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3.7/5 (sur 28 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , 1920
Mort(e) : 1997
Biographie :

Clément Lépidis, de son vrai nom Kléanthis Tsélébidis (prononcer Tchélépidis), est un écrivain français né en 1920 à Paris, et mort en 1997.

Clément Lépidis est né d'une famille originaire d'Anatolie, qui avait du fuir les massacres de la population orthodoxe grecque lors du mouvement "Jeune Turc", puis la guerre gréco-turque. Il a vécu son enfance et son adolescence dans son cher Belleville où son père, comme de très nombreux réfugiés Grecs et Arméniens, travaillait dans la chaussure,, à quoi lui-même s'essaya un temps (Ma vie en chantier, L'Arménien, La main rouge).Après avoir exercé plusieurs métiers, expérience qui lui inspirera Les tribulations d'un commis Voyageur, il se consacre à la peinture et à la littérature.

Ami du photographe Robert Doisneau , de l'accordéoniste Jo Privat dont il écrivit la biographie, du lutteur et ouvrier tailleur Tasso Miadès (natif de Constantinople), il aimait le Paris populaire dont il a décrit l'aspect heureux et bon enfant, mais aussi le côté sombre pendant l'occupation allemande (rafle des Juifs, des Arméniens, les nombreux voisins et amis de son enfance à Belleville). Il montrera ces aspects entre autres dans le roman L'Arménien.

A sa mort , en 1997, il laisse une vingtaine de textes : poésies, nouvelles, romans, récits.
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Video et interviews (8) Voir plusAjouter une vidéo

Clement LEPIDIS évoque Belleville
Clément LEPIDIS se souvient du Belleville de sa jeunesse, un Belleville qui selon lui est mort.

