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Critiques de Danielle Auby (6)
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Brumes sur le détroit

Comme un cheval apeuré qui "refuse l'obstacle", je ne vais pas m'essayer à une chronique classique de cet ouvrage qui ne se réfère à aucun genre...



J'y ai d'abord appris une chose : "détroit" et "détresse" ont la même origine latine districtus (lui-même issu du verbe distringere, qui signifie étendre). Et le détroit de Gibraltar, dont il est question ici, est bien un lieu de grande détresse pour les migrants... Remarquons que le détroit de Calais, plus au nord, le devient également....



Ensuite, le texte de Danielle Auby m'a remis en mémoire un poème que j'avais rédigé pour un ami sénégalais à l'automne 2018.



*****

Enfants d’Afrique



Les grands-pères de vos grands-pères sont morts pour nous,

Dans les tranchées de cette infame boucherie qu’on nomma guerre.

Les pères de vos grands-pères sont morts pour nous,

Dans les geôles aryennes ou les marches guerrières.



Vos grands-pères sont morts par nous :

Guerres d’indépendance ; quête d’autonomie, d’identité.

Vos pères meurent par nous,

Usés dans nos usines, avant d’être jetés.



Enfants d’Afrique, enfants de famines et de guerres ;

Enfants d’Afrique, enfants de sècheresse et misère ;

Enfants d’Afrique, enfants des routes de l’exil ;

Enfants d’Afrique, enfants en demande d’asile ;



Enfants d’Afrique, je vous aime !



*****

Il y a peu d'écart entre ce que Danielle Auby et moi avons écrit sur les motivations des migrants...

- L'auteure de "Brumes sur le détroit" y ajoute une dimension tragique : peu nombreux sont ces "enfants d'Afrique" à aller au bout "des routes de l'exil" pour atteindre la "demande d'asile" ; plus nombreux sont ceux qui meurent en route, en détresse dans le détroit de Gibraltar, par exemple...

- Elle complète également en montrant le désarroi de ceux qui restent au pays, qui attendent des nouvelles qui ne viendront peut-être jamais, échouées qu'elle sont sur une plage ou un récif...



Le texte de Danièle Auby est un ouvrage singulier, ni un roman, ni un essai, "plutôt une prière profane, un hommage rendu aux morts, une forme d'espoir..." dit la quatrième de couverture. Un texte qui ne se laisse pas apprivoiser facilement, qui demande du calme et de la concentration. Je l'ai lu comme un long poème de témoignage engagé !
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Les chemins imparfaits

❤️



« 𝘑'𝘢𝘪 𝘥𝘦𝘴 𝘳𝘰𝘶𝘵𝘦𝘴 𝘪𝘯𝘤𝘦𝘳𝘵𝘢𝘪𝘯𝘦𝘴

𝘢𝘶𝘹 𝘢𝘭é𝘢𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦𝘴 𝘥é𝘵𝘰𝘶𝘳𝘴.

𝘗𝘦𝘶 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘳𝘵𝘦,

𝘌𝘭𝘭𝘦𝘴 𝘮𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘥𝘶𝘪𝘴𝘦𝘯𝘵 𝘪𝘮𝘮𝘢𝘯𝘲𝘶𝘢𝘣𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵

𝘈 𝘮𝘦𝘴 é𝘮𝘦𝘳𝘷𝘦𝘪𝘭𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵𝘴.

𝘓𝘦 𝘤𝘩𝘦𝘮𝘪𝘯 𝘦𝘴𝘵 𝘭'𝘰𝘧𝘧𝘳𝘢𝘯𝘥𝘦 𝘥𝘶 𝘱𝘭𝘢𝘪𝘴𝘪𝘳. »

- 𝗙𝗿𝗮𝗻𝗰𝗼𝗶𝘀 𝗠𝗼𝘂𝗿𝗲𝗻 𝗣𝗿𝗼𝘃𝗲𝗻𝘀𝗮𝗹





C'est au détour d'un sentier, là où le calcaire devient silice, où la luzerne et l'orchidée s'effacent sous la ciste et la bruyère et où la garrigue prend le maquis, que vous l'apercevrez lorsque vous quitterez les brumes des villes… Elle gît là, repentie, sereine, millénaire, la belle endormie au bois, gardienne de l'Hérault, fille des Titans, devenue reine du Caroux, fruit des légendes et des larmes des dieux.



