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Citations de Coline Pierré (189)


t'écouter
c'est suivre les mouvements que tu traces
sur la peau du monde
comme une fenêtre couverte de buée
c'est regarder un dessin jusqu'à ce qu'apparaisse
dans l'entremêlement de tes traits
la silhouette que tu voudrais me faire rencontrer
t'écouter c'est croire autant à tes trajectoires
qu'à tes hésitations
autant à tes chutes qu'à tes courants d'air
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Il y a quelque chose dans l'air du temps, un mouvement, qu'elle a du mal à suivre. Elle n'est plus cette fille en avance sur son époque par son ambition, sa sexualité, sa liberté, sa vision de l'amour. Si elle ne fait rien, elle va rester coincée ici, à la lisière de ce vieux monde engoncé dans sa bienséance. Et elle ne parviendra jamais à entrer dans le nouveau, qui
est en train de bouleverser les corps, les esprits et les modes de vie, en admettant enfin l'importance de la complexité de l'individu.
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A ses yeux, la littérature est comme la table d’un buffet, il y a des mets raffinés, des plats régressifs, des saveurs exotiques, de la pâtisserie délicate, et des préparations, et de préparations modestes mais délicieuses, et Sylvia veut goûter à tout. Non, dévorer tout.
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En dansant, elle sent son buste onduler, ses longues jambes se tordre, ses bras maladroits, et elle pense que son corps est devenu inutile. Il ne nourrit plus d'enfant, il ne désire plus personne, il ne crée plus rien de nouveau, il ne jouit presque jamais. Il est devenu fonctionnel. Il la maintient en vie, mais c'est un matériau isolant. Il ne conduit plus le plaisir, l'excitation, la volupté, l'exaltation. Alors ce soir elle danse encore plus fort, encore plus longtemps, s'abandonne à la musique jusqu'à la transe, jusqu'à sentir ses muscles douloureux, jusqu'à faire monter en elle, dans ses reins et au creux de son ventre, une chaleur brûlante, quelque chose de cet éclat de vie et de désir qu'elle veut tant retrouver. Elle voudrait passer ses journées à danser jusqu'à l'épuisement, nager jusqu'à perdre son souffle, manger jusqu'à faire écla ter son estomac, embrasser et faire l'amour jusqu'à gorger son corps et son sexe de plaisir. Il n'y a peut- être que comme ça, par l'excès, qu'elle parviendra de nouveau à toucher du doigt ce que ça fait de vivre.
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Moi je pense qu'il n'y a jamais assez de jours pour penser à vous, alors je veux fêter tous les anniversaires possibles, les joyeux comme les tristes. De toutes façon, même la joie a un goût de tristesse depuis que vous avez disparu.
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Au petit matin du 11 février 1963, dans le quartier résidentiel de Primrose Hill, Londres, entre les murs d'un appartement situé au premier étage d'une maison, une jeune femme de trente ans, fraîchement séparée de son mari, le poète Ted Hughes, rongée par la solitude, la maladie et le désespoir, se suicide, intoxiquée au gaz, en mettant sa tête dans le four. À l'étage, ses deux jeunes enfants, âgés de un et trois ans, dorment. Ils seront sauvés quelques heures plus tard par une infirmière, dont le passage avait été planifié.
C'est ainsi qu'a eu lieu la fin tragique et prématurée d'une poétesse vibrante de sensibilité, d'humour, d'intelligence et de rage: Sylvia Plath.

Ça, c'est la réalité.

Sylvia Plath est une héroïne romantique. Depuis près de soixante ans, on façonne avec son drame des représentations iconiques et poétiques qui flirtent avec la complaisance morbide, Mais ce n'est pas sa mort qui est romantique. C'est sa force de vie. Sa mort, au contraire, est trivialement réelle. Elle rend une sentence implacable et enferme éternellement la poétesse dans cette ultime image de renoncement. Elle est de cette teinte suffocante que prend l'existence lorsqu'elle succombe absolument à l'injustice. Aucune personne de trente ans ne devrait crever la tête dans le four.

Ce n'est pas un monde acceptable.

Cinq ans plus tôt, en décembre 1958, cette même Sylvia Plath comparait dans son journal l'écriture à un geste religieux : une façon de rejouer le réel et d'amender la relation qu'on entretient avec lui.

Alors j'ai décidé de la prendre au mot. Après tout, à quoi sert la littérature si ce n'est pas à commettre cet acte irrationnel: inventer des réalités alternatives à partir de la matière du monde, donner une voix à celles et ceux qui n'en ont pas, déposer des pansements de mots sur les injustices, habiller d'un corps les fantômes, projeter les souvenirs en Technicolor, déclamer notre amour à celles et ceux qui ne peuvent plus nous entendre.

