Tout ce que tu possèdes
Tout ce que tu possèdes et tout ce que tu possèderas
Tu perdras tout cela
Tu t’apercevras tôt ou tard, rapidement ou lentement
Mais pas forcément douloureusement
Parce que tu peux perdre tout entièrement sans douleur
Même avec joie merveilleuse
Et tu seras illuminé par l’évidence
Que tu n’avais pas et tu n’as pas besoin
De posséder quoi que ce soit
Quoi posséder et pourquoi posséder
Quand tout est donné
Le corps est donné
La terre entière et tout ce qui vit sur la terre
Le ciel entier et tout ce qui vit dans le ciel
Tu peux posséder seulement le malheur
Et ce malheur est faux
Parce qu’il faut que tu saches
Que le malheur véritable n’existe pas
C’est le bonheur qui existe véritablement
Mais tu n’as pas besoin de posséder le bonheur
Parce qu’on est le bonheur
ON A TROUVÉ DES RÊVES
J’ai retrouvé des rêves
que j’avais autrefois déposés
dans une poche trouée
quand la nuit
le corbeau immense
s’envola vers la rivière limpide — bonne
cette nuit-là
les chauves-souris ont dévoré toutes les étoiles
les papillons blancs
seuls les papillons noirs ont survécu
la vérité était alors comme la lune
qui roulait pendant quatre semaines
sur la surface lisse d’un miroir
Peut-être vais-je enfin trouver l'apaisement.
O Seigneur des Pâturages, comme je me
suis démené dans ma détresse !
Je regarde ces braves gens par lesquels je
me suis toujours senti tellement attiré, dont
la rude existence m'affectait tant, ces braves
gens que j'aimais tant, et maintenant, dans
mon malheur, je les aime encore plus.
Je les regarde et je les admire. Ils deman-
dent si peu. Ils se contentent d'un rien. Moi
aussi, vers la fin, je voulais me contenter de
très peu. De très peu, et non pas de peu,
parce que j'étais extrême en tout, comme
on dit.
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simultanément mise à nu et en joue
calmement poliment lola psalmaudit :
je m’adresse à toi groin de cochon, queue de cochon, peton de cochon, jambonneau, bourrelet, bedonnant, beignet, à toi grosse nouille, boudin, boyau, quenelle, auge, gnome, lombric, à toi coléoptère, épidémie rampante, reptilien, venin, variole, à toi parasite, bourdon, lèpre, pestilence, à toi hyène, chacal, canaille, à toi catacombe, hécatombe, à toi pauvre type…
Je ne suis à personne
J’avais un père, j’avais une mère,
J’avais des frères, j’avais des sœurs,
J’avais aussi,
J’avais aussi trois amis.
Ca allait bien, ça allait mal
Mais de toute façon, ça allait toujours.
Mais après elle est venue,
Et j’ai quitté tout pour elle,
Et je l’aimais, je l’aimais
De la mort je n’avais pas peur
Et elle est partie, en février
Et ne vit plus, celui qui vivait
Je n’ai pas de père, je n’ai pas de mère
Je n’ai pas de frères, je n’ai pas de sœurs
Je n’ai pas non plus (que souffle le vent)
Je n’ai plus d’amis.
Je vais ci, je vais là
Dans la foule toujours seul.
Je n’ai plus rien.
Je n’ai plus rien.
Et je ne suis à personne.
Personne ne m’a.
Personne ne m’a.
Je n’appartiens à personne.
Je ne suis à personne.
Je ne suis à personne.
Je ne suis à personne.
Chanson pour un infecté
C’est merveilleux :
Il y a de l’air !
Et j’ai deux mains,
Et j’ai deux jambes !
Le pain dans le sac,
Le fromage pour le pain,
Et la pluie à boire.
– – – – – – – –
– – – – – – – –
La nuit arrive
Et il fait froid.
Mais j’ai deux mains,
Je vais me couvrir.
Je vais me cacher,
Je vais me consoler.
Dans ma propre fourrure.
– – – – – – – –
– – – – – – – –
L’aube c’est encore loin,
On ne voit rien
Mais j’ai deux jambes,
On va y arriver.
Les chiens aboient !
Les brouillards volent !
Dormez, madame !
– – – – – – – –
– – – – – – – –
Il y a de l’air :
C’est merveilleux !