Elle, c'est Cébenna… La dernière des Géants, la femme couchée, pétrifiée du chagrin d'un espoir perdu d'avoir trop attendu l'amour, tel un gisant de pierre à l'aune des hommes. Si vous tendez l'oreille le soir, au moment précis où le soleil et la lune se marient en silence, vous pourrez ouïr sa vibrante complainte émaner de la roche encore toute brûlante du jour.



Siècle après siècle, ses larmes ont façonné le gneiss noir de son corps allongé et meurtri. Dominant la vallée de l'Orb, elles se sont alors perdues dans les entrailles de la montagne jusqu'aux plaines d'Occitanie d'où elles sourdent pour donner la vie.



Nul ne connaît vraiment leur parcours souterrain comme nul ne connaît vraiment l'histoire de Cébenna.



Ses légendes sont multiples et imparfaites, comme sont multiples et imparfaits ces chemins qui mènent jusqu'à elle. Ils sont l'invitation au voyage, au recueillement et à la mémoire des initiés. Il faut en arpenter à pas lent la roche dure et sèche qui les recouvre, battre le vent sur ses terres et se faire humble amant pour tenter d'apprivoiser Cébenna, la femme blessée, offerte au regard du pèlerin et du vagabond mais qui pourtant jamais ne se donne.



La montagne allongée se parle, se chante, se dessine sous les traits d'un dos ou d'une jambe paraissant caresser l'horizon. Elle se lit. Elle se vit en silence.



Les chemins qui mènent à elle sont ses prétendants imparfaits, lui portant chacun leur nom, leur histoire et leurs secrets en offrande.



Chemins de lignes et chemins de crêtes,

Chemins du souffle et de paroles,

Chemins de croix et d'espérance,

de douleur et de souffrances,

Chemins des promesses et des secrets,

des histoires enfouies, des mythes et légendes,

Chemins des dieux anciens,

Chemins des romans-fleuve

et des rêves suspendus,

Chemins d'enfance,

Chemins des eaux vives,

des eaux perdues ou purificatrices,

Chemins de vies et d'oublis,

Chemins des temps abandonnés,

Chemins du Monde,

de solitude ou de compagnonnage,

Chemins des éveillés éclairés de lumière,

Chemins des pénitents ou des maquisards

Mais toujours

Chemins en cadeau,

Forgés au sang et à la mémoire des hommes.



C'est leur histoire et celle des derniers hommes qui les auront foulés que Cébenna, gardienne des langues et des amours perdues, montagne aux mille voix/voies, vous contera.



🗻🗻🗻



Toute légende, toute histoire, toute vie est imparfaite… Et si le but à atteindre demeure le même, il n'en demeure pas moins que les versants qui y mènent ne sont pas tous de tout repos.



Quel plaisir de parcourir ces sentiers de vie et d'histoire du massif du Caroux en compagnie de Danielle Auby. Sa langue est belle, ses paysages languedociens sont contemplation et les voies qu'elle trace sont inspiration et poésie. Une plume qui invite les vagabonds de passage à l'introspection, au silence, à l'écoute de la nature et des hommes qui ont vécu cette montagne, à la porte des anciens dieux.



Et le soir venu, redescendu de ces chemins imparfaits qui mènent aux tréfonds de la mémoire, on cherche le refuge de l'âme au détour d'un chêne vert, d'un nid d'alouette ou d'un petit pont de pierre avec l'envie certaine de rêver à les parcourir à nouveau un jour… en vrai.



