AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

4/5 (sur 14 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Agrégée de musicologie, musicienne, Claude Poulain de la Fontaine a travaillé l’art lyrique durant de nombreuses années, se produisant sur scène, notamment lors de récitals. Elle découvre le monde des cordes et de l’orchestre par le prisme de ses enfants et d’amis musiciens.
L’archet de Miloš est son premier roman.

Source : editions-du-jasmin.com
Ajouter des informations
Bibliographie de Claude Poulain de La Fontaine   (4)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Mon cher Anton,
Vous et moi savons que mon violon retournera à Crémone.
De mon violon et de ma vie, je n'ai jamais été que locataire.
De mon archet, vous êtes le dépositaire désormais et après vous, le commissaire Bechnerov. C'est un ami fidèle et un excellent policier : il a découvert que l'homme responsable de la mort de mon épouse et de ma fille n'était ni un chauffard, ni un pochard irresponsable, mais un tueur à gages.
Bechnerov n'a pas encore trouvé le commanditaire, mais il bouclera cette" affaire" par n'importe quel moyen, soyez-en sûr. Préservez mon archet.
Il n'a pas de prix. Un jour, vous saurez quoi en faire.
Acceptez tous mes regrets.
Milos Kubelikov

Commenter  J’apprécie          540
Intriguée, Angela Kamincek observait Antón Hopka comme une espèce animale non répertoriée : le critique musical.
—Jiří m’a prévenue de votre venue. J’ai préparé le patient pour votre visite.
Dévasté, Antón ne répondit rien. Pour lui, Angela Kamincek n’était qu’une blouse blanche, une fonctionnaire sans états d’âme qui vivait terrée dans cet endroit gris et chloré, où reposait ce qui avait été Miloš. Il se demanda néanmoins avec une certaine inquiétude à quels préparatifs elle faisait allusion. Ce qu’il avait vu d’elle deux jours plus tôt chez Miloš, sa façon de traiter les cadavres comme des pantins désarticulés, le faisait davantage penser à un menuisier qu’à un médecin.
La légiste le conduisit dans une petite salle contiguë, baignée d’une lumière crémeuse, contrastant avec le couloir. La dépouille de son ami était là, devant les persiennes, dessinant une ombre chinoise dans la clarté du contre-jour. Antón s’approcha avec appréhension. Les traits de Miloš se dessinèrent peu à peu, juvéniles, presque adolescents. Il se souvenait de l’époque où, journaliste débutant, il avait assisté aux premiers récitals du jeune prodige. Déjà, Miloš irradiait un talent à couper le souffle, avec ses boucles blondes raphaéliques et cette grâce inexplicable qui fait les grands artistes.
—Il est magnifique, n’est-ce pas ?
Antón sursauta. Son cœur était de plus en plus sujet à ces sautes de tempo.
Angela Kamincek lui prit la main et la posa sur les cheveux de Miloš, propres et coiffés.
—Vous pouvez le toucher, vous savez. Il est frais comme une matinée de printemps.
Antón réussit à articuler un vague coassement.
—Vous lui avez lavé les cheveux ?
—Jiří m’a avertie que vous étiez un esthète. Je voulais que votre ami soit parfait à votre arrivée.
Elle parlait avec gentillesse, avec tact, même, à sa façon.
—Je vais vous laisser maintenant. Vous trouverez les verres et la vodka dans le placard à pharmacie, juste à côté du bicarbonate. Je serai à côté : j’ai une autopsie qui m’attend.
Une vraie spécialiste du deuil…
La légiste verrouilla la porte du laboratoire au-dessus de laquelle un voyant rouge se mit à clignoter. Cette petite lumière tremblotante, cette odeur d’éther… Submergé de chagrin, il attrapa une de ces chaises au confort spartiate que l’on trouvait dans toutes les administrations tchèques. Décidément, rien ne lui serait épargné… Ne pouvait-on au moins souffrir confortablement ? S’abandonner à sa douleur sans risquer des escarres ? Il s’assit au chevet de son ami, comme pour lui faire la lecture. Un instant, il s’imagina lui dire :
—Comment vas-tu, aujourd’hui, Miloš ? Tu te remets bien ? Écoute, je me suis dit que tu aimerais le dernier roman de Kundera. Veux-tu que je te lise le premier chapitre ?
Mais voilà, un corps… C’était tout ce qui restait de ce qu’avait été Miloš. Une caisse de résonance vidée de son âme ; le travail bâclé d’un mauvais luthier. Il chercha une pensée qui aurait pu voyager par quelque mystérieuse télépathie jusqu’à l’esprit désincarné de son ami. Aucun mot ne lui vint, même en prière. Ces derniers jours, ses appels à l’Invisible demeuraient totalement creux. Était-il possible qu’il eût perdu la foi ? Que plus jamais l’Invisible ne se révélât à lui ?

