On nous a enseigné l’art et la manière de fabriquer puis de lancer des cocktails Molotov, des bouteilles en verre remplies d’essence et on nous a montré comment nous servir d’une Mills bomb, une grenade à fragmentation qui ressemble à un petit ananas. Je me familiariserais avec elle au cours des mois à venir. Son fonctionnement est à la fois simple et redoutable : on peut régler le détonateur de manière à disposer de trois, sept ou neuf secondes avant l’explosion mais il ne faut pas se tromper dans ses calculs ni laisser à l’adversaire le temps de la relancer. On arrachait la goupille, on courait et on lançait la grenade de toutes ses forces avant de s’aplatir, face contre terre. Si on ne se retrouvait pas ad patres, la grenade creusait un énorme cratère qui contenait plus ou moins l’explosion.
Les Nazis n'avaient pas les moyens d'enfermer mon esprit. Tant que je continuais à penser, je restais libre.
Pour que le mal triomphe, il a suffit que les justes restent les bras croisés.
Mieux valait encore se battre à la baïonnette en duel, d’homme à homme. Ça ressemblait moins à une boucherie. Nous disposions de sabres munis d’une protection au bout, fixés par un ressort à nos fusils. La lame était censée se rétracter quand nous en recevions un coup, à moins qu’elle ne soit bloquée, comme les réguliers s’arrangeaient pour que ce soit le cas. Ils nous faisaient un mal de chien avec leurs baïonnettes.
Mon père ne plaisantait pas avec la discipline. Dans le cadre bucolique de mon enfance, il n’y avait pas de demi-mesure – c’était tout noir ou tout blanc. J’ai au moins pu grandir en m’appuyant sur des certitudes morales. Mon entourage attendait de moi que je défende ce qui était juste. Mon père m’a inculqué le respect des êtres humains et des animaux. Les oiseaux, on les tuait pour s’en nourrir, par pour le plaisir.
On nous a appris à nous servir de n’importe quelle arme à la disposition des troupes britanniques. J’ai grandi parmi les armes à feu. L’année de mes huit ans, mon père m’a acheté mon premier fusil, un calibre .410 à la crosse raccourcie exprès pour que je l’aie bien en main. Je ne m’en suis jamais séparé : aujourd’hui encore, il pend au mur de mon salon.
À vingt et un ans, je me croyais invulnérable. Je me suis promis de ne plus remettre les pieds à la maison, dans le cas où je perdrais un bras ou une jambe. À l’époque, j’avais les cheveux d’un roux flamboyant et le tempérament qui allait avec ; ce qui devait m’attirer bien des ennuis mais, enfin, on ne se refait pas.