Citations de Claire Chazal (53)
" Passons, passons, puisque tout passe.
Je me retournerai souvent ".
Guillaume Apollinaire.
Ma mère est morte. Mon père s'est éteint peu de temps avant elle.Et me voilà bancale, en quête d'un nouvel équilibre.
Gestes mécaniques, oublis, le coeur et les pensées s'affolent.
La sensation de ne plus aborder la vie calmement, mais d'accomplir les tâches quotidiennes de façon saccadée, désordonnée.
L'esprit au bord du gouffre.
Le silence rend fou.
La solitude.Parce qu'on a oublié le goût de l'amour.Parce qu'on a oublié que le coeur peut s'arrêter pour l'autre,que plus rien n'existe alors,qu'à la souffrance se mêle le désir,que malgré l'incompréhension et l'étrangeté ,l'intimité animale emporte tout.
La solitude.Quand plus personne ne vous espère, ni n'exprime l'envie absolue ,voire destructrice ,de vous retrouver et de vous étreindre. ( page12)
Je crois avoir été tôt consciente du prix de l'amitié. Donner pour recevoir, passer du temps avec l'autre pour pouvoir appeler au secours à tout moment, rechercher la loyauté pour se sentir confiant... c'est parfois un effort et toujours une récompense. Rarement une déception.
Pourquoi pense-t-on si mal la nuit ? Et particulièrement dans ces heures grises du petit matin ?
Comme si tout basculait. Quelques minutes parfois suffisent. Le jour pointe et les idées noires se bousculent, dans le désordre. C’est le creux, c’est l’enfer, comme le fond d’un trou d’air. Je ne vois plus rien alors. J’ai beau chercher, me raccrocher aux petits faits doux de la journée passée, ou de la matinée à venir, rien ne scintille, ni ne brille, tout s’éteint, je réfléchis de travers, je ne vois plus que le négatif de la photo…
Ma génération a traversé des orages et des crises mais ne s'est pas abîmée dans la mélancolie. Elle est allée de l'avant,elle s'est émancipée.
Voyage surprenant,douloureux quelquefois ,mais toujours fécond.
Un privilège ,sans doute.
Il faut le reconnaître, il faut même s'en réjouir.....
Puisque tout passe.(page 210)
Être seul, c’est être libre, je le sais d’expérience. Mais être libre, c’est aussi être seul – et ça aussi je le sais.
Le coronavirus nous oblige à ralentir, à nous concentrer, à relativiser et à envisager la complexité des êtres humains et des situations. Et les médias doivent entendre l’injonction. Une injonction d’intelligence. Le téléspectateur n’est pas moins concerné par tous ces bouleversements. Il peut exercer son sens critique, diversifier ses sources d’information et ne pas se laisser submerger par le flot catastrophiste comme il le fait parfois avec un certain plaisir masochiste. Il peut aussi se donner quelques
respirations, ne pas laisser la télévision en fond sonore et faire une consommation responsable et parcimonieuse des médias en choisissant ses programmes en replay, ses podcasts, autrement dit son temps personnel d’acquisition de savoir et de connaissance. C’est déjà une petite révolution.
Le silence rend fou.
Allumer la radio dès le réveil, la télévision le soir, pour que le monde reprenne une existence palpable, pour retrouver les repères les plus simples. Je n’avais pas ressenti cette peur de l’isolement depuis bien longtemps.
Jeanne a posé sa bicyclette dans la remise qui abrite depuis toujours le corbillard de la paroisse, une longue charrette à chevaux, sombre et fermée.
Le curé de Brousse lui a laissé le presbytère désaffecté depuis qu'elle est arrivée un jour d'octobre 1946, pour enseigner dans l'école du village.
Jeanne Villard est la nouvelle institutrice. Elle a à peine vingt ans. Elle ne connaît personne dans ce coin reculé d'Auvergne.
