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Alexis Bernaut (Traducteur)Thomas Chaumont (Traducteur)
EAN : 9782370711113
400 pages
Le Temps des Cerises (08/02/2017)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Trinidad, 1970. Le mouvement Black Power s'éteint avec l'incarcération de ses leaders. Alors que Sonnyboy, un petit délinquant, met tout en oeuvre pour devenir prisonnier politique, King Kala, un chanteur de calypso, ne parvient pas à renouer avec le succès à sa sortie de prison, sa musique étant jugée dépassée. Grand prix de la Littérature caribéenne du Conseil régional de Guadeloupe.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
C'est juste un film est un voyage en terre inconnue (à moins que vous en sachiez plus que moi sur l'île de la Trinité, île des Caraïbes face au Venezuela, ancienne colonie britannique peuplée de communautés africaines, indiennes et amérindiennes...), sur des airs calypso, dans les traditions du carnaval, les croyances diverses, les défis politiques de l'Indépendance d'une nation à créer, et la cuisine de ce coin du monde. Un voyage qui se dessine personnage après personnage, dans une recherche d'identité, des histoires de place à trouver.
C'est riche de découvertes (avec des notes de bas de page explicatives), c'est envoûtant, ça n'occulte pas la violence des réalités mais c'est tendre aussi, c'est avec des touches d'humour ironique, c'est... difficile à définir !
C'est un voyage qui donne envie d'aller voir plus loin du côté de ces îles caraïbes.
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Alors que le mouvement du Black Power s'éteint peu à peu, ce calypsonien King Kala, « artisan de la confusion, greffier de ragots, démolisseur de réputations, révélateur de secrets », nous emmène à la rencontre des délinquants, des croyants, des politiciens, des joueurs de cricket, des rêveurs, des révolutionnaires qui composent son petit monde, à la rencontre de son pays, Trinité-et-Tobago.

Lire un livre trinidadien, voilà qui est une première pour moi ! du coup, j'écris cette chronique au son des steeldrums de l'île, une première également.

Avant tout, si ce roman est aussi captivant, c'est pour son écriture poétique, enragée parfois, qui raconte les conflits entre les peuples, les tâtonnements politiques et les violences aussi bien que la communion pendant carnaval et l'engouement national pour le cricket ou les steelpans. Il coule tout seul, les chapitres s'enchaînent avec fluidité, convoquant les personnages les uns après les autres pour les raconter et les mettre à nu, faisant tomber leurs masques.

Car ce que je retiendrais surtout de cette lecture, c'est la rencontre avec ces personnages atypiques, hauts en couleur, drôles et touchants à la fois. Sonnyboy, Tante Magenta, Dorlene, Franklin, Aguillera et tous les autres. L'enthousiasme persistant de Sonnyboy en dépit des échecs, des coups montés, des coups ratés. La décision inébranlable d'Aguillera de ne jamais arrêter personne. La naïveté de Dorlene. Leurs superstitions et leurs croyances qui cohabitent avec les autres religions. Tous rêvent d'un monde meilleur, d'une vie meilleure, mais ils se confrontent souvent à la réalité qui n'est pas toujours tendre avec eux.

Ce roman dessine donc mille et un portraits. Celui des Trinidadiens avant tout, certes, mais ces tranches de vie tracent aussi le portrait d'une île, celle de Trinité, et d'une époque, ces années 1970, ces années Black Power et celles qui ont suivies. A tous, il raconte leurs espoirs et leurs rêves, leurs échecs et leurs désillusions, leurs amours et leurs amitiés.
C'est très immersif et Earl Lovelace nous embarque véritablement à la découverte de ce peuple (de ce mélange de peuples plutôt), de cette société, de son histoire et de ses luttes. Il y a beaucoup de tendresse et d'émotions dans ce roman et on ressent particulièrement l'amour de l'auteur pour sa terre et celles et ceux qui l'habitent. Et, après cette lecture, honte à vous si vous n'êtes pas incollable sur les steelpans, sur le carnaval ou sur le calypso !