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Aram décrivit à sa manière son expérience de la fureur et de la violence du genre humain. De ses ravages. A l'aide de mots hachés, déformés, souvent impropres mais toujours émouvants, il raconta sa jeunesse, le génocide de son peuple. Les quinze cent mille morts. Le sort des rescapés. Comme eux, il était venu de l'étranger pour mener en France une vie nouvelle, mais trop de gens, de Français notamment, ignoraient le drame du peuple arménien. Ourfa ! Diarkébir ! Trébizonde ! Rize ! Sansoun ! Tous les ports de la mer Noire, carrefours des caravanes se dirigeant à l'intérieur de la Turquie et de la Perse. Villes aux rues grouillantes d'une population cosmopolite arrivée des quatre coins de l'Orient, toutes transformées en rivières de sang. Des sonneries de clairon avaient donné le signal des massacres et les Muftis lancé l'appel du ministre. Talaat invitant la population à soutenir l'armée dans sa tâche d'extermination, sans égard pour les femmes, les enfants, les vieillards et les infirmes.Quelque tragiques que puissent être les moyens employés, il fallait mettre fin à l'existence du peuple arménien. Sur les rives de l'Euphrate et de l'Araxe, policiers, gendarmes et soldats poursuivaient les convois de déportés en haillons. Les coups de feu claquaient dans les rues et dans les couvents de Saint-Garabed, la nuit viola tout ce qu'elle rencontra. Sivas, son village, fut le théâtre de scènes épouvantables.........
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N''étant pas encore en possession de la carte de séjour qui l'eût autorisé à exercer ouvertement son métier, Aram connaissait par coeur le chemin de Belleville à la Préfecture de police. Toujours les mêmes scènes. Des matinées d'attente se prolongeant une partie de l'après-midi, des affronts subis, des interrogatoires menés sur un ton méprisant. Armé de patience, Aram ne laissait rien transparaître de son drame. Au contraire, comme beaucoup d'autres étrangers dans son cas, il forçait la politesse envers les fonctionnaires chargés de son dossier, répondant le plus respectueusement du monde aux questions qui lui étaient posées, surveillant et dosant le ton de sa voix pour n'être pas pris en faute. En faute de quoi ? Il n'aurait su le dire. Le jour où on lui réclama un acte de naissance, Aram ne put que hausser les épaules. Au village tout avait brûlé : les maisons, les champs, les églises. Les cavaliers de l'armée turque avaient tout saccagé sur leur passage. A qui et où, dans ces conditions, réclamer le papier en question ? Aram était né au bord d'un volcan, une lave de haine avait recouvert des régions paisibles où des familles cultivant le maïs et le tabac ne songeaient qu'à vivre en paix.
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Aram raconta la scène à Yetwart qui lui reprocha ses visites à Simon, bref de fréquenter trop assidûment les juifs. Aram n'admettait pas ce fossé entre les deux communautés dont les destinées lui semblaient identiques. La semaine dernière dans le métro, certainement parce qu'il n''était pas dans le dernier wagon réservé aux non-aryens, il avait surpris une réflexion à son encontre : "Encore un youpin qui ne porte pas l'étoile", avait dit une espèce d'abruti.
Après la crainte, la peur. Lui fallait-il se cacher à son tour ? Disparaître aux yeux de certains Français ? Pourquoi pas une étoile spécialement conçue et réservée à l'usage des Arméniens, portant cette inscription : "NON JUIF MALGRE LES APPARENCES." Lorsque la guerre prend une dimension sournoise, diabolique, classant les individus par la couleur de leur peau, l'épaisseur de leurs lèvres ou l'aspect de leurs cheveux, de quelle arme disposer pour se défendre si l'on est d'avance une victime ?
Aram n'osa plus s'aventurer dans Paris de peur d'être pris dans une rafle. Il s'accrochait à son quartier comme du lierre sur un mur et son attitude irritait Charlotte qui eût aimer aller de temps en temps à la campagne.
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"La vie est à nous" clamait sur les écrans le nouveau film de René Clair. Comme partout ailleurs, Belleville inaugura les congés payés. Le marchand de cycles de la rue des Pyrénées tripla son chiffre d'affaires en débitant vélos et tandems comme des petits pains. Les trains de Trouville, de Berck et du Crotoy se remplirent de vacanciers qui, pour la première fois, entendaient vrombir les moteurs des chalutiers s'en revenant de la pêche. Pour la première fois on mangeait du poisson à la sortie de l'eau. Pour la première fois on voyait filer les heures, allongé sur le sable. En position de millionnaire.
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En France, il était allé par trois fois au cimetière y conduire des compatriotes. Trois fois, à son tour, il s'était vu mort en terre étrangère et il en avait éprouvé une sorte de peur instinctive. Alors si mourir en terre étrangère, c'était mourir mal, au pays du gulchakar ce sera fondre lentement comme un morceau de sucre dans une tasse de thé.


Page 208 (gulchakar : confiture de roses)
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En ce temps là, chaque quartier de la capitale avait sa vocation : les girls à Montmartre, les peintres à Montparnasse, les diamantaires à Cadet et les morts au Père-Lachaise ; mais la chaussure, c'est à Belleville qu'on la trouvait.
………..
C'est dans ce Belleville de théâtre que l'arménien Aram Tokatlérian posa le pied pour la première fois. C'était un petit homme aux cheveux noirs, au teint sucre brûlé, au nez cassé à angle vif, l'œil percé d'un éclat de charbon ardent. Il portait une grosse valise entourée de courroies et un lourd paquet d'où dépassaient les franges d'un tapis.

Il arrivait d'Istanbul, la ville des six cents mosquées, des dix mille coupoles semblables à des assiettes creuses retournées. Quand le vent souffle, il imprime aux vagues du Bosphore un mouvement à la fois lent et brutal qui fait vaciller les barques de pêche en prolongeant son murmure jusqu'à la souche des colonnades du Palais Submergé de Yérabatan. Le monde avait fixé une pieuse auréole au-dessus de ce saint territoire, sans croire, pour autant, à l'impossible cohabitation de dieux multiples, en un lieu où les massacres avaient laissé des empreintes bien visibles. Chaque semaine des hommes contraints d'émigrer quittaient le pays.

