J’étais peut-être tombée amoureuse de Robbie au cours des derniers mois, mais mon
histoire d’amour avec la musique remontait à aussi loin que je m’en souvienne. Je
ne pouvais pas le laisser me tenter de renoncer à mes rêves. Ma décision était prise,
mais je ne savais pas encore comment lui annoncer la nouvelle.
Notre amitié avait récemment évolué vers autre chose – quelque chose qui me faisait monter le rouge aux joues, me donnait la chair de poule et gonflait mon cœur comme une éponge gorgée d’eau.
Nous réunir tous les trois dans la même pièce pourrait se révéler catastrophique.
Si Robbie devinait mes sentiments pour Diego, il risquait de perdre son sang-froid. J’avais déjà assez de soucis comme ça avec Robbie. Et à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Si j’avais su rien qu’un peu dissimuler mes émotions,j’aurais pu espérer sortir indemne de cette soirée. Malheureusement, j’étais une piètre menteuse, si bien que la rupture semblait inéluctable.
Ouais. La crise cardiaque était imminente. Allez, il me suffisait de surmonter ce dîner et tout allait s’arranger.
Comme si être un petit génie ne suffisait pas, Diego était aussi une sorte de célébrité
dans notre école. Il avait inventé une éponge qui changeait de couleur quand elle
était mouillée et avait participé à Banco ou Fiasco l’été précédant notre année de seconde – une émission de téléréalité dans laquelle
des inventeurs présentaient leur produit à de riches entrepreneurs pour obtenir des
financements. Après avoir reçu des propositions de tous les investisseurs et signé
un contrat juteux, son père et lui avaient vendu des millions de leur Éponge-Clown.
Le risque, quand on est enfermés dans une pièce avec cinq autres personnes, une bombe et une seringue de poison morte, c’est qu’à un moment donné tout dégénère.
Maman n’était pas exactement mère poule. Elle me laissait faire ce que je voulais,du moment que je lui confirmais en permanence que j’étais encore en vie.
Heureusement, l’obscurité dissimulait mes joues rouges. J’avais la peau si pâle que mon sang me trahissait toujours : Menteuse.
Mais franchement, je ne vois pas ce qu'il y a de cool. Enfin quoi, qui voudrait être maire de Ploucville?
Si nous devions nous mettre dans des cases, j'aurais dit qu'il y avait la reine du lycée, le sportif, l'intello, le rebelle, la solitaire et la musicienne. Nous étions si différents.
C’était notre façon de nous saluer depuis que nous jouions ensemble quand nous étions
enfants, avant de nous rendre compte que nous n’avions finalement pas grand-chose en commun.
Après tout, il ne s’était rien passé entre nous. On avait failli s’embrasser, certes, mais « failli », ça ne comptait pas.