Un livre qui m'aura fait penser, par petites touches, aux merveilleux Mayacumbra (Alain Cadéo), Au coeur du Monde (F. Mouren Provençal) et le Rivage des Syrtes (Julien Gracq), que je ne peux que vous conseiller également de lire en ces temps imparfaits…



(Jury des lecteurs Librinova 2022 – Lecture n°03)
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Brumes sur le détroit

Challenge plumes féminines 2021 – n°25



Livre lu dans le cadre de la Masse critique de Janvier. Je remercie Babelio et les éditions La Chambre d’échos pour l’envoi et le mot l’accompagnant. J’avais sélectionné ce titre à cause de la couverture sans illustration mais également par son résumé qui m’a fortement intrigué par son thème. Je ne connais pas du tout l’auteure ni la maison d’éditions.



L’écriture de cette auteure est très spéciale, elle alterne phrases longues entrecoupées de virgules avec de simples mots ou verbes. Cela donne un rythme particulier à l’histoire qui n’en est pas une. Et pourtant si difficile à lâcher tant je voulais connaître la suite de sa logique sur ce sujet épineux. La mort violente des clandestins quand ils essayent de passer le détroit de Gibraltar pour trouver une vie meilleure eu Europe. Les chapitres sont courts de une à huit pages pour le plus long. Curieuse lecture que celle-ci où on découvre des personnages sans réels noms dont on voit le passé et le futur défilés au gré des départs et retours de certains. Il y est question de morts et d’émigrations vers l’UE mais aussi de mémoires et de politique actuelle concernant les migrants. Nous ne pouvons pas tous les accueillir, c’est un fait mais ne doit-on pas empêcher le commerce des passeurs ? Il peut arriver de perdre le fil de l’histoire car malgré des chapitres courts, l’histoire est compacte, il n’y a pas de dialogues identifiés mais il y en a dans le corps du texte. Avec le synopsis de l’éditeur, je m’attendais à tout autre chose comme lecture. Certes, ce récit n’est pas commun surtout avec ce type de résumé mais peut-être que j’en attendais plus. Le livre est court (122p) mais il faut tout son attention pour le lire sans en perdre le fil ni la ligne. Mis à part ça, l’histoire est simple et n’a pas réellement de fin. Je ne comprends pas trop ce que cherchait l’auteure à part mettre le doigt sur une incongruité trouvée sur internet et relatant sans émotion les noyés du détroit de Gibraltar. Elle a essayé de tisser une histoire autour. Mais quel est son but réellement ? Soulever des interrogations ? Ou montrer l’illogisme de notre système de « terre libre » ?



Comme vous l’aurez compris, cette lecture n’a été ni bonne ni mauvaise mais juste une curieuse lecture qui mérite d’être lue et découverte. Si j’ai l’occasion de lire d’autres livres de cette auteure, j’en profiterai sans doute pour voir ces autres thèmes de prédilection. Je vous conseille donc de le découvrir vous en faire votre propre avis, le style et le thème sont loin d’être anodins.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Bleu Horizon

Au début, on est perdu. Tant de noms. Et pourtant si peu. Inconnus pour la plupart. Sauf deux ou trois, Pergaud, Péguy, Alain Fournier, Jean de La Ville de Mirmont grâce à Jérôme Garcin. Des bribes de vies commencent à se dessiner. A s'écrire, à s'imaginer, oui.

Et puis..



"Dans la forêt, les noms se croisent. De l'un à l'autre, on peut marcher... Les promeneurs, en passant devant les bornes, lisent les noms, se les répètent comme s'ils voulaient les retenir, parfois, inventent des histoires."



Et on comprend que comme les arbres d'une forêt, jamais complètement les mêmes, mais si ressemblants, rien ne pourrait vraiment les différencier. Les rassemblent le fait que ce sont tous des écrivains, confirmés ou non, et qu'ils sont morts pendant cette guerre.



Que sait-on d'eux? Une anthologie en cinq volumes les a rassemblés, intitulée Le Hérisson.

Ils ne se sont pas connus. Ou on l'ignore. Ou deux? Qui parlaient de l'amitié:



"L'amitié, c'est comme.. réciter à deux voix un vieux poème que l'on croyait ne plus savoir, mais qui, grâce à l'effort de deux mémoires, remonte tout entier.

L'amitié, c'est comme.. font cette rivière et ces peupliers, s'accompagner, fidèlement, le plus longtemps possible

Et l'amitié, est-ce donc être réunis , une fois morts, dans la même notice nécrologique?"



