Alors oui, auteur d'elle, on le décide aussi : d'y croire, de l'aider.
Morte à vingt ans, elle renaît, mais cuirassée, tendue dans une volonté d'acier, une exigence, une entièreté, une brutalité qui ne la quitteront jamais, et dont, autour d'elle, on se plaindra souvent.
Insensible, dira-t-on. Dure. Froide. Egoïste. Egocentrée. Sauvage. Une tueuse.
Elle redanse. Revient à New-York. Redevient la meilleure. On ne sais pas comment. Tant d'efforts. Tant d'obstacles au quotidien.
Elle ne sera pas una bailarina ciega, une handicapée dansant dans une troupe spécialisée. Non. Jamais. Elle dansera avec les plus grands. Elle sera una gran bailarina sinon rien.
Sinon rien.
Sinon nada.
J'aime la nuit profondément, charnellement, disait-il. La musique, on devrait la jouer jusqu'aux premières heures du matin. Nous venons de la nuit et nous y retournons. Pourquoi attend-on la nuit pour donner un concert, une pièce de théâtre, pour faire l’amour ? Mallarmé avait remarqué que le mot nuit évoquait, par ses sonorités, la lumière, car la diphtongue y scintille. La nuit est pour moi comme d'immenses bras protecteurs. Le monde perd ses arêtes dures, ses angles coupants. Le temps s'étale, s'approfondit, recule ses limites. La nuit, on est immortel.