Fin des années 70, un grec vivant à Paris souhaite revoir le village de son père, grec anatolien...L'occasion de retrouver le reste de sa famille pour la plupart établie à Thessalonique après le fuite de Turquie, famille qui tentera de le dissuader.
Une quête ? Retrouver la mère patrie ... mais est-ce la Grèce ou la Turquie ? Se sentira-t-il plus proche de la terre de Salonique, Mytilène ou de Smyrne?
Un très beau récit émaillé de portraits de grecs et turcs attachants. Tous de sacrés personnages.
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C'est vrai que l'homme est produit de la terre comme la vigne. Mais quand l'exil s'impose, commence une long et difficile adaptation qui ne réussit pas toujours. Et si l'étranger s'assimile par force à la terre étrangère, qu'il fonde une famille comme ce fut le cas de mon père, il est rare qu'il survive normalement sans la nostalgie car si l'histoire est une grande dame dont on ne peut effacer l'empreinte, la nostalgie est une maladie don on ne guérit pas.
Jamais Salonique ne me souffla au visage la brise d'une mer rafraîchissante, mais l'haleine d'anciens massacres et d'incendies sublimes. Et lentement j'apprenais à vois, à entendre, à aimer. A séparer, des bruits de la ville, une musique. De la lumière, les couleurs. A détacher de l'ensemble la forme et le ciselure. Découvrir le forgeron et le médailleur dans les vieux quartiers d'Aghiospavlos au milieu des figuiers et des lauriers-roses, les tavernes enfouies sous les chênes, les platanes centenaires, les épiceries à trois siècles d'âge qui dormaient dans la cannelle et le girofle.
J'aimais me promener dans le dédale de l'archaïque marché où les étalages débordent d'olives sous la lumière acide des lampes parmi les colporteurs, les marchands de langues de mouton, les buveurs de café, les villageois venus vendre quelques grammes d'or aux usuriers d'Egnatias et de Monastiriou, les cireurs et leur fourniment de cuivre, les mendiants qui font mal à voir. Je m'imbriquais à cette famille anonyme qui devenait la mienne.
A l'étranger, dit-il, les Grecs fabriquent ldes machines qui ne leur serviront jamais. Ils cultivent une terre qui n'est pas la leur, bâtissent des écoles où leurs gosses n'iront jamais, asphaltent des routes alors que les nôtres sont déplorables. Quand je nage dans la mer, je me fais l'impression de disposer de la Grèce pour moi seul. Ce n'est pas juste. Si j'avais un gosse et que je le prive de nourriture on dirait de moi que je suis un père indigne et on me traînerait devant les tribunaux. Nos dirigeants sont incapables d'assurer au peuple le pain dont il a besoin. Pourtant, nous possédons tout ce qu'il faut pour être heureux : un climat, de l'espace, un optimisme inébranlable.
Et moi, crois-tu que je resterai toute ma vie à Salonique pour m'emmerder abec une vie compliquée, un bureau, des clients, des impôts ? Non ! Non !
Mais vivre ici, manger du pain de villageois, mordre dans des melons aussi gros que les roues de mon auto, sentir la résine et le sel, disposer de la montagne pour y chier à l'aise. Tiens ! même avec une tomate et un oignon, Maltépé a de quoi rendre l'homme le plus heureux de la terre.
Clement LEPIDIS évoque Belleville
Clément LEPIDIS se souvient du Belleville de sa
jeunesse, un Belleville qui selon lui est mort.