La maison est froide et chaque fois qu'elle rentre de Clermont-Ferrand, elle est saisie par l'humidité et l'odeur de naphtaline. Elle n'occupe que les pièces du rez-de-chaussée, mais ne parvient pas à réchauffer les murs suintants par endroit et le linoléum de la cuisine. C'est là qu'elle se tient. Un point d'eau où elle peut faire sa toilette, une table de salle à manger que sa mère a recouverte d'une toile cirée, et un vieux poêle à charbon qui tire mal.
Je ne suis pas sûre d’envier les autres, mais j’ai la triste impression de n’avoir pas appartenu à leur univers, de devoir apprendre à les regarder et donc de vivre aujourd’hui à côté de moi-même
Je voulais la passion. Fût-elle fugace, illusoire.
J'ai désormais le sentiment d'avoir trouvé mon chemin. Une sorte de vérité. Je ne cherche plus à composer avec personne, je n'ai plus besoin de dissimuler, de mentir, de faire semblant d'aimer. Les non-dits asphyxient. Ils tuent même, parfois.
Je me sens libre. Et sinon plus heureuse, plus légère. Situation pérenne ? Sursis ?
La violence, les tensions, les incompréhensions, les incessants malentendus... voilà ce qui l'emporte dans mes bouffées de souvenirs amoureux. C'est la peur de souffrir qui me détourne aujourd'hui de l'amour. Ma relation aux hommes ? Antagonique, inégale, embarrassée, inconfortable.
Il faut accompagner et porter une vieille femme qui ne ressemble plus à celle qu'elle a été : relâchement de l'esprit, dessèchement du corps, jambes et pieds tordus, mains osseuses crispées sur le drap, ou sur mon bras. J'essaie de caresser ses doigts mais ils ressemblent aux miens, et je prends mes propres mains en horreur. Je ne veux pas voir ces phalanges recroquevillées, très fines et belles autrefois, aujourd'hui signe ultime d'un être qui s'accroche désespérément au vivant.
Je viens la voir par devoir filial, évidemment. Et c'est, chaque fois, une épreuve.
Sympathique à lire quand on est de la même génération. Je la trouve un peu trop mélancolique sur sa vie au lieu de célébrer tous les bons moments car ils sont majoritaires tout de même ! Intéressant d'en apprendre sur l'envers du décor des journaux télévisés. Elle reste malgré tout assez discrète et pudique sur ses fréquentations, et respecte bien le droit à la vie privée de ses proches.
Il faudrait se souvenir des choses douces aussi, de la plage de Carmel, d'une traversée à l'aube vers la Sardaigne, d'un regard échangé qui s'éternise des années plus tard dans une chambre d'hôtel, du manque après un départ, des lettres envoyées d'Italie ou d'Afrique, que l'on ne cessait d'attendre et que l'on relisait sans fin, de conversations au bord du bassin, des volets qu'on ne ferme qu'au petit matin et dont le bruit suscitera le lendemain quelques sourires de mes amis. Il faudrait ne s'être jamais trompé.
(à propos de Nicolas Sarkozy)
il [l']aime bien, même s'il est un peu agacé par [ses] ambitions trop affichées
Plus on peut offrir à l’autre, plus il vous nourrit, c’est en prenant le risque de l’engagement que l’on se découvre soi-même, que l’on peut aller au bout de ce que l’on est capable de faire.
Voilà ce que nous avons su faire… par amour pour un être que nous avons choisi et auquel nos enfants ressemblent. Même si les chemins se sont écartés, si les couples se sont défaits, non sans souffrances, cette parenté partagée ne sera jamais remise en question. Et cela n’a pas de prix.
...ma mère m'était toujours apparue sérieuse, craintive, peu entreprenante et effrayée par toute sorte d'aventures. Je me trompais sans doute. Elle avait seulement enfoui ses rêves de jeunesse. Et tant de frustrations accumulées, tant de regrets, ont très certainement nourri les crises d'angoisse, contenues, puis explosives, dont elle été périodiquement victime.