(Incipit)
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Yazel prend le chemisier beige et la jupe bleu marine sur la pile de vêtements parfaitement repassés qu’Anita, la femme de ménage a déposés sur son lit. Elle les humidifie, les roule en boule, et pose un gros dictionnaire dessus pour s’assurer qu’ils seront méticuleusement chiffonnés d’ici le lendemain.
Sa tante entre dans sa chambre. Petite et fluette, élégamment habillée d’un tailleur de couturier, elle est belle. Ou disons : esthétique. D’une beauté glaciale et factice qui ne laisse pas de prise au hasard. Ses traits sont réguliers, sa bouche est parfaitement dessinée, discrètement soulignée d’un trait de crayon. Un carré long parfaitement lissé, parfaitement et chimiquement bruni, encadre son visage hâlé, dont la peau bénéficie des traitements anti-âge les plus onéreux. Tout est choisi avec goût, précision, et un bon paquet d’argent.
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Voilà à quoi servent les fugues : à ce que personne ne puisse nous dire qu'on se trompe. Et même ça, je l'ai raté.
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Après tout à quoi sert la littérature si ce n'est pas à commettre cet acte irrationnel : inventer des réalités alternatives à partir de la matière du monde, donner une voix à celles et ceux qui n'en ont pas, déposer des pansements de mots sur les injustices, habiller d'un corps les fantômes, projeter les souvenirs en technicolor, déclamer notre amour à celles et ceux qui ne peuvent plus nous entendre.
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J'ai compris quelque chose sur notre famille : d'une manière ou d'une autre, nous sommes tous des fugueurs.
Ma mère s'est enfuie en Norvège, mon père s'échappe dans son travail et ses boîtes, et ma sœur fuit dans ses cours de danse. L'humanité tout entière passe son temps à s'enfuir. Je crois que c'est le cours normal des choses.
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- Moi, je n’ai pas d’argent, mais mon oncle et ma tante en ont plein. Je peux vous dire où il est.
- Je sais qu’ils en ont, répond Victor. Mais je ne veux pas savoir où il se trouve. Ne me dis rien.
- Pourquoi ?
- Si je leur prends, c’est du vol. C’est moralement honteux, légalement répréhensible, et c’est un moyen odieux de gagner sa vie.
- Oh, vous savez, ils en ont tellement, de l’argent, que je ne sais même pas s’ils s’en rendraient compte, dit Yazel.
- Peut-être, mais ils l’ont durement gagné.
Yazel éclate de rire.
- Tu rigoles ! Leur argent n’est pas durement gagné, il est gagné en profitant de la vulnérabilité de gens malades pour leur vendre des médicaments très chers et inefficaces aux effets secondaires scandaleux.
- Ton oncle et ta tante travaillent pour un laboratoire pharmaceutique ?
- Mon oncle est propriétaire d’un laboratoire pharmaceutique, précise Yazel. Ma tante, elle, elle dépense l’argent gagné par mon oncle. Elle mange du caviar et boit des cocktails avec ses copines en se moquant de ses autres copines.
- Il y a une citation géniale d’un auteur de théâtre sur ce sujet. Brecht, je crois. Il disait quelque chose comme : il y a pire que de braquer une banque, c’est d’en fonder une.
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Mais pourquoi aime-t-on tant
aimer
alors que c'est si fucking compliqué
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Les gens malheureux devraient s'autoriser à fuguer de leur vie. les médecins, les psychologues, les conseillers d'orientation devraient prescrire des fugues. (p.71)
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Pourquoi les décisions qui nous font du bien rendent-elles les autres tristes ?
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À en juger par les livres que je lis et les films que je vois, je suis dans la moyenne du mal-être d'une adolescente. Je ne suis pas battue, pas pauvre, pas en échec scolaire, pas gravement malade, pas contrainte par mes parents à quoique ce soit. Alors pourquoi moi ? Pourquoi j'ai fugué et pas les autres ? J'ai parfois le sentiment d'être un imposteur. Je ne suis pas capable d'affronter mes petits drames alors que d'autres, qui vivent des situations bien plus terribles, s'accrochent malgré tout.
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« Est-ce que grandir c’est cesser de vouloir donner à ses phrases
L’éclat aigu d’une lame
Accepter qu’elles soient élimées
Et empiler des mots qui tâtonnent
Pour former un oreiller »
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Non seulement ce fragment de son histoire se trouve désormais en dehors d'elle, mais il devient une matière. Ce n'est plus qu'une histoire.
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Chaque fois que j’achève l’écriture d’un roman, je suis une personne différente, car j’écris mes livres pour me déplacer, pour me changer. Je ne crois pas que les adultes soient figés ou devraient l’être, je ne crois pas qu’ils soient davantage imperméables aux histoires que racontent les livres. La responsabilité des écrivain·e·s est la même, quels que soient ceux à qui ils s’adressent, et personnellement, je me refuse à risquer de participer à renforcer notre accablement, notre immobilisme ou notre fatalisme. Alors j’écris mes livres en conséquence et j’essaie de suivre la route d’Emily Dickinson qui disait : « J’habite la demeure du possible ; elle a plus de portes et de fenêtres que la demeure de la raison. »
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Victor n'ose pas non plus allumer la radio ou mettre de la musique, de peur de gêner Yazel. L'inconnue que représente sa surdité fait naître des craintes nouvelles et des sentiments contradictoires chez lui. Il voudrait la considérer sans égards particuliers, mais en même temps sans qu'elle se sente négligée parce qu'il n'aurait pas pris en compte ses difficultés. Et puis il ne peut pas non plus se défaire de cette envie de la protéger, comme si c'était une petite chose de cristal. C'est idiot.
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- Alors tu es quoi, déficiente auditive ? Malentendante ?
- Non, je suis sourde.
- Ah. Mais ce n'est pas un terme très sympa, si ?
- Pourquoi ça ne serait pas sympa ? C'est comme si tu me disais que c'est blessant de dire que tu es un garçon.
- Honnêtement, quand je vois le comportement de certains garçons, ça l'est parfois.
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