Merci Babelio donc, pour cette surprise et cette découverte inattendues, pour ce voyage vers les Caraïbes, pour cette rencontre avec cette langue, avec ces gens et avec l'âme vibrante de Trinité. Quant au seul autre roman traduit d'Earl Lovelace, La danse du dragon, il file directement dans ma wish-list.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Sur le fond: on dirait un ensemble d'anecdotes de vie de villages sans profondeur ni analyse. En la forme: le style, plus ou moins télégraphique, est une sorte de mélange entre parler de rue et inspiration Audiardienne. Bref, je me suis ennuyé à lire cet ouvrage. (simple opinion)
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Nous sommes en 1970, à Trinité-et-Tobago. King Kala, le héros de ce roman, s'appelle lui-même: l'artisan de la confusion, greffier de ragots, démolisseur de réputations, révélateur de secrets. C'est donc bel et bien un personnage haut en couleurs qui va nous raconter son histoire et celle des ses amis. Avec sa verve et ses humeurs, il nous donnera sans fioritures ses rêves, ses luttes, ses victoires et ses échecs. Ses amis qui ont une certaine joie de vivre et une propension aux exagérations émailleront son récit sous les souvenirs du Black Power qui vint frapper à leurs portes et pas que sur leurs portes. Vous allez être libres de gré ou de force.
C'est donc toute la société Caribéenne que nous donne à voir l'auteur dans ses travers et ses réussites.
« C'est juste un film » est touchant de vérité et de valeurs que nous habitants de l'ancien continent avons encore mais auxquelles nous ne croyons plus forcément. Il y a une douceur de vivre et une volonté d'avancer, souvent freinée sous la torpeur du soleil... mais on a envie d'y aller... grâce à l'auteur.
Je ne connaissais pas Earl Lovelace, mais je pense que c'est un auteur à suivre pour ses mots, ses textes. J'ai passé un excellent moments aux cotés de ses héros qui semblent bien réels et ancrés dans la vie de tous les jours.
Un bon roman à lire en toute tranquillité avec une Margherita, une verre de lait de coco et avec les pieds dans le sable.
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Trinité-et-Tobago en incroyable carnaval poétique et socio-politique.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/03/14/note-de-lecture-cest-juste-un-film-earl-lovelace/
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Mon nom est Kangkala, artisan de la confusion, greffier de ragots, démolisseur de réputations, révélateur de secrets. Je suis, sous la même peau, vilain et héros, victime et victorieux.
Je suis un kaisonien, un vrai de vrai.
Je réduis les puissants par le ridicule. Je leur révèle leurs absurdités par la parodie. Je réduis leurs significations à néant et donne du sens au sens. Je danse le bongo sur les tombes des potentats. Je suis Dame Lorraine, caricaturant le grotesque des méchants, la difformité des imbéciles, la cochonnerie de la gloutonnerie. Je leur montre, aux oppresseurs, qu’ils sont eux-mêmes biscornus : gros toto, gros titi, gros bondage. Oui, je donne à voir l’homme à la grosse paire de couilles, un sac de roches dedans mon slip, je suis l’homme-aux-grands-pieds, l’homme-aux-pieds-douloureux, la femme à gros-cul, gros-seins, gros-ventre. C’est moi le distributeur de souffrances.
Mais je suis né une seconde fois par la grâce d’un lapsus, une nuit, sous le chapiteau du kaiso, comme je me prépare à chanter ma chanson, pour le plus grand profit des étrangers du public, le maître de cérémonie va me présenter, il va faire son annonce avec un accent américain, il dit : « Mesdames et messieurs, voici la chanson que vous attendez, et voici votre chanteur, King Kala ».
