Le jour tenait tout entier
sur la table du café
où j'étais assis.
Et la ville.
Celle des mots
qui montaient des pages
en bouquets serrés
toujours plus nombreux,
toujours plus colorés.
Celle des alibis,
celle des allusions :
une ville sur papier
sans le poids des ombres
sous les murs plissés,
sans la moiteur
des moindres gestes
au soleil interminable
déchirant les façades et les toits
de son feu blanc d'été.
Une ville écrite
jusque dans les plus petits détails,
épurée des maladresses inéluctables
des décors dressés dans le respect
des graphies et des plans d'urbanisme.
Une ville faite pour défroisser le sang.
Un fil et rien d'autre.
La plus réelle des fictions c’est elle
Tu es la fête rebelle du désir
source du chant jailli d’instinct
riposte vive du feu
et forme inavouée de ses codes
Un besoin d’aimer fait violence
à tout ce qui simple écho des censures
ne peut se dresser en une suite
de petits désordres déterminés
capables de tracer
ta ligne de vie
au milieu de mon poème
Sans ta voix pour la porter
mon écriture ne serait plus jamais la même
Le don
Par un excès d’évidence tu es apparue
La scène éblouit
le sol se remet en marche
semble suivre le courant
Aveugle appuyé au vertige des redites
je doute
Est-ce le signe d’une chute ou l’amorce
en peu de mots d’un univers inconnu
Je tremble
de la nuit qui me déshabite
Descendre à la mer devant Rimouski
Et s’ébauche un surprenant périple
entre un ciel arbitraire
et le courant du large
Il faut accepter de disparaître
à la face du nombre
pour que s’ouvre le cœur
Tu me devins étonné
d’abattre si tôt
des cloisons
L’amour se découvre parfois
à la limite
d’un acte inimaginable
d’intimité
Voici que se déclinent
les alphabets de la tendresse
sur le fil de ta langue lente
— plus tard ta salive
ne suffira plus
à la somme
des caresses
Voici que tu déchiffres
semblables inventaires
dans nos paumes jumelles
Par toi ma vie retrouve ma voix
au pied de la lettre comme un signe
La suite de mes images respirait
dans un énigmatique décalage
il y avait des angles et de l’ombre
dans le parcours lisse
des poèmes que j’écrivais
sans que leurs sens cognent
Feu
Palindromes de nos royales déroutes
récits à la formule équivoque
des chansons déclinent
les alphabets de nos censures
Donneuses d’éphémère
ou stèles énigmatiques
font écho à nos doutes
à nos drames
Alternances de voix
et couleurs nouvelles
se succèdent
Et nous entamons
la psalmodie des cœurs
La colère des corps
fait du bien maintenant