Pages 12/13
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Eugène page 75

Hier encore, des militants d'Action Française avaient rossé des métèques à Montmartre.

Métèque! Aram crut ressentir le frottement d'un vêtement contre le sien, voir un homme coiffé d'un béret, un insigne à la boutonnière surgir brusquement dans la taverne. Il allait enfin savoir, grâce à Eugène, la signification de ce mot entendu pour la première fois le soir de la braderie. Devant trois paires d'yeux braqués sur lui, le plombier-zingueur parut sincèrement gêné. Métèque ? L'expression lui avait échappé. En vérité, ce n'est pas ce qu'il avait voulu dire. Après une gorgée de blanc sec afin de trouver l'inspiration, il força la lippe sur son mégot éteint.
- Métèque ? Quoi, c'est un mot pour désigner un crouilla, un rital, un espingouin, un mec qu'à les cheveux crépus et le teint basané.
- Mais alors, un arménien aussi?

Un vrai guêpier cette question. Et Eugène, croyant triompher à son tour, interrogea l'ami Aram, droit dans les yeux.
- Là bas, en Turquie, comment appelais-tu les turcs qui massacrèrent ta famille?

- Des turcs répondirent les trois hommes à l'unisson.
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Repoussé de toutes parts, l'Arménien se crut persécuté, comme l'homme abandonné que l'on frappe de pierres, comme le condamné qui n'a commis aucun délit. Il n'était jusqu'au cuir qui lui résistât comme un métal ; sensation sournoise et inexplicable. Quand il évaluait du doigt la qualité d'une peausserie, ses reflets argentés ou la chaleur de son velours ne lui "parlaient" pas comme au pays. Malgré sa volonté d'oublier ce que furent les années d'autrefois, les souvenirs imprimés dans sa chair d'Arménien réduisaient la distance entre Paris et Istanbul. L'air se parfumait différemment, la senteur d'une fleur ou d'un site oublié lui revenaient soudainement et il se retrouvait ailleurs que dans les rues de Belleville. Surgissait, foudroyant et insupportable rappel de Yédik Pacha, le visage d'un ami jamais oublié : Milonas et ses cartes postales. L'instant d'un éclair, en exil, les souvenirs apparaissent et disparaissent comme des météores.
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Comment Aram aurait-il pu être dépaysé dans un tel cadre et dans une telle ambiance ? Yetwart lui avait retenu à l'hôtel Constant une chambre située au sixième étage. De son lit il apercevait tout Paris et il lui semblait n'avoir qu'à tendre le bras pour prendre dans la main Notre-Dame, les Invalides et bien entendu la tour Eiffel. Sur une colline, à l'est de la capitale, se dressait un monument étrange qu'il découvrit pour la première fois. Intrigué de ne l'avoir jamais vu sur aucune carte postale, il se renseigna auprès d'Eugène , le frère de Charlotte. Mais à la question pour le moins saugrenue de l'Arménien, le plombier-zingueur se contenta de hausser les épaules d'un air blasé.
"Ca c'est le Sacré-Coeur, la mosquée des Parisiens..."
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On se consola de l'impossible tournée des grands-ducs par une promenade en barque sur le lac Daumesnil. Eugène quitta le veston dénoua la cravate, remonta les manches de chemise et s'affala au fond du bateau pour un brin de sieste. En prenant les avirons, Aram sentit le contact de la peau de Charlotte sur la sienne. Les fleurs de son corsage imprimé, de grandes marguerites aux pétales dressés, semblaient s'ouvrir à la lumière, offrant au fond du calice le coeur jaune et or d'un soleil durable. D'un mouvement gracieux du bras, Charlotte suivit le déplacement des rames. L'eau s'échappait de ses doigts comme du cristal et son visage, captant un chatoiement à la commissure des lèvres, devint plus sensuel, plus émouvant.
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