Pourtant, la pratique cinématographique n'a jamais eu pour Marguerite Duras l'importance de l'écriture littéraire : "Avant les livres, il n'y a rien. Mais avant les films, il y a les livres", déclare-t-elle.
Le scénario est un genre qui fut longtemps déprécié, son aspect technique étant jugé peu compatible avec la nature d'une œuvre d'art.
Ce qui, toutefois, porte atteinte de façon frontale et scandaleuse à la fluidité narrative, c'est l'absence de transition ménagée entre deux segments hétérogènes. Le récit dominant, qu'il soit littéraire ou filmique, prend soin de lier entre eux les différents moments de la narration afin de donner l'illusion d'une continuité sans faille.
Une des caractéristiques des Nouveaux Romanciers est d'avoir brouillé ou assoupli les frontières génériques, tant par une pratique d'écriture, que le concept de roman ne suffit pas toujours à cerner précisément, que par un intérêt souvent productif pour d'autres modes d'expression.
Si l'on s'en tient à la nature de chaque mode d'expression, il est clair que la vocation du roman l'entraîne vers la représentation du temps, alors que celle du cinéma favorise la représentation de l'espace.
La description n'est plus cette excroissance suspensive qui rompait la continuité de l'action dans le roman classique ; elle devient un lieu de développement et de relance de l'action - et d'avènement du sens -, assurant ainsi la production du récit et sa cohésion interne.
"Je n'aime pas les idées claires, je préfère me débrouiller dans la pénombre." Toute l'œuvre de Juan Benet repose sur le postulat de ' "inintelligibilité fondamentale" du monde. La pénombre, terme récurrent dans ses fictions et qui donne son titre au dernier roman du cycle régionais, résume à la fois une vision du monde fondée sur l'énigme et un principe d'écriture en adéquation avec l'épistémè qui la fonde. L'incertitude et le doute, attitude d'ordre philosophique et éthique procédant de l'appréhension imparfaite et nébuleuse d'un monde impossible à connaître et à comprendre, trouvent leur corollaire dans une poétique de l'ambiguïté et de l'incertain.
La Nouvelle Vague prétend ébranler le système de production dont le cinéma traditionnel, bastion de professionnels consacrés, dépend étroitement. Luttant contre la tyrannie des gros budgets, elle entend démontrer que le cinéma n'est pas affaire de moyens mais de créativité. Refusant la fascination de la technique, elle prône un cinéma à petits budgets dans lequel les idées, d'une part, la solidarité, de l'autre, se substituent à l'argent.
Absence de singularisation, fragmentation, contradiction des comportements, réversibilité des rôles, dissolution et abstraction sont autant de procédures qui, affectant le personnage dans son unité et sa cohérence sémantique, remettent en cause sa fonction représentative et soulignent sa dimension de construction imaginaire. Être de papier, ou de pellicule, faits de mots, ou de photogrammes, son existence ne dure que ce que dure le récit.
Révolution morale enfin, dans la mesure où les jeunes cinéastes s'insurgent contre ce qu'ils nomment la tradition du mépris, visant par là les films qui, concentrant sur un personnage toute la vilenie du monde, en font le bouc émissaire d'une société qui se donne ainsi bonne conscience. La Nouvelle Vague refuse la simplification, les thèses et les doctrines, leur préférant la restitution de l'ambiguïté du monde.