Les rencontres et les circonstances ont façonné ma carrière. En 1984, mon diplôme d'ingénieur en poche, j'ai cherché à travailler dans les énergies renouvelables. Mais avec un pétrole à vingt dollars le baril, ce furent les banques qui m'ouvrirent les portes de leurs cages dorées. J'ai exercé dans plusieurs organismes bancaires, vu de près des pratiques étonnantes et même douteuses. En 1998, j'ai soutenu une thèse en gestion, puis enseigné les pratiques bancaires à l'université. Conscient des enjeux et des dégâts, j'ai commencé à intégrer à mes cours des mises en garde sur ce que je considérais comme les dérives toxiques de la finance. Et cela, malgré mon isolement dans l'institution où les chercheurs «alternatifs» sont rares. Peu à peu, mes recherches se sont orientées vers l'éthique et l'écologie. J'ai développé des méthodes pédagogiques actives et les travaux des étudiants, sur des sujets librement choisis par eux, nous ont permis de prendre conscience des pillages et des ravages écologiques. À travers mes lectures, mes cours et mes voyages, en particulier ceux que j'ai menés en Chine, j'ai réalisé l'ampleur des catastrophes à venir.
Paris et Shanghai - 2015. La poésie s'est envolée. Les ouvriers, les cadres, les top-modèles, les papas, les présidents... n'ont plus le coeur au bonheur et rasent les murs de leurs existences ou paradent avec une ostentation agitée.
Tout déconne. Tout a déraillé depuis longtemps. «On» fait l'autruche. Chacun est une parcelle de ce «On» qui fait comme si. Comme si tout allait reprendre comme «avant», selon la promesse dogmatique de cycles éternels. Comme la promesse des prophètes économistes du retour régulier à un âge d'or. «On» regarde ailleurs. «On» se tait. Qui pour prospérer et qui pour survivre.
Pourtant, seule la violence d'une parole radicale est une promesse d'avenir.
Or, l'imaginaire de notre société est invasif et nos cerveaux sont mal équipés pour résister aux flux incessants d'injonctions consuméristes. «Penser» c'est faire tomber les barrières mentales établies par nos sociétés qui filtrent nos perceptions pour nous cacher l'au-delà des barrières.