Une chanson de Theatre of tragedy s'impose à elle. Ce groupe norvégien pratique la technique dite de La Belle et de la Bête : un chant alternant les rugissements d'un viking et les vocalises d'une voix féminine, cristalline. Le tout porté par les accords rauques et sombres du Doom métal. Eléonore adore ce genre de musique, à la fois violent et mélancolique ... La Belle et la Bête.
La nudité de ces femmes, exposée à la concupiscence de cet individu, horripile le flic. La souffrance de ces êtres solitaires constituait le socle de leur envoûtement. Au lieu de les soigner, le psy abusait de leur fragilité. Norov le dégoûte.
Le cadavre se balance lentement, ses pieds à environ cinquante centimètres du sol. pendue à une branche basse du chêne doyen, l'apparition tétanise Serge.
Un sentiment indescriptible, une sensation…
Parfois, nous avons l’impression que quelqu’un nous regarde. Sans que nous soyons, pour autant, capables de verbaliser ou d’objectiver cette perception. La manifestation d’un instinct, d’un pur réflexe animal. Peut-être mû par une multitude de petits faits, de bruits, que notre cerveau enregistre sans que nous en soyons réellement conscients.
Pauline se sent épiée.
La musique de l’angoisse s’infiltre dans son esprit. Pour l’instant, la mélodie reste légère. Les notes s’égrènent doucement, comme une petite alerte qui flirte avec le pouls de la galeriste.
Pauline se retourne, plusieurs fois. La rue est commerçante et connaît l’activité du matin. Les livreurs, garés en double file, se faufilent entre les passants – des retraités pour la plupart…
La jeune femme se réjouit des résultats du labo. L’examen compliqué de la bâtisse de Sophie Elberg a mis en évidence un ADN féminin et une série d’empreintes. Sur le verre et la bouteille de champagne.
L’assassin appartiendrait-il à la gent féminine ? Cela ne colle pas avec le caractère sexuel de l’homicide. Fanny n’envisage pas une femme taillader à ce point le bas-ventre de sa victime. Le meurtrier s’en est pris à la féminité de Sophie Elberg. Avec une rare violence… À moins que… À moins que la prof de français n’ait entretenu une relation homosexuelle ? Une liaison saphique qu’elle aurait bafouée, entraînant ainsi une rage indescriptible de la part de son amante ?
Le psy soignait sa réputation ! Il les persuadait que seul un amour insensé le poussait à renier ses valeurs professionnelles. Même discours pour l’une et l’autre, à cinq ans de distance. Toutefois, dans les deuxcas, les victimes se sont affranchies des règles imposées : Isabelle Ferrand en dérobant certaines photos et en conservant le message sur l’énigme du Sphinx – sans doute une erreur commise par Norov – ; Sophie Elberg en dérobant la chevalière. Il avait la faiblesse de l’enlever le soir. Selon le psy, cette prof paumée l’avait volée, poussée par une vengeance d’une mesquinerie sans bornes… Ce monstre était choqué ! Le flic l’aurait volontiers giflé…
Fanny n’aime pas la vie.
Les humains l’agacent profondément. Même si, comme tout un chacun, elle souhaite plaire, les rapports sociaux la dépriment. Elle n’a pas choisi son métier pour satisfaire un désir d’ordre. Fanny apprécie l’équité, le respect de l’autre. La quête d’une société apaisée, et non autoritaire, l’anime. En cela, les hommes l’exaspèrent car, à ses yeux, ils se démarquent volontiers de ces qualités. En cela, son métier la fatigue, car il ne lui offre que peu d’espérance. Vols de voitures, trafics de haschisch, crises conjugales, ivresses sur la voie publique constituent son quotidien.
Le buveur devient un héros qui maîtrise son quotidien. Encore un verre puis un autre… Alors, pour parler la langue de Freud, le « ça » réapparaît. Le temps ne s’écoule plus, les besoins pulsionnels surgissent… Julien a rencontré une amante imaginaire. Il a tenté de la tenir dans ses bras, de passer quelques heures avec elle. Se risquant à l’aimer… Il a imaginé de multiples détails la concernant. La forme de sa bouche, la longueur de ses cheveux, son maquillage, son regard… La sexualité se complaît dans les nuances, dans la subtilité… Bref, le malt a exalté son désir d’amour…
En 1792, un chirurgien, Antoine Louis, mit au point la machine imaginée par le docteur Guillotin. Après l'avoir testée sur des moutons, il améliora l'outil à décapiter. Puis, il l'inaugura sur un voleur en place de grève. La foule fut déçue ... Habituée à des mises à mort prenant des heures, frustrée par une telle efficacité, elle hua le bourreau. Un spectacle aussi éphémère ne méritait pas le déplacement. L'engin prit d'abord le surnom de Louisette ou de Louison avant de s'enorgueillir du patronyme de son concepteur. Elle devint guillotine.
Cette affaire nous révèle le véritable dessein du tueur et le terrible mécanisme de la magie. En provoquant lui-même des coïncidences de sens, il déclenche une réaction en chaîne d'ordre symbolique.