Danielle Auby prête à ces hommes un peu de vie, jusque dans les circonstances de leur mort. Tout se mélange comme ils se sont mélangés au long de cette interminable guerre. Comme leurs corps souvent, ont été mélangés à la boue. Et on a eu bien du mal à en retrouver quelque chose. Le fallait-il?

D'ailleurs, dans L'Illustration, Lavedan écrit:

"Quand a commencé l'oeuvre implacable et mystérieuse de retour au limon, je ne pense pas qu'il soit prudent de venir s'en mêler."

Et on s'en mêle quand même. Du moins, on tente de démêler les " restes."



Et c'est là que le Hérisson paraît. Avec ses critères sélectifs. Etre mort le plus glorieusement possible ...avoir écrit des poèmes, livres, pièces, romans. Ou des articles, lettres qui portaient en germe assez visiblement les mêmes choses.

Il y eut des parrainages, chacun défendait le sien ( il est mort glorieusement le tien? Moyen, allez, on en a déjà trop, recalé! ) , et les réunions qui vont avec. Ca en faisait 560 à la fin, qui remplissaient les critères.



Il fallait se dépêcher:

"Ne trainez pas, car le vent tourne. Bientôt la mode des morts passera."



Et puis, quelque temps après, on a planté une forêt. Avec les discours qui vont avec.

Plus.. symbolique, la forêt. Et puis, plus vendeuse? Excursions organisées, restaurant, buvette..



Parce que tout lasse.

"On a trop parlé de la guerre. Des morts, on s'est trop occupé. Des noms de morts, il y en a trop partout, sur les monuments, dans les livres. Plus une seule phrase n'est possible. Tous les mots ont été utilisés, toutes les exclamations, tous les regrets, tous les temps, les irréels et les passés, tous les conditionnels. On a dit tout ce qu'on pouvait dire. Ce qui n 'a avancé personne. Les noms tombent dans l'oubli de plus haut simplement, d'avoir été soulevés, et s'y enfoncent plus profond."



Le Hérisson est devenu très rare à trouver, la forêt a brûlé en 63. Ils ont replanté, quand même, mais tout est abandonné, faute de crédits.

Ce roman lui-même n'est plus publié.



Sur la photo de couverture, tous se ressemblent. Un petit bouquet de fleurs au centre, tous sont partis la fleur au fusil. Ce ne sont que 560 . Comment imaginer , comment raconter des bribes de vie pour chaque mort de ces guerres imbéciles?

Toutes étaient différentes. Toutes se mélangent.



Très beau livre.



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Brumes sur le détroit

Un fin ouvrage qu'on a tendance à savourer. A chaque jour son petit hommage...

Des hommages plus ou moins compréhensible. Comme si on entendait les prières d'inconnus, on arrive en plein milieu et on écoute.

Il y a un déséquilibre entre les différents hommages. Certains vont être très religieux (trop, jusqu'à ne pas être compris par les profanes). Certains vont être courts et forts, d'autre plus long et plus tristes...



On se demande, quand on est au fond du canapé avec un thé dans la main, si c'est la réalité. Elle est tellement loin de nous. Ouvrez les yeux, écoutez vos voisins. C'est ici un hommage à de nombreuses personnes qui ont risqué leur vie, certes, mais c'est aussi une ode à l'écoute des autres.
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Bleu Horizon

Danielle Auby amène sa réponse personnelle, à la de nécessité de la commémoration de la guerre mais aussi de la souffrance des soldats, commémoration qui se doit d'être officielle autant qu'intime. Elle mêle dans une poésie pragmatique un tourbillon de destins individuels, reflet du  magma des multitudes et de la chair à canon .



La commémoration officielle, l'Association des Ecrivains Combattants, la rend aux 560 jeunes écrivains en 1924, en publiant en cinq volumes une Anthologie des écrivains morts à la guerre , ouvrage intitulé Le hérisson. Une biographie et des textes de chaque écrivain y sont réunis par un parrain.

Puis en 1930 on plante une forêt commémorative.

