois cette toupie renversée et cette verrue dans le paysage provençal. (pages 263-264)
Tous les lyrismes du monde toutes les plaidoiries de la terre n’y suffiront jamais pour traiter l’horreur, les absurdités d’une guerre que l’on dit grande avec ses plus de dix-huit millions de morts, militaires et civils, et qui fut d’abord un charnier. (page 103)
Tout part d’un joueur, tout finira avec lui, Alexandre Belov, le pivot des Soviétiques. Il a vingt et un ans, le teint rose, une dégaine d’adolescent efflanqué, flotte dans son corps, dans ses pensées, mais, d’un coup de patte, d’épaule, il sait se dépouiller. Bien déplié, il peut avouer deux mètres zéro un, c’est-à-dire presque rien en comparaison des Américains dont c’est la taille moyenne. (page 25)
Toutefois, ce même rugby, sur le vieil air du « en avoir ou pas », reste un sport de combat, de chocs et d’estoc, exposé à la violence des collisions. Les parents tremblent pour leurs enfants, la baisse de licenciés continue. Mais nous sommes nombreux, parmi les tendres rêveurs, à toujours aimer ce sport pétri d’enthousiasme dès lors qu’il continue à s’ouvrir aux dévoreurs d’espace et aux voleurs de feu. (page 176)
Un voile de pudeur s’était posé sur le sort de Dominique Bouet, les circonstances, les responsabilités. Comme si le silence avait continué d’avoir le dernier mot avec lui. Trente ans plus tard, à Dax, on se fait très discret pour suggérer qu’il faut oublier. L’homme effacé l’est resté. (page 67)
Quel métier ? Un sport de combat qui oppose deux hommes bien décidés à se porter des coups avec une hargne que réprime le Code pénal hors des rings. Ce sport et ce métier sont devenus aussi ceux des femmes en leur juste volonté d’égalité. Et c’est l’une d’entre elles, Joyce Carol Oates, qui sut le mieux à nos yeux écrire sur le sujet avec « De la boxe ». Avant de s’imposer comme une immense romancière, elle a découvert la boxe avec son père à Buffalo, puis au Madison Square Garden en passagère clandestine. (page 53)
La popularité de Stanley Ketchel est telle qu’il ne résiste à aucune tentation, la bonne chère, la belle chair, partout en pays conquis. Le bonhomme commence à s’épaissir, mais il se sent toujours irrésistible et n’hésite pas, un mois après, préparation réduite, à retrouver Billy Papke à Colma, en Californie, titre en jeu. Cette fois, la foudre a déserté ses poings et il peine jusqu’au bout des vingt reprises pour bénéficier d’une décision où, de l’avis général, les juges ont sauvé sa réputation et son titre. Ketchel est à ce point l’idole de la population de l’Ouest, presque aussi raciste que celle du Sud, qu’on le pousse au-devant de Jack Johnson, le champion toutes catégories. Ce Noir aussi puissant qu’arrogant doit être puni pour que soient vengés les Blancs auxquels il a volé le glorieux titre des poids lourds avec sa victoire contre James Jeffries. En cette année 1909, les Américains, fébriles, frustrés, apprennent avec soulagement que leur champion incontesté des poids moyens a décidé de s’attaquer à celui des poids lourds, du jamais vu. Oubliés les écarts de poids et de taille, vingt kilos et quinze centimètres, l’assassin du Michigan est capable de tout, et surtout de déboulonner la sombre statue.
"Le suicide est cette ultime parole qui réduit un être au silence, provoque la parole des vivants. Il faut soudain comprendre, essayer. Parce que comprendre, c'est se sentir moins coupable. El la question revient, lancinante : pourquoi ?'