Mais à onze ans, le temps était illimité et inconnu, la vie semblait pouvoir s’étendre à l’infini, et je marchais dans l’herbe sans sentir ni mes chevilles ni mes genoux ni mon dos, rien ne m’avait encore trahi, mes articulations n’étaient encore que de lointaines rumeurs, mes muscles et mes os encore liés. Je n’éprouvais aucune culpabilité, aucun remords, aucune inquiétude comme je les connais à présent, rien que de l’impatience, rien que le mouvement, et cette pente qui descendait et remontait, le vent qui balayait tout, et je voyais de l’autre côté, les autres montagnes, et je sentais la montagne qui s’élevait derrière moi.