Historiquement, depuis leur domestication et l'apparition des premiers élevages, l'origine de l'exploitation organisée des animaux peut être tracée jusqu'au Proche-Orient, en Chine ou encore en Méso-Amérique. Amorcée il y a environ 11 000 ans, la maîtrise de la reproduction des plantes puis des animaux pour l'alimentation marque ainsi la naissance de l'agriculture.
(...)
Il est intéressant de noter que c'est à la fois dans la même région et à l'issue de la même période qu'apparaissent les grandes religions monothéistes. Si l'islam et le judaïsme intègrent quelques préceptes encourageant une certaine attention à la souffrance des animaux, le christianisme accord aux humains une licence pour "remplir et soumettre le monde, dominer sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre" (Genèse 1:28).
Ainsi, si les sociétés de chasseurs-cueilleurs du paléolithique et du mésolithique se pensaient comme participant du monde sauvage, comme une espèce animale parmi d'autres, les nouvelles religions confèrent à l'humanité un statut exceptionnel : fruit d'une création séparée, à l'image du nouveau dieu unique et paternel.
Une conception du monde que ni la révolution copernicienne ni le retentissement des découvertes de Darwin n'ont réussi à vraiment ébranler, et qui façonne aujourd'hui encore beaucoup de nos représentations.
(p. 26-27)
Animaux humains ou non humains, nous sommes - en tant qu'êtres sensibles - les sujets de nos propres sensations. Nous avons en commun d'attribuer à nos informations sensorielles une valeur (positive, négative, neutre). Nous y réagissons par des comportements qui cherchent à prolonger ou reproduire sciemment les sensations agréables et éviter les expériences douloureuses. Anticiper le pincement de la clôture électrique, reculer devant le fouet du dresseur de cirque, savourer les rayons du soleil, faire des roulades dans l'herbe, se blottir dans la chaleur affectueuse d'un parent, s'inquiéter lorsqu'il est hors de vue...
(p. 43)
[ Londres, 1859 ]
A l'idée que nous sommes des singes, Lady Worcester se serait exclamée :
- Mon Dieu, pourvu que cela ne soit pas vrai ! Et si ça l'est, pourvu que ça ne se sache pas.
Mais l'histoire ne dit pas si elle a ajouté :
- Et si ça se sait, pourvu qu'on s'amuse comme des petits fous ! Parce que la vie des bonobos ça a l'air vachement plus fun que celle d'une épouse d'archevêque anglican !
(illustration de Rosa B. - p. 8)
(...) depuis le 16 avril 1964, l'étourdissement des animaux en abattoir est obligatoire, en préalable à l'égorgement, afin qu'ils soient inconscients durant la saignée. La raison pour laquelle les animaux ne sont pas tués instantanément - ce qui serait plus simple et moins douloureux - est que les battements du coeur restent nécessaires pour que l'animal se vide de son sang, tandis qu'il est suspendu à l'envers. Plus de trois millions d'animaux terrestres sont tués dans ces conditions chaque jour en France. Durant cette étape, si le terme étourdissement évoque une sorte d'endormissement, les méthodes autorisées pour insensibiliser les animaux restent violentes, et parfois imprécises.
[ en bref :
• bovins : pistolet à tige perforante
• porcs : pince à électronarcose, ou dans une fosse à gaz
• volailles : bac d'eau électrifiée ]
Parmi les différentes sociétés de protection des animauX qui voient le jour au XIX° siècle, la Society for the Prevention of Cruelty to Ani- mals fait figure de pionnière. Première association historique de protection des animaux au monde, elle est aujourd'hui encore la première association de défense animale du Royaume-Uni (et du monde) par le nombre d'adherents, et emploie plus de 1 700 salariés. L'association est cofondée en juin 1824, notamment à l'initiative du révérend Arthur Browne et des députés Richard Martin et William Wilberforce. À la suite du haut patronage de la reine Victoria, elle devient la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA:Société royale pour la prévention de la cruauté envers les animaux) en 1840.
En France, en 1850, le soutien des abolitionnistes de l'esclavage s'avère également déterminant pour l'adoption de la toute prenière loi de protection animale du pays. Adversaire de la peine de mort et président de la Société française pour I'abolition de l'esclavage, Alphonse de Lamartine a peut-être déclaré par ailleurs: « Onn'a pas deux ceurs, I'un pour les hommes, l'autre pour les animaux. On a du Coeur ou on n'en a pas. » Si cette citation est probablement ima- ginaire, l'euvre de Lamartine est riche de nombreux passages en faveur des animnaux et d'une alinmentation qui les épargne.
- Pourquoi les tests sur les animaux sont-ils fiables?
- Parce qu'ils sont comme nous!
- Pourquoi les tests sur les animaux sont-ils moralement justifiables?
- Parce qu'ils ne sont pas comme nous!
« [Les animaux] ne sont pas nos frères ; ils ne sont pas non plus nos subordonnés; ils sont d'autres nations, saisies avec nous dans le filet de la vie et du temps. » Henry Beston
ll est intéressant de noter que c'est à la fois dans la même région et à Pissue de la même période qu'apparissent les grandes religions mono- thêistes. Si 'islam et le judaisme intègrent quelques préceptes encou- rageant une certaine attention à la souffrance des animaux, le chris- tianisme accorde aux humains une licence pour « remplir et soumettre le monde, dominer sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre» (Genèse 1:28). Ainsi, si les sociétés de chasseurs-cueilleurs du paléolithique et du mésolithique se pensaient comme participant du monde sauvage, comme une espèce animale parmi d'autres, les nouvelles religions confèrent à l'humanité un statut exceptionnel : fruit d'une création séparée, à l'image du nouveau dieu unique et paternel.
Hasard de la vie : ma petite sceur, née longtemps après moi, avait quatre ans au moment où ces questions m'ont fait prendre - peut-être pour la première fois - un tout petit peu de recul. Quelle belle Occasion d'observer comment le condition- nement opère, et comment une enfant se développe à l'image de la société dans laquelle elle naît!
Un jour, nous étions à table et elle refusait de manger. L'une des astuces de mes parents consistait alors à lui raconter une histoire, pour détourner son attention pendant qu'ils la nourrissaient discrètement. Ce jour-là: Les Trois Petits Cochons. Ma sceur était suspendue au récit de ces trois cochons qui cherchaient à échapper au loup qui voulait les dévorer, construisant des maisons plus ou moins solides pour tenter de rester en vie, pendant que mes parents lui glissaient, mine de rien, son repas dans la bouche. Ce jour-là: du jambon. Ainsi, pendant qu'elle se réjouissait de la fin heureuse de l'histoire (les cochons survivants), ma sceur était nourrie littérale- ment de cochons morts (le jambon).