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Biographie :

Earl Lovelace, né le 13 juillet 1935 à Toco dans les îles de Trinité-et-Tobago, est un romancier, dramaturge et journaliste antillais.

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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Ce soir-là, après avoir quitté la scène, je me retrouve accoudé au bar, je sirote une bière et je regarde les gens sur leurs chaises, essayant très fort de s’amuser, et les ambianceurs sur la scène qui chantent refrain après refrain, s’efforçant de les amuser à leur tour. Je sens une présence à côté de moi ; quand je me retourne je vois que c’est Jazzy. Une Malta dans la main. Il boit pas d’alcool fort – à cause de sa tension. Je veux même pas le regarder, je suis trop vex’.
« Les gens ont pas ta conscience, King », il dit de sa voix douce et implorante de bébé, du coup je sais pas au juste s’il est en train de sympathiser avec moi ou de me baiser la gueule.
Il dit encore, se parlant à lui-même plus qu’à moi : « La musique change.
– Oui, Jazzy, je lui dis. La musique change. La musique change. »
Je devais lever le camp. Jazzy avait raison. Le Black Power, c’était fini ; gueuler Power n’avait rien fichu par terre. La voix loqueteuse des gens, c’était en fait la voix de Dieu. La révolution était finie. Ce monde que certains d’entre nous avions entrepris de changer pour y réclamer notre place était, en gros, toujours le même. L’espace d’un instant, nous autres du Black Power avions écarté le rideau de silence qui camouflait les plus gros problèmes du pays – la dignité des Noirs, l’égalité des chances, l’égalité tout court, ce qu’il restait à faire, comment continuer.
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Mon nom est Kangkala, artisan de la confusion, greffier de ragots, démolisseur de réputations, révélateur de secrets. Je suis, sous la même peau, vilain et héros, victime et victorieux.
Je suis un kaisonien, un vrai de vrai.
Je réduis les puissants par le ridicule. Je leur révèle leurs absurdités par la parodie. Je réduis leurs significations à néant et donne du sens au sens. Je danse le bongo sur les tombes des potentats. Je suis Dame Lorraine, caricaturant le grotesque des méchants, la difformité des imbéciles, la cochonnerie de la gloutonnerie. Je leur montre, aux oppresseurs, qu’ils sont eux-mêmes biscornus : gros toto, gros titi, gros bondage. Oui, je donne à voir l’homme à la grosse paire de couilles, un sac de roches dedans mon slip, je suis l’homme-aux-grands-pieds, l’homme-aux-pieds-douloureux, la femme à gros-cul, gros-seins, gros-ventre. C’est moi le distributeur de souffrances.
Mais je suis né une seconde fois par la grâce d’un lapsus, une nuit, sous le chapiteau du kaiso, comme je me prépare à chanter ma chanson, pour le plus grand profit des étrangers du public, le maître de cérémonie va me présenter, il va faire son annonce avec un accent américain, il dit : « Mesdames et messieurs, voici la chanson que vous attendez, et voici votre chanteur, King Kala ».
Et voilà que dans l’intervalle, ou devrais-je dire, l’intervalable de la mauvaise prononciation langue-fourchée de Kangkala par ce bonhomme de Trinité qui voulait sonner ricain, je renaissais à de nouvelles perspectives. C’était au mitan de cette période de soulèvements que nous appelions Black Power. Je ne me souviens plus vraiment quelle chanson j’allais chanter, à quel gros bonnet j’allais régler son compte, le business de qui j’allais dénoncer mais, cette nuit, inspiré par l’erreur du MC sur mon nom, un rôle d’une tout autre ampleur me tomba dessus. Finies les railleries. Terminés les sous-entendus. Je tombe la veste et je retrousse mes manches. J’allais devenir greffier de l’histoire des gens, chanteur de leurs louanges, restaurateur de leur foi, gardien de leurs vexations, embaumeur de leur colère. Je devins le poète de la révolution.
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Tout de suite après carnaval, un gars d'Amérique se pointe ici à Trinité, il raconte qu'il va tourner des films sur l'île. Grosse annonce. Plein d'articles. Première page. Il va monter l'industrie du cinéma. Grandes paroles.
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Tout au long de ce jour-là, Sonnyboy écouta la radio donner tous les détails de la capture des chefs, la reddition des chefs, la fuite des chefs, et il passa une nuit sans sommeil sur le lit de camp en toile du salon de Daniel, à se tourmenter de ce que, selon toute vraisemblance, après des mois d’exubérance, la rébellion du Black Power s’achevait en gémissant. Mais quand, au matin, il lut dans les journaux la poésie captivante de la reddition de ses chefs, leurs poings serrés et levés en l’air, leurs corps hérissés par l’autorité de leur indignation, les policiers mêmes qui les avaient arrêtés les considérant avec sidération, il devint clair pour Sonnyboy que les Frères, ainsi qu’il appelait dorénavant ces hommes, loin de s’être laissés abattre, avaient, comme les danseurs à frou-frous des bals masqués de Guyane, quitté d’un bond leur position d’humilité pour gagner une plus invincible hauteur. Voulant prendre place à leurs côtés, Sonny ôta sa casquette be-bop, la fourra dans sa poche, rendit au halo de ses cheveux sa plénitude antérieure, prit congé de son camarade à Hololo et retourna en hâte à Rouff Street pour y attendre que la police vienne l’arrêter.
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Mon nom est Kangkala, artisan de la confusion, greffier de ragots, démolisseur de réputations, révélateur de secrets. Je suis, sous la même peau, vilain et héros, victime et victorieux.
(incipit)
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- confronté qu'il était au défi d'arriver à mêler la discipline venue de l'ordre imposé par les plantations, la créativité née de la résistance, et l'anarchie de la rébellion individuelle, et à se débrouiller pour quand même, en fin de compte, en faire une nation.
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Rooplal était de sang mêlé africain et indien, cette heureuse commodité le faisant accepter dans chaque camp, lui permettant d'accabler d'insultes les membres des deux groupes avec une vulgarité qu'ils ne toléraient de personne d'autre, aucune des parties en présence ne pouvant l'accuser de racisme puisqu'il partageait son héritage avec les deux ; dans son cas, les deux sangs s'annulaient comme des poisons rivaux et destructeurs aussi puissants l'un que l'autre dont la seule vertu était d'avoir produit un rejeton acceptable par les deux camps et qui ne pouvait être revendiqué par aucun des deux.
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Et depuis ces débuts, puis pendant le terrible chagrin lié à Franklyn, avec la police et la veillée et l'enterrement, il avait été l'homme qui s'était tenu à côté d'elle, lui offrant l'armure de ses épaules, sa contenance apaisante et son sourire timide en forme de baie de Castara, son pantalon remonté contre l'entrejambe et ses deux pieds gauches écartés pour garder l'équilibre.
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