Et voilà que dans l’intervalle, ou devrais-je dire, l’intervalable de la mauvaise prononciation langue-fourchée de Kangkala par ce bonhomme de Trinité qui voulait sonner ricain, je renaissais à de nouvelles perspectives. C’était au mitan de cette période de soulèvements que nous appelions Black Power. Je ne me souviens plus vraiment quelle chanson j’allais chanter, à quel gros bonnet j’allais régler son compte, le business de qui j’allais dénoncer mais, cette nuit, inspiré par l’erreur du MC sur mon nom, un rôle d’une tout autre ampleur me tomba dessus. Finies les railleries. Terminés les sous-entendus. Je tombe la veste et je retrousse mes manches. J’allais devenir greffier de l’histoire des gens, chanteur de leurs louanges, restaurateur de leur foi, gardien de leurs vexations, embaumeur de leur colère. Je devins le poète de la révolution.
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Ce soir-là, après avoir quitté la scène, je me retrouve accoudé au bar, je sirote une bière et je regarde les gens sur leurs chaises, essayant très fort de s’amuser, et les ambianceurs sur la scène qui chantent refrain après refrain, s’efforçant de les amuser à leur tour. Je sens une présence à côté de moi ; quand je me retourne je vois que c’est Jazzy. Une Malta dans la main. Il boit pas d’alcool fort – à cause de sa tension. Je veux même pas le regarder, je suis trop vex’.
« Les gens ont pas ta conscience, King », il dit de sa voix douce et implorante de bébé, du coup je sais pas au juste s’il est en train de sympathiser avec moi ou de me baiser la gueule.
Il dit encore, se parlant à lui-même plus qu’à moi : « La musique change.
– Oui, Jazzy, je lui dis. La musique change. La musique change. »
Je devais lever le camp. Jazzy avait raison. Le Black Power, c’était fini ; gueuler Power n’avait rien fichu par terre. La voix loqueteuse des gens, c’était en fait la voix de Dieu. La révolution était finie. Ce monde que certains d’entre nous avions entrepris de changer pour y réclamer notre place était, en gros, toujours le même. L’espace d’un instant, nous autres du Black Power avions écarté le rideau de silence qui camouflait les plus gros problèmes du pays – la dignité des Noirs, l’égalité des chances, l’égalité tout court, ce qu’il restait à faire, comment continuer.
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Tout au long de ce jour-là, Sonnyboy écouta la radio donner tous les détails de la capture des chefs, la reddition des chefs, la fuite des chefs, et il passa une nuit sans sommeil sur le lit de camp en toile du salon de Daniel, à se tourmenter de ce que, selon toute vraisemblance, après des mois d’exubérance, la rébellion du Black Power s’achevait en gémissant. Mais quand, au matin, il lut dans les journaux la poésie captivante de la reddition de ses chefs, leurs poings serrés et levés en l’air, leurs corps hérissés par l’autorité de leur indignation, les policiers mêmes qui les avaient arrêtés les considérant avec sidération, il devint clair pour Sonnyboy que les Frères, ainsi qu’il appelait dorénavant ces hommes, loin de s’être laissés abattre, avaient, comme les danseurs à frou-frous des bals masqués de Guyane, quitté d’un bond leur position d’humilité pour gagner une plus invincible hauteur. Voulant prendre place à leurs côtés, Sonny ôta sa casquette be-bop, la fourra dans sa poche, rendit au halo de ses cheveux sa plénitude antérieure, prit congé de son camarade à Hololo et retourna en hâte à Rouff Street pour y attendre que la police vienne l’arrêter.
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Rooplal était de sang mêlé africain et indien, cette heureuse commodité le faisant accepter dans chaque camp, lui permettant d'accabler d'insultes les membres des deux groupes avec une vulgarité qu'ils ne toléraient de personne d'autre, aucune des parties en présence ne pouvant l'accuser de racisme puisqu'il partageait son héritage avec les deux ; dans son cas, les deux sangs s'annulaient comme des poisons rivaux et destructeurs aussi puissants l'un que l'autre dont la seule vertu était d'avoir produit un rejeton acceptable par les deux camps et qui ne pouvait être revendiqué par aucun des deux.
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Tout de suite après carnaval, un gars d'Amérique se pointe ici à Trinité, il raconte qu'il va tourner des films sur l'île. Grosse annonce. Plein d'articles. Première page. Il va monter l'industrie du cinéma. Grandes paroles.
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