Le Bonheur lui-même ne fait pas honneur à son nom ; nos désirs les plus ardents ne remplissent pas notre attente. Combien de fois l'objet que nous souhaitons le plus est loin de ce que nous cherchons, le Bonheur ! Les sentiers les plus doux de la nature sont semés d'épines, et les amis les plus vrais blessent, sans le savoir.
L'homme serait riche avec peu de chose, si son jugement était sain. La nature est frugale, et ses besoins sont en petit nombre ; et le petit nombre de besoins une fois satisfait, nous donne un véritable plaisir ; mais les insensés se créent eux-mêmes de nouveaux besoins. L'imagination et l'orgueil cherchent à grands frais des objets qui n'ont point de prix pour la raison, ni pour les sens.
LES TERREURS IMAGINAIRES DE LA MORT.
Pourquoi frémir à l'idée de la Mort ? où est-
elle ? Arrivée, elle n'est plus ; non venue, ou partie,
jamais elle n'est ici. Avant que l'espérance cesse, la
sensation s'évanouit. L'homme qui voit tout en
noir, reçoit, mais n'éprouve pas le coup terrible
de la Mort. Le glas, le cercueil, la pioche et le
tombeau, le caveau profond et humide, l'obscu-
rité et les vers, tels sont les épouvantails des soi-
rées d'hiver, les terreurs des vivans et non des
morts. L'homme jouet de son imagination et vic-
time de ses erreurs, se forge une mort que la na-
ture, n'a jamais créée ; il se jette sur la pointe de
sa propre imagination fantastique, et éprouve
mille morts en en craignant une seule.
p.77-79
La pensée exprimée par la parole n'en est que mieux sentie. Aussi, en enseignant, nous apprenons ; et en donnant, nous gardons les produits de l'intelligence ; nous les oublions, si nous sommes muets. La parole entretient notre feu intellectuel ; la parole polit les productions de l'esprit : elle les embellit pour en faire des ornements, et les aiguise pour son usage.
La richesse peut-elle apporter le bonheur ?
Regardez autour de vous et voyez
Quelle joyeuse détresse ! Quelle splendide misère !
L'Orgueil, semblable à un aigle, bâtit son nid parmi les étoiles ; mais le Plaisir, semblable à l'alouette, fait son nid à terre.
ORGUEIL ET PLAISIR
p.111
La crainte de la mort est moins vile que la crainte de la vie.
Balsamique Sommeil, doux restaurateur de la
nature fatiguée ! Semblable à l'homme du monde,
il s'empresse de visiter ceux à qui la fortune sou-
rit ; il abandonne les infortunés. Porté sur ses ailes
de duvet, il fuit rapidement loin du malheur, et
va s'abattre sur des paupières que les larmes n'ont
point flétries !
p.17
La sagesse, quoique plus riche que les mines
du Pérou, est plus douce que l'ambroisie distillée
par les abeilles, qu'est-elle autre chose que le
moyen d'être heureux ? Ce but manqué,
elle est plus folle que la folie même ; folle mélan-
colique, dépouillée de ses grelots.
p.55-57
Qu'il est doux d'avoir des amis ! Qu'il est cruel d'en avoir eu !