Une longue écharpe mauve et blanc, plutôt moche, avec écrit dessus "RSC Anderlecht". Ça veut dire "Royal Sporting Club Anderlecht". Oui, pour du vrai : "Royal". Il va assister à un match de foot où le roi joue ! Éric croyait que le roi travaillait tout le temps avec des militaires et des ministres toujours très sérieux et que, le soir, il emmenait la reine à des bals. Apparemment, il s'est trompé. Ou alors, le roi Baudouin sera l'arbitre ?
Un refuge pour femmes battues ! Comme si lui, il n'en avait pas besoin d'un refuge. Son appartement, c'est sa carapace, sa peau protectrice. Il se sent écorché vif comme un lièvre destiné à la casserole, vulnérable comme un escargot sans sa coquille.
C'est Éric qui a disposé ce matin sur la table les verres fins et allongés, en quinconce, comme Josée le lui a montré. Elle les appelle des flûtes, sans rire. Ça tombe bien, un nom pareil. 'Flûte', Irène se marie avec papa. 'Flûte', elle l'embrasse sur la bouche. 'Flûte', elle va dormir avec lui à la place de sa maman. 'Flûte', elle veut qu'il l'appelle 'maman'. 'Flûte', il a dû mettre un nœud papillon écossais dont l'élastique lui serre le cou. Zut, flûte et reflûte.
Il ne veut pas vivre ailleurs, ne peut pas vivre ailleurs. Il va dépérir. Il a besoin de sentir autour de lui la gangue de ses habitudes pour être à l'abri, de serrer ce corset protecteur pour maintenir droite la colonne vertébrale de sa vie.
Eric a commencé sa vie à la mort de la belle-doche. Avant, il n'existait pas. Trois femmes, trois lâcheuses : sa mère , la belle-doche, tante Catherine. A huuit ans, il n'attendait plus rien ni personne.
Son coeur est sec comme celui d'un trader jouant sur le cours du blé sans se soucier des populations affamées.
Il échappe à cette vie creuse sans amour et sans but.