Il ne faut pourtant pas prêter à la pudeur des charmes qu'elle n'a pas. Il en est d'hypocrites. Celle de Proust et de Céleste est belle parce qu'elle est partagée et dissemblable. Proust est pudique comme on se cache. Céleste, comme on se montre.
Cabourg, c'est Balbec. Le Grand Hôtel, c'est le Palais des Mille et une Nuits. L'église de Dives est une basilique persane et Marcel Proust ressemble à un prince d'Arabie "portant les secrets du Mage et assuré de transfigurer l'atmosphère par les effluves veloutés de son regard", comme disait Anna de Noailles.
(p.113)
C'est l'heure où les jeunes-filles rient et bavardent sur la digue. Leur ombre légère, transparente. On devine à peine leurs visages cachés sous leurs capelines qu'elles retiennent par le ruban de leurs bras, le noeud de leurs mains. Elles regardent la mer qui leur ressemble.
(p.100)
L'air bonhomme, content de soi, le regard lointain, parvenu au suprême degré d'indifférence qui couronne des aventuriers triomphants, Adrien Proust était cependant, ou peut-être pour cela, un père formidable. Et personne ne paraît s'en être aperçu.