Citations de Claude Depyl (13)
Il lui en voulait un peu d'être mort aussi bêtement. Il n'avait jamais pu faire les choses comme tout un chacun. Il n'avait jamais été dans le rang, toujours à dévier de l'orthodoxie et contre toute espèce de rite. Le résultat s'avérait décevant. Finir son existence dans un filet de pêche. La contre-performance d'un athée : sombrer dans les mailles du pêcheur d'hommes. Quelle symbolique !
La vie est si courte, avec un dénouement prévu. La mort comme récompense.
L'inexplicable est dur à expliquer.
La poésie, dis-tu, mais elle se niche partout. C'est l'antidote à tous les malheurs, c'est une disposition d'esprit et non la marque d'un milieu de lettrés. Alexandre le guerrier n'a-t-il pas inspiré l'alexandrin ?
" Qui a bien pu venir mourir sur nos plages ? Échouer ici en pleine saison. À part les dauphins ?
-L'âme humaine est insondable, Constantin. Dans le domaine des rivalités politiques, on ne peut jurer de rien. Surtout que parfois, la vocation d'un candidat prend sa source dans son animosité personnelle vis-à-vis d'un autre prétendant. Il vide ses querelles par les urnes.
C’est devenu une manie d’acheter avidement des ouvrages. Comme si cette compagnie livresque le rendait plus savant, plus puissant dans la société. Comme si l’on puisait de la force dans ces productions d’inconnus, comme si l’on en tirait un bénéfice intellectuel, comme si ces feuillets encollés étaient des sortes d’armes. Il reconnaît bien volontiers qu’il lui faudra à un moment ou à un autre couper court à cet engouement démesuré.
Ils croyaient aux vérités des Anciens, à leur art poétique. Ils étaient bien loin des 280 signes utilisés par les adeptes de Twitter. Grégorio est comme un invité au beau milieu d’une cohorte d’amis d’un certain âge. Car les noms des auteurs antiques résonnent comme ceux de centenaires : Hérodote, Ovide, Aristophane, Callimaque. Ça sent le moisi ! lui objectent des compagnons de travail. Un moisi toujours vert ! leur balance-t-il en retour.
Personne ne connaît mieux qu’elle les endroits secrets du pays où l’on peut s’adonner aux jeux érotiques. Une nouvelle carte du Tendre au milieu des garrigues et des fourrés. Une sacrée diablesse que notre responsable bureaucratique pense avoir apprivoisée.
Le crime gruissanais n’intéresse guère les géants télévisuels. L’espace d’un débat entre deux publicités pour des bagnoles électriques ou des protections contre les fuites urinaires. Les chaînes d’info en continu ne peuvent pas se permettre d’épiloguer sur la déplorable mort d’une anonyme innocente.
Les jeunots à la gâchette facile sont décomplexés. Ils vident un chargeur sur tout ce qui bouge. Ami ou ennemi. Fini le temps de la loi du Milieu. Il n’y a plus de milieu, il n’y a que des extrêmes nourris aux jeux vidéos.
Les délinquants demeurent actifs durant l’été. Ils auraient presque tendance à multiplier leurs exploits. Le laisser-aller, la consommation d’alcool, la malheureuse initiation à la fumette ou à la coke, les épisodes de canicule remplissent les commissariats de trublions chez qui on laisse décanter les matières toxiques et qu’on relâche dès que les vapeurs s’effacent, rétablissant un semblant de discernement.
Les parasols sont les bienvenus. On s’évente, on se désaltère, on expose sa peau de porcelaine aux rayons perçants du soleil. Au diable les contraintes de la Covid ! Les seuls masques autorisés sont ceux avec tuba. Les inconscients chassent les mois d’épidémie, de repli dans les logements, les jours de tristesse, de séparation des âmes, de farniente forcé. On veut s’époumoner, se dilater, retrouver ses dimensions humaines, communier avec les siens.