Elle en était là de ses fulgurantes interrogations lorsque l'homme, la regardant de nouveau fixement de ses yeux noirs, releva la trappe d'un coup sec, libérant par son geste une horde de rats affamés. Elle eut juste le temps de les apercevoir par la petite ouverture, tassés les uns sur les autres, les yeux brillants, avant qu'ils ne fondent sur elle.
Il dansait mal, mais il avait une excuse : tout bon danseur avait dû débuter un jour !
Il avait besoin de se changer les idées, d’évacuer le stress et les tensions du boulot. Et puis, il manquait cruellement d’une vie sociale : sympathiser avec des gens ayant d’autres centres d’intérêt que des meurtres, des viols, des passages à tabac ou des crimes en tout genre ne pouvait lui faire que du bien. Et puis, le ridicule n’avait jamais tué personne… Ou en tout cas, il n’en avait jamais rencontré de victimes depuis toutes ses années d’exercice !
Il consacrait sa vie à celle des autres par son travail, et en négligeait la sienne. Il avait entamé la seconde moitié de sa vie en étant célibataire, sans enfants, presque sans amis. Il rêvait de voyages, de découvertes multiples, d’être père de famille. Alors il s’était décidé : à défaut de prendre l’avion pour l’Amérique du Sud, il allait s’initier à ses danses et cela serait l’occasion de rencontrer, sinon la femme de sa vie, au moins de futurs amis.
Il regrettait seulement qu’elle n’ait pas revêtu une de ces robes rouges si près du corps et si courtes, évoquant à elles seules la fièvre latine. Mais, ces tenues devaient être réservées aux démonstrations et non aux cours. Il devrait donc se contenter d’un débardeur rose fuchsia et d’un pantalon de jogging noir, moulant. Une tenue qui lui allait plutôt bien malgré tout.
Les rats réveillent en nous tous des peurs primitives, ils évoquent la saleté… la pauvreté… Le meurtrier veut certainement faire passer un message en les utilisant comme une arme… Tout cela me semble très personnel, je ne pense pas qu’il choisisse ses victimes au hasard.
On ne devrait plus élever les jeunes filles avec l'idée qu'un mari viendra et que tout s'arrangera.
L’image du cadavre mutilé lui revenait comme un flash et il se demandait si cette femme souriante et élégante avait pu finir, sans visage, sur le bord d’une nationale. Il cherchait à établir des ressemblances mais il subsistait si peu d’éléments de comparaison…