John n’ose même pas regarder dans les yeux ceux qu’il a précipités dans la précarité pour avoir cru au sourire flatteur d’un sale petit morpion.
L’air satisfait des avocats de la partie adverse le tue. Ces enfoirés rangent leurs dossiers en se tapant dans le dos. Pour eux, c’est tout bénef. La Bank leur accordera un bonus – une bonne pipe et une coupe de champagne au réveil !
Dans trente jours, c’est l’expulsion.
John ramasse ses affaires et quitte la salle du tribunal. Les gens qu’il croise s’écartent, John vocifère, la bave aux lèvres.
« La grande tricherie des Banks ? Te faire péter plus haut que ton cul et te laisser croire que l’addition, c’est pour eux. Mais non, elle est pour toi, mon connard ! Aujourd’hui, elle solde les comptes, t’expulse de ta maison. Ta grand-mère finira à l’Armée du Salut, et toi, en prison. Quelle naïveté d’imaginer foutre en échec JP Morgan, première Bank d’investissement au monde ! »
« Je t’apprends rien, Shane, les studios, ils ont peur des acteurs noirs et de ce qu’ils incarnent. Ils vont réaliser un film, dépenser l’équivalent du PIB d’un pays de l’Est et engager, pour interpréter Rodney King, un acteur blanc. Et comme ils se sentent merdeux, ils vont remonter l’arbre généalogique de l’acteur pour dénicher un ancêtre qui a croisé, au xviiie siècle, un Noir, sur une route de campagne. Gagné ! Le comédien blanc se révèle légitime à retranscrire notre expérience ! Leurs conneries nous obligent à nous radicaliser, à tel point que l’on devient fous et que l’on juge qu’une Noire n’est pas assez noire pour jouer le rôle d’une Noire ! Tout ça parce que les Blancs sont bourrés de préjugés. Ces enfoirés ont peur de mon monstrueux vagin, de mes tout aussi monstrueuses fesses de négresse et refusent de me laisser les offrir au public ! Dis-moi que tu as envie d’offrir tes fesses ! Dis oui, chérie ! »
Parce que les protagonistes des luttes d'aujourd'hui engagent ceux du futur. Le flambeau de la révolte passe par la mémoire des conflits antérieurs. Si personne n'archive, on oubliera les causes de nos révoltes. On oubliera même qu'il est possible d'espérer autre chose. (58)
« Je suis obligée de m’arrêter… » murmure Lisa.
Les rues sont bloquées, des barrières ont été dressées pour empêcher une voiture de foncer dans la foule. Shane découvre les pancartes, entend les cris de haine.
« Les enfoirés répondent présents, avec leurs slogans qui puent le nazi moisi…
– T’inquiète, on va faire bloc. On est venus en force… »
Shane ne dit rien, son téléphone sonne. Quand elle raccroche, son visage est tendu.
« J’y vais, mon avocat m’attend. On se voit au tribunal ?
– Tu peux compter sur moi ! »
Shane lui fait un clin d’œil avant de sortir de la bagnole. Elle joue la brave, mais elle se sait vide. Après une respiration, longue et puissante, une apnée complète, elle se dirige vers le tribunal.
John passe la porte du tribunal et découvre une meute de journalistes à l’affût.
Ébloui par le soleil, il se demande si les caméras sont pour lui et son procès perdu. Tout lui revient quand il lit sur une pancarte Justice For Walt.
Il reste un instant à contempler la jeunesse blanche tenue à bonne distance des partisans de Walter Wright par un cordon de flics surarmés. Des types en polo, en jean et casquette Dockers, des mecs atrocement ordinaires, à la gueule déformée par la haine, postillonnant des slogans racistes et vengeurs.
Si c’est ça la race blanche, je remercie Dieu d’être un nègre, pense John en s’éclipsant sur la pointe des pieds pour disparaître, loin.
L'Amérique est un tas de détritus. Trop d'injustices, de corruption. Le contrat social a été jeté dans la cuvette des chiottes y a longtemps. À se demander même s'il a existé. Juste des Blancs qui signent entre eux une convention pour exploiter la terre entière et qui jurent sur la Bible pour mettre Dieu dans leur poche.
Putains d'hypocrites. Et pourtant, j'suis blanc de chez blanc. (57)
Trump n'est qu'un clown dangereux et pathétique, la vraie menace se cache dans ce qu'il a libéré. Le déchaînement des passions négatives, celles qui sont enfouies dans la conscience morbide de notre pays et qui jaillissent à la moindre occasion. (11)
S'il devait le décrire à son épouse, il lui dirait, chérie, c'est comme un phare en plein visage. Impossible de le regarder en face. (456)
La radicalité c'est ni la violence ni la vengeance, c'est rester fidèle à ses principes, quel qu'en soit le prix. (402)
L'autorité, c'est comme mon ex, c'est juste un mauvais souvenir... (276)