C'est autour de ces projets qu’est né le livre Bleu horizon.



Danielle Auby, parmi ces 560 jeunes écrivains, en choisit une cinquantaine, dont elle évoque les destins croisés. Une première partie les saisit dans leur enfance, leurs lieux, leurs éducations, parle de leurs familles et de leurs maîtres, de leurs voyages, de leurs espérances, d’une jeune femme qui passe. Ils se croisent et se recroisent, dans la réalité recréée des archives ou dans l’imaginaire de l’auteur, portraits individuels, portrait de la jeunesse d’un début de siècle. Tous des individus, aimants, aimés, portant leur projet d'écriture, un projet que la guerre va interrompre le plus souvent, ou modifier définitivement.



La deuxième partie, c'est la guerre. Les jeunes gens rangent leurs écrits dans leurs cartons, où les emmènent dans leur besace, gardent ou non leurs projets en tête, certains continuent à griffonner. Un à un, les jeunes gens se font prendre par l’horreur, par les blessures, par les gaz, par la mort. Et cette sombre énumération circonstanciée donne une image du chaos, du néant, de l'inéluctable



La troisième partie, c’est l’après. Ils sont beaucoup moins nombreux, ceux qui sont rentrés, meurtris, et on se recentre sur ces quelques uns. Il faut commémorer, rendre hommage, cicatriser, mais aussi essayer de reconstruire :"(...) fermer la douleur, éteindre, et sortir enfin."



Des monuments se dressent, des cimetières  s'organisent, des corps se rapatrient, et Le hérisson s’élabore peu à peu, réunissant des témoignages vaguement élitiste sur « ces morts qui en valent la peine », souvent touchants,  mais au goût de Danielle Auby, trop hagiographiques, lisses,  émoussant les différences,  parlant du bel honneur plutôt que de l’horreur. : elle butine, peaufine, corrige, apporte sa note.



« Qui est le dernier mort ? Le dernier mort de la guerre a encore, lorsqu'elle prend fin, des mois et des années à vivre. En quelle année se remet-on simplement à mourir de vieillesse ? De sa « belle mort » ? Combien d'années les germes mortels de la guerre continuent-ils à faire leur chemin dans les corps ? Comme les grenades entrées dans la terre et qu'un coup de charrue fait partir. Les gaz, combien de temps leur faut-il pour tuer à petit feu tout l'intérieur du corps d'un homme ? Les éclats d’obus, combien de voyages encore ? Et les impressions, dans les nerfs, dans la tête, combien d'années tapies ? Arrive-t’ il  qu’elles se réveillent, si fort que rien n'est plus possible sinon de retourner pesamment toujours au point où elles sont venues ? Combien d'années traversent-elles les rêves des dormeurs ? Combien d'efforts doivent-ils faire pour les tenir en respect, pour les cantonner dans la maison des rêves et pour fermer à double tour la porte par laquelle elles pourraient s’épancher dans la vie ? Arrive-t-il que cette porte cède et qu'alors la pensée de tous les morts innombrables vienne occuper le monde, le recouvrir tout entier ? »





Il faut accepter de se laisser bercer dans ce cauchemar déroutant, renoncer à un récit organisé pour écouter cette histoire/Histoire chaotique  à travers les témoignages intimes, auxquels   Danielle Auby prête sa parole attentive .De la démarche de l'auteur,  on retient surtout le formidable fouillis, le tressage, les recoupements. Cela   déroute au début, mais au fil des pages, cela a une allure et un charme énorme, ce regard si personnel, cette attention familière à ses personnages, cette multiplication des points de vue, ce mélange des biographies. Tous nommés et renommés pour lutter contre l’oubli dans une obsession de l’entremêlement et de l'interrogation. Comme la forêt qui leur a rendu hommage,  elle construit son livre : quelques allées traçant des directions, et de multiples stèles plantées dans le décor pour un récit qui privilégie le grouillement, le foisonnement, le désordre, cette effroyable misère, qui anéantit les vies uniques et dissemblables de ces jeunes gens « interdits d’avenir » dans un destin commun. Avant l'abandon et l'oubli.



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