Christophe Flipo

« Si tu connaissais le don de Dieu ! » (Jn 4,10).

Hier encore, ce verset me laissait indifférent. Qui peut désirer ce qu'il ignore ? Qui peut franchir la lice pour renverser le château de ses certitudes quand son âme se laisse aveugler par une pâle lumière, réfléchie sur un miroir déformant, taché de traditions mélangées ?

Il faut sans doute de la chance pour qu'un jour, une épouse, un frère, un ami, un homme ou un passant vous dépose une parole dans le cœur afin que le désir de découvrir le don de Dieu naisse enfin. C'est bien d'un désir qu'il s'agit. On devient maçon par hasard, on devient chrétien par choix. On reste maçon sous le charme d'une séduction, on chemine en chrétien par l'écoute du cœur, par l'accueil de la parole.

Cette chance, je l'ai eue ! Le Christ est désormais la source de la lumière de ma vie. Je le sais dans la beauté du monde, dans l'insondable mystère de notre existence et dans l'émergence de l'amour qui fait de nous des êtres vivants. Je le sais dans l'amour conjugal, la fraternité chrétienne ou dans l'amitié des rencontres... Je le sais dans la vie de mes enfants ou dans la fleur au milieu des rochers.

Avant ma conversion, je voulais que rien ne change dans ma vie, mais progressivement cet éclairage nouveau, ce faisceau de lumière venu d'un angle différent vinrent me questionner sur le sens de ma quête maçonnique. Pourquoi étais-je maçon ? Pourquoi étais-je au milieu d'un labyrinthe, dans un dédale de cultures ? « Comprends-tu vraiment ce que tu lis ? » (Ap 8, 26). Pourquoi et comment pensais-je qu'une culture alchimique ou païenne pouvait éclairer ma relation au Christ ?

Je ne renie pas mon passé maçonnique. Par cela, je peux interroger sans aucun a priori négatif le maçon chrétien sur le sens de son parcours. Je l'ai moi-même emprunté et je connais ses intentions. Il y a tant d'écrits ou de films sur internet dans lesquels témoignent des illuminés qui prétendent connaître la maçonnerie ou avoir été francs-maçons ! De leurs histoires mythiques inconcevables procède une haine sans limite.

P13 à 15.

Comme nous l'avons vu en introduction, l'efficacité de l'enseignement maçonnique est qu'il n'est pas donné comme un professeur enseigne à un élève, mais qu'il est vécu individuellement dans une expérience symbolique sans explication dogmatique ni réponse prédéfinie. La porte sur la connaissance nouvelle est donc très largement ouverte. La maçonnerie semble ici très séduisante,mais pourtant... C'est bien là que le bât blesse. La connaissance de ces expériences rituelles n'amène que des questions ! Les réponses sont à chercher soi-même. Si vous entrez en maçonnerie pour connaître le sens de la vie, vous serez déçu. Un dieu générique n'a rien à révéler. La maçonnerie vous retournera vos questions. Certes sous une forme différente et inattendue, mais vous retournerez à votre case départ avec la même interrogation initiale.
La première conséquence de cette approche non dogmatique est que la maçonnerie n'apporte aucun cadre prédéfini et vous pousse ( au sens littéral ) dans un ensemble de cultures ésotériques extrêmement variées aux multiples interprétations. Le candidat va s'égarer dans des traditions multiples comme l'alchimie, les templiers, les mythes druidiques, grecques, égyptiens, etc. Certains frères dérivent parfois vers de folles assertions et contes mythiques délirants. Qu'est-ce qu'un chrétien peut trouver dans ces cultures païennes ?

P74-75.

Beaucoup de maçons ( comme je l'ai pensé aussi ) perçoivent la foi et le dogme comme une limite à la raison. La maçonnerie déiste s'inscrit initialement dans une approche semblable aux protestants, sans intermédiaire entre l'homme et Dieu. L'Eglise romaine, ni aucune autre n'ont de place dans cet édifice spirituel. Pour eux, le dogme édicté par l'Eglise devient un défi à l'intelligence humaine. L'exemple le plus caractéristique est, à mon avis, la béatitude " Heureux les simples d'esprit ". Il représente pour le maçon, une volonté de pouvoir de l'Eglise qui garde pour elle seule la connaissance du Christ. Le chrétien doit rester obéissant sous une autorité, représentante du divin sur terre. L'église est perçue comme responsable des périodes d'obscurantisme du Moyen-âge à nos jours. En réalité, avec les progrès de l'étude des textes anciens, les exégètes modernes ont revu la traduction du texte qui est : " Heureux les pauvres en Esprit ". Ce qui signifie, heureux les hommes qui sont en manque d'Esprit. Autrement dit, les hommes qui cherchent l'Esprit, les chercheurs d'Esprit. Cette béatitude n'est une invitation à l'ignorance, ni une dictature sur la pensée mais bien au contraire une invitation à la quête divine, à la recherche de Dieu : " Lui qui n'a pas d'endroit où reposer sa tête est le vrai pauvre1 ".

1. Benoît XVI, Jésus de Nazareth.

P109-110.

La quête intérieure du maçon est celle des hommes. Elle ravive les consciences dans notre monde de plus en plus matérialiste à la recherche de sensations. Sa force de conviction est si grande qu'elle amène un ballon d'oxygène qui réoriente la vision de la vie et le rapport aux autres. La découverte d'un monde nouveau, mythique et mystérieux, presque irréel, renverse l'ordre des choses ; une envie soudaine d'échanger les priorités de sa vie ( famille, travail... ) pour une vie virtuelle et spirituelle, un éloignement immédiat de soi-même à l'écart du monde et de ses turpitudes, un amour de soi en quête de vérité... Quelle séduction ! La maçonnerie m'a bouleversé. Mais qu'est-elle vraiment ? Peut-on vivre dans une chambre à oxygène ? Dans un milieu fermé, incompréhensible aux (autres) hommes ? Porté par l'orgueil de faire partie d'un groupe d'hommes élus, sur la route de se connaître soi-même. J'ai aimé la recherche maçonnique dans une passion exclusive, qui se nourrit de toutes les quêtes spirituelles humaines possibles, truffées de syncrétismes (copies de pratiques ou de croyances religieuses) et de traditions inégales.

P17-18.

La maçonnerie se définit elle-même comme « une école de morale, enseignée sous le voile de l'allégorie au moyen de symboles. » Autrement dit, elle utilise des symboles pour exprimer ses préceptes et ses enseignements. Il ne s'agit pas d'utiliser des symboles pour illustrer une idée ou un concept comme on en trouve dans les livres (par exemple comme le dessin d'une colombe avec un rameau d'olivier peut représenter la paix) mais bien d'avantage d'une méthode basée sur des expériences rituelles impliquant la personne tout entière, c'est-à-dire son corps, son cœur et sa pensée. Paroles et gestes composent l'épreuve initiatique dans une mise en scène remplie de symboles signifiants.

P19.