Copyright Editions du Jasmin
Commenter  J’apprécie          120
« .....Antón Hopka suivi l’allée centrale jusqu’à l’arbre au crucifix. C’était une de ses curiosités connues des seuls Pragois, qui préservaient jalousement son anonymat des hordes de touristes. Le chêne bicentenaire abritait sous son feuillage maintes tombes anciennes, nichées contre sont larges tronc de patriarche. L’une d’entre elles était surmontée d’un grand Christ en croix qui penchait dangereusement, si bien que les plis de l’écorce avait peu à peu englouti ses bras, rajoutant à l’infortune du supplicié. Antón se signa respectueusement en passant devant.
Au travers du feuillage, le ciel blanc diffusait une chaleur moite, qui présageait encore un orage : il n’avait pas de temps à perdre. Il bifurqua vers le mur sud du cimetière. L’arbre veillait à cet endroit sur une abondante végétation de sous-bois, poussée là sans permission parmi les sépultures abandonnées . Au fil des années, la mousse s’était installée sur les pierres en tapis duveteux, tandis que d’anciennes bruyères, ressemées aux vents des années, avaient constitué, sous les frondaisons de l’ancêtre, une lande mélancolique et sauvage. Antón s’arrêta en bordure de l’ombre, devant une jolie tombe baroque encombrée de fleurs et peuplée de madones en plastique d’un goût douteux. Le lierre y foisonnait en lianes vigoureuses qu’il coupait de temps à autres avec parcimonie. La plupart du temps, il se contentait de coiffer les mèches un peu trop abondantes et de les rassembler pieusement sur les épaules de la pierre. Que la vie pût s’être installée dans un endroit si peu prometteur forçait son admiration. Oui, la vie avait de ces manières à vous faire douter du deuil..... »
Commenter  J’apprécie          110
Le solstice avait recouvert Prague de son linceul. Fonçant sur les grands boulevards, Dorota Dobjekà déplaçait des gerbes de neige sale sur son passage. Tels des papillons de nuit, des milliers de flocons volaient vers ses phares, s'écrasant en nuées sous le couperet de ses essuies-glaces. Sa sirène avait beau hurler, rien ne semblait pouvoir soulager l'intense fureur qui l'habitait.
Commenter  J’apprécie          100
« Les yeux perdus au dessus du volant, le commissaire semblait plongé dans des profondeurs inhabituelles de mélancolie. Curieux, comme son instrument lui allait bien…C’était une chose qui avait toujours étonné Anton : les mariages entre les musiciens et leurs instruments étaient rarement ratés.
-Où avez-vous laissé votre violoncelle ? demanda-t-il.
-Sous clef, dans la sacristie. Je passerai le récupérer dans la journée.
Bien sûr ! Quelle meilleure cachette, pour l’archet, que l’église où Milos et Paola s’étaient mariés ? Et puis quel joli pied de nez à ce cortège de pleureuses ! »
Commenter  J’apprécie          90
Sa sœur était tellement perfectionniste ! Hosannah, il n’était que second violon… Du reste, il avait toujours été second en tout ; jusqu’à sa naissance qui, malgré sa gémellité avec Judith, l’avait fait naître après elle. Contre toute attente, cela n’avait jamais entaché leur relation. Au contraire, la supériorité violonistique de sa sœur avait même fini par représenter un confort pour Jakub. Pourquoi pécher par orgueil et s’exposer aux critiques quand sa jumelle prenait si bien la lumière ? Car c’était une chose que l’on ne disait jamais aux solistes : celui qui prend la lumière prend les coups avec.
En réalité, ce qui différenciait les deux violons d’un quatuor ne résidait pas tant dans leur virtuosité que dans leur talent de chanteur. À ce jeu, aucun doute : Judith avait la plus belle voix. Bien sûr, il eut été injuste de mépriser les parties de second violon et celle, encore plus discrète, de l’alto ; aussi injuste que d’ignorer l’écrin sur lequel on posait un bijou. C’était le grand œuvre de Jakub et d’Aron que de tisser, autour du violon de Judith, la texture, la soie qui le feraient briller. Et puis, c’eût été oublier un peu vite qu’un quatuor avait quatre côtés. Pourtant, et quoique chacun d’eux eût sa place légitime dans leur carré magique, le brio restait à Judith. Elle était l’axe qui traversait leur géométrie, le fleuve qui irriguait leur jardin mystique et le fécondait.
Commenter  J’apprécie          80
Jouer en extérieur apportait toujours une grâce à la musique. Quelquefois, si l’on avait de la chance, quelque bête nocturne s’invitait au concert et mêlait son improvisation à celle des grands maîtres, prouvant s’il était besoin que la nature avait du génie. Et si le public ne goûtait pas toujours ce contrepoint hasardeux, Jakub, lui, en était fort friand. Il se souvenait toujours avec plaisir de ce récital au festival de Salzbourg. Ils y avaient donné la suite n° 3 de Bach. Deux hulottes particulièrement mélomanes avaient joint leur long répons aux interventions alternées du violon de Judith et du sien. Il arrivait malgré tout qu’on fût moins chanceux et que le vent vînt s’engouffrer dans les cordes, vous glaçant les doigts, jouant à votre place des harmoniques que le compositeur eût certainement réprouvées… mais pas ce soir ! Ce soir serait l’un de ces moments parfaits, idylliques même, qui justifierait à lui seul que Judith et lui fussent venus au monde. Car Judith arrivait !
Commenter  J’apprécie          81
— Je vous avoue que j’ai été très surprise d’apprendre qu’un défunt de confession juive pouvait trouver refuge dans votre église pour ses funérailles, dit-elle.
— Vous n’êtes pas la seule… Mon évêque n’est guère favorable à cette initiative.
Il prit une mine grave, soudain.
— D’un autre côté, il n’y a plus de synagogue à Karlovy Vary. L’on ne peut laisser un défunt sans une cérémonie digne de ce nom, n’est-ce pas ?
Commenter  J’apprécie          80

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Claude Poulain de La Fontaine (15)Voir plus

Quiz Voir plus

Karine Giebel ou Barbara Abel

Je sais pas ?

Karine Giebel
Barbara Abel